« Molière est le premier qui ait su tourner en scènes ces conversations du monde, et y mêler des portraits ; Le Misanthrope en est plein, c’est une peinture continuelle ; mais une peinture de ces ridicules que les yeux vulgaires n’aperçoivent pas. […] Les efforts qu’il fit pour achever son rôle augmentèrent son oppression, et l’on s’aperçut qu’en prononçant le mot juro, dans le divertissement du troisième acte, il lui prit une convulsion qu’il tâcha en vain de déguiser aux spectateurs par un ris forcé.
En montant sur ce mur, tu peux l’apercevoir.
C’est ce qu’auroient dû apercevoir quelques critiques suffisans, dit le même auteur, lesquels, en méprisant certaines saillies de Moliere comme indignes des autres productions de ce poëte, n’ont pas reconnu que dans les pièces mêmes qu’ils blâmoient sans restriction, il y avoit des scènes d’une extrême finesse, et même prises de Terence.
Les courtisans, incapables d’apprécier l’homme de génie, affectaient du mépris pour le comédien ; le monarque s’en étant aperçu, fit un jour asseoir Molière à sa table, en présence de la cour, et le traita avec des égards que toutes ces vanités subalternes eurent de la peine à comprendre.
Mais si ces petites âmes prennent au sérieux leurs petites passions, si elles s’enferment, sans rien apercevoir au-delà, dans les étroites limites de leur propre sottise, au point de poursuivre l’impossible, l’absurde et le faux avec une âpre volonté de réussir, puis d’être consternées et tout abattues par leur échec final, cette lourde et stupide impuissance de l’homme à s’élever au-dessus de sa propre contradiction offre le spectacle le plus pénible, et retient la comédie à terre bien loin de l’idéal.