Elles valent d’être citées ici, comme appendice au texte qu’on lira plus loin : Molière, ayant quitté ses études, fut avocat ; quelque tems après, il s’amusa avec quelqu’autres Bourgeois, selon le goût de ce tems-là, et le sien particulier, à représenter des Pièces de théâtre en bourgeoisie, c’est-à-dire gratis, dans les maisons de quelques particuliers ; mais ses camarades et lui se croyant bons acteurs, ils se mirent à jouer la comédie pour de l’argent, et ce fut alors que ce célèbre comédien prit le nom de Molière, sans qu’on ait jamais sçû pourquoi.
Molière n’avait voulu attaquer que d’une manière générale le vice le plus funeste à la société, mais le public d’alors s’amusa à faire des applications ; un abbé Roquette fut victime de ce besoin de personnalités.
Jamais je n’avais aussi bien senti que dans ce nouveau milieu où je me trouvais plongé pour la première fois, comme, dans cette pièce, tous les personnages sont toujours en scène, comme l’action se traduit aux yeux par le va-et-vient, les attitudes et les gestes des acteurs ; c’est peut-être la seule de nos œuvres classiques qu’il serait possible de suivre sur le théâtre sans comprendre la langue française… Je ne comptais pas que L’Étourdi amuserait beaucoup le public anglais. […] Bazin, et la confusion des auteurs, et le rassemblement des pièces alors en crédit, et l’absence encore cette fois du nom de l’auteur, qui, jouant le rôle de Mascarille, ne s’appelait pas autrement pour les spectateurs ; et la joie candide de ce brave Loret, homme aussi spirituel qu’un autre, qui s’est amusé pour plus que son argent et qui le dit sans aucun souci d’appréciation littéraire ; et surtout la certitude que ces lignes rimées ont été lues dès le lendemain par Molière, dont elles auront réjoui le cœur. » « Cet ouvrage, dit un autre témoin62, a passé pour le plus charmant et le plus délicat qui ait jamais paru au théâtre : on est venu à Paris de vingt lieues à la ronde, afin d’en avoir le divertissement. » Enfin, pour comble d’honneur, la cour, qui était alors au pied des Pyrénées, voulut voir la pièce qui mettait Paris en émoi. […] Du moment où ces deux hommes, placés à de telles distances dans l’ordre social, l’un roi hors de tutelle, l’autre qui n’était encore qu’un bouffon émérite et un moraliste bien timide, se furent regardés et compris, il s’établit entre eux une sorte d’association tacite qui permettait à celui-ci de tout oser, qui lui promettait assurance et garantie, sous la seule condition de respecter et d’amuser toujours celui-là. […] Il s’amuse à la muse et la muse l’amuse.
D’ailleurs il n’aimoit pas le nombre, ni la géne, il n’avoit rien pour s’amuser & s’étourdir sur ses déplaisirs. […] Moliere, qui en parloit avec plaisir, en commença l’histoire ; mais Baron rebuté de l’entendre, alla chercher à s’amuser ailleurs.
Le public se porte en foule au Barbier de Séville, au Mariage de Figaro, non pas seulement parce que les situations originales et la gaieté de ces ouvrages l’intéressent et l’amusent, mais parce qu’il y trouve formulés d’une façon spirituelle ses griefs contre les hautes classes, et les mille abus de l’ancien régime. […] Amuser, faire rire, c’est là, en effet, ce qu’il faut surtout se proposer; c’est le grand art que l’on doit s’efforcer d’acquérir quand par malheur il n’est pas un don de la nature; car sans lui le vrai but de la comédie ne saurait jamais être atteint.