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23. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Des Pieces à spectacle. » pp. 30-36

Un Génie, monté sur un cheval marin, vient au secours des Amants & d’Argentine ; il enchante la robe de la Princesse ; tous ceux qui la mettront ressembleront à Flaminia : il promet à Argentine de lui faire revoir son mari : il les fait tous monter sur un rocher, auquel il ordonne de les transporter à la ville. […] Le Génie lui apparoît, lui donne un pouvoir magique, afin d’aller à Salerne combattre le tyran, & remettre la Princesse légitime sur le trône. […] Arlequin, valet d’un Officier qu’il a suivi à l’armée, veut abattre un arbre pour faire sa provision de bois : un Génie subalterne, enchanté dans ce même arbre, lui adresse la parole, & le prie, en chantant, de le délivrer, en ne coupant qu’une branche qu’il lui indique. […] Le Génie qu’il a délivré lui donne, pour le consoler, une baguette par la vertu de laquelle il pourra faire tout ce qu’il voudra.

24. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez ! […] Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines466. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue. […] Je crois, pour ma part, que deux ou trois de ces ouvrages ont la plus haute valeur comme œuvres du génie, mais que pas un seul n’a la moindre valeur scientifique. […] Or, pour créer, il faut avoir du génie. […] L’école historique ayant fait de la critique une science, tout le monde peut sans art et sans génie, faire avec du travail un bon livre, intéressant et utile, dans le système de cette école.

25. (1739) Vie de Molière

Ses parents obtinrent pour lui la survivance de leur charge chez le roi ; mais son génie l’appelait ailleurs. […] Le génie s’étend et se resserre par tout ce qui nous environne. […] Mais c’est le caractère du vrai génie, de répandre sa fécondité sur un sujet stérile, et de varier ce qui semble uniforme. […] Il est honteux que les hommes de génie et de talent s’exposent par cette petite guerre à être la risée des sots. […] Quelque peine qu’il y eût prise, les plus grands efforts d’un homme d’esprit ne remplacent jamais le génie.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXV. Du contraste des Caracteres. » pp. 386-397

« Voulez-vous qu’une piece de musique soit sans expression & sans génie, jettez-y du contraste, & vous n’aurez qu’une suite alternative de doux & de fort, de grave & d’aigu. […] « Oui : mais qu’un homme de génie s’en empare, qu’il donne à Philinte autant de sang froid, de fermeté, d’éloquence, d’honnêteté, d’amour pour les hommes, d’indulgence pour leur foiblesse, qu’un ami véritable du genre humain en doit avoir ; & tout-à-coup, sans toucher au discours d’Alceste, vous verrez le sujet de la piece devenir incertain. […] Les vers que nous venons de lire me confirment dans mon idée, & me font croire que tout homme de génie, loin de s’emparer de cette scene pour la retoucher, la respecteroit au contraire, parcequ’il verroit qu’elle est traitée comme elle doit l’être. […] Il me paroît donc qu’il en est de cette regle comme de beaucoup d’autres, qu’elle a été faite d’après quelques productions de génie, où l’on aura remarqué un grand effet de contraste, & qu’on aura dit : le contraste fait bien ici ; donc on ne peut bien faire sans contraste. […] Mais si le contraste fut quelquefois pour Moliere le moyen d’un homme de génie, est-ce une raison pour le prescrire aux autres Poëtes ?

27. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

En un mot, cette pièce est d’un bout à l’autre un effort du plus grand génie, qui triomphe du sentiment moral par la force comique, au point de rendre d’honnêtes époux ridicules, et de faire trouver excusable, agréable, admirable, le plus odieux adultère. […] Mais il n’avait pas besoin de donner cette preuve pour démontrer son intarissable facilité ; et le moraliste ne peut lui pardonner d’avoir ainsi employé son art à corrompre, d’avoir véritablement prostitué son génie. […] Mais quand on veut étudier sous toutes ses faces la variété de ce génie, on ne doit lui ôter ni son talent ni son immoralité de poète anacréontique. […] Les mêmes excuses ne sont pas acceptables pour Molière : un tel génie n’a pas le droit d’ignorer à ce point son influence, ni de prétendre à l’innocence en alléguant l’entraînement, la mode, l’absence d’intention. […] Molière devait être le génie du mal aux yeux de Bossuet.

28. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Seule l’irrésistible vocation du génie l’emporta. […] C’est dans la solitude que le génie du mal s’est emparé du cœur de Iago ; c’est dans la société que le génie de la bassesse s’est emparé de celui de Tartuffe. […] Le vieux génie gaulois avait une inclination naturelle pour ces fantasmagories parlantes. […] Il fut avec génie le Paul Louis Courrier d’Athènes. […] En elle réside le génie de la famille.

29. (1692) Œuvres diverses [extraits] pp. 14-260

Enfin parlant toujours d’Astres, et de Merveilles De Chef-d’œuvres des Cieux, de Beautés sans pareilles, Avec tous ces beaux mots souvent mis aux hasard, Je pourrais aisément, sans génie, et sans art, Et transposant cent fois et le Nom et le Verbe, Dans mes vers recousus mettre en pièce Malherbe. […] Malheureux mille fois celui, dont la manie Veut aux règles de l’Art asservir son génie ! […] Si tôt que d’Apollon un génie inspiré Trouve loin du vulgaire un chemin ignoré, En cent lieux contre lui les cabales s’amassent, Ses Rivaux obscurcis autour de lui croassent, Et son trop de lumière importunant les yeux De ses propres Amis lui fait des Envieux. […] Le Mérite en repos s’endort dans la paresse : Mais par les Envieux un génie excité Au comble de son art est mille fois monté Plus on veut l’affaiblir, plus il croît et s’élance.

30. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Il est vrai que cette curiosité si vivement excitée est l’hommage le plus éclatant qui puisse être rendu au génie du poëte. […] Si Jean-Jacques avait pu deviner ce mystère, il ne se serait pas mis en si grands frais de sophismes, pour nous prouver que Molière n’avait eu d’autre but, dans son Misanthrope, que de « rendre la vertu ridicule. » Et voilà comme on avilit le génie ! […] Ce serait faire descendre les grandes œuvres à des proportions indignes dit génie, et rabaisser l’art du poëte comique au triste niveau de la satire personnelle. […] Quoi de plus naturel au poëte que de mêler aux créations de son génie des allusions prises à la réalité tantôt triste, tantôt heureuse et riante de sa propre existence ? […] avec quelle .verve, quel naturel, devaient jouer ces acteurs, les familiers, les camarades et les témoins d’un homme de génie, partageant en quelque sorte son inspiration, et possédant eu eux une “étincelle de ce feu sacré qui animait le poëte 48.

31. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Notez, — les hommes de génie ont de si belles chances !  […] Bossuet, dans son génie, avait trop de tact et d’habileté, pour s’exposer à s’entendre dire par Molière ce que J. […] En effet, jamais deux grands génies ne furent séparés l’un de l’autre par plus d’antipathies. […] Quelle touche ingénieuse et en même temps quel rare génie ! […] Quel génie !

32. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

C’est lui qui, ouvrant au génie la plus vaste et la plus brillante carrière, a fait voir tout à la fois dans l’auteur comique, le peintre éloquent, le moraliste sévère et l’historien fidèle. […] De toute part éclatent des symptômes de décadence : la littérature dégénère avec les mœurs ; les froides antithèses du bel esprit remplacent les rapides inspirations du génie. […] quelle abondante moisson pour ton génie ! […] Sans doute on t’opposerait de nouveaux obstacles ; tu trouverais, comme jadis, des envieux sans pudeur et des critiques sans bonne foi ; mais ton courage serait encore digne de ton génie. […] Et si, malgré tant d’efforts, tes travaux étaient méconnus ; si, malgré tant de génie, tes chefs-d’œuvre étaient proscrits, tu te réfugierais aux pieds du trône, et tu trouverais encore un grand monarque pour les protéger.

33. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Picard, a bien voulu se charger d’écrire la vie d’un grand homme dont il est, plus que tout autre, digne d’apprécier le génie. […] Qui sait si son génie ne se fut pas éteint dans le repos ? […] Le rôle entier de Sganarelle, qu’un fatal ascendant attache à un homme dont il a horreur, est marqué au coin du génie. […] On aime à pénétrer dans la vie intérieure de ces génies privilégiés que la postérité environne de ses hommages. […] C’était un fort honnête homme, d’un petit génie, mais bon mari, bon père, et vivant avec ses camarades dans une grande union.

34. (1871) Molière

Parmi ces emprunts que ce naissant génie agrandissait à sa taille, on signale, il est vrai, des mois, des traits, certains caractères. […] avoir vingt ans, être un génie, et marcher d’un pas résolu à cet art pressenti, deviné, informe et déjà charmant ! […] Il se hâtait de vivre, et le roi se bâtait d’utiliser son génie au profit de ses plaisirs. […] Il a fallu plus de génie et de volonté pour arriver à la représentation de Tartuffe, que pour accomplir le chef-d’œuvre. […] … Qui dira jamais le travail, le génie et les douleurs contenus dans cet étroit espace.

35. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

Il a ses adorateurs, ses fétichistes, ses jaloux, ses contempteurs ; mais, qu’on l’aime, qu’on le haïsse, on s’incline devant son génie et la voix publique le place sur cette cime accessible à un petit nombre où l’admiration des hommes a juché un Homère, un Dante, un Shakespeare, un Goethe. […] Il n’a pas, comme Dante, comme Goethe, donné pour la première fois à son peuple une vigoureuse conscience de son génie, de ses aspirations, de son idéal. […] Le génie d’un Shakespeare étonne, écrase même, parce qu’on se sent dépassé, dominé par lui. […] On a voulu récemment faire de Pascal pour la France ce que Goethe est pour l’Allemagne, le génie représentatif de la race. […] *** Pour cet ensemble de raisons, Molière est devenu, dès le principe, un des plus populaires de nos écrivains et un de ceux qui ont le plus fidèlement représenté à l’étranger le génie moyen de la France.

36. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Mais qu’est-il besoin d’aller chercher dans l’œuvre ignoré d’un auteur inconnu le germe d’une pièce dont Molière trou-voit le sujet dans les mœurs de son temps et le comique dans son génie ? […] De là cette foule de tragi-comédies qui parurent sur la scène française, avant que le génie de Corneille eût séparé les deux genres qu’elles confondaient, et les eût, pour ainsi dire, consacrés par deux types, par deux modèles distincts, Le Cid et Le Menteur. […] C’est de L’École des maris que date véritablement ce qu’on pourrait appeler la seconde manière de Molière, celle où, cessant de copier avec talent, il invente avec génie, où renonçant à imiter les tableaux fantastiques d’une nature de convention, il prend pour uniques modèles, l’homme de tous les temps et la société du sien. […] Comme, avec tout le loisir qui avait manqué à Molière, ils n’avaient rien du génie par lequel il y a suppléé, leurs froides imitations, après avoir amusé un moment la malignité contemporaine par la peinture de quelques ridicules fugitifs, sont tombés dans le plus profond oubli. […] Ces deux génies étaient de même trempe : c’est pour avoir été tous deux également vrais et originaux, c’est surtout pour avoir excellé l’un et l’autre dans l’imitation de la nature, qu’ils ont tous deux mérité le surnom d’inimitable qui les distingue au milieu de tous les grands écrivains de leur siècle.

37. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

II est des hommes de génie qui ont besoin d’être encouragés par un cercle bienveillant : nés aimans, ils veulent être aimés ; l’opinion des autres leur importe toujours; la médiocrité orgueilleuse se suffît bien plus largement à elle-même que le génie modeste. […] Alceste n’est pas comme les héros de Corneille, un composé d’une ou deux qualités éminentes, il a des défauts et il a aussi des qualités secondaires. — C’est non seulement un homme de génie, mais c’est encore un homme d’esprit et de goût. […] L’amour d’Alceste pour Célimène est facile à comprendre ; il est homme de goût, elle est femme de goût; il est homme d’esprit, elle est femme d’esprit ; mais Alceste a du génie : de là, l’inégalité et le malheur.

38. (1824) Notices des œuvres de Molière (VIII) : Le Bourgeois gentilhomme ; Psyché ; Les Fourberies de Scapin pp. 186-466

Cette fureur de mettre des noms aux portraits du théâtre appartient à ces ridicules fureteurs d’anecdotes, qui, trop préoccupés du futile objet de leurs recherches, sont incapables de concevoir les procédés du génie comique. […] C’est sans doute un fait remarquable dans l’histoire des lettres, qu’une pièce de théâtre composée par trois hommes de génie, créateurs en France, l’un de la tragédie, l’autre de la comédie, et l’autre de l’opéra. […] Auteur du plan tout entier, Molière, jeté, pour ainsi dire, par un ordre suprême, hors de sa sphère accoutumée, ne put déployer, dans ce sujet merveilleux, héroïque et galant, aucune des ressources de son génie. […] « Ce génie mâle, dit Voltaire, que l’âge rendait sec et sévère, s’amollit pour plaire à Louis XIV. […] La première renferme ces grands tableaux de mœurs et de caractères qu’il composait d’après la seule impulsion de son génie, tels que Le Misanthrope, Tartuffe, L’Avare et Les Femmes savantes.

39. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Rambert s’attache donc à discerner le beau dans les manifestations diverses du génie de l’humanité, persuadé que le beau qui l’est en soi subsiste au milieu de la variété de ces manifestations. […] Rambert part du même point pour y chercher les secrets du génie du poète. […] Il n’a eu besoin ni de galeries de saphirs et de diamants, ni de génies qui règlent les mouvements des astres, ni de triangle de feu; il n’a eu besoin que de Dieu seul. […] Mais où chercher la cause de ce rajeunissement de son génie ? […] On s’étonne que la révolution française ait commencé par une déclaration des droits de l’homme ; mais ne voit-on pas que c’est là un des tics du génie français et qu’il n’a fait en ce cas que ce qu’il avait fait cent fois?

40. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Le génie observateur de ce poète a saisi de toutes parts, et à bon droit, les traits qui pouvaient servir à former, le tableau complet de la vie humaine. […] Molière refusa; il comprenait dès alors la valeur de son génie; il était fait pour commander, et non pour obéir. […] Plaute et Térence, le théâtre espagnol et le théâtre italien avaient défrayé son génie naissant. […] Ce nom de Vaux rappelle la fidélité au malheur en même temps que le génie. […] Il faut avouer que cette fois Molière fut abandonné par son génie.

41. (1819) Deux pièces inédites de J.-B. P. Molière [La Jalousie du Barbouillé, Le Médecin volant] pp. 1-4

On aura du plaisir à examiner ces premiers essais du génie de Molière, et à les comparer, dans les mêmes sujets, avec les productions de sa maturité. […] D’ailleurs, l’homme de génie, à son entrée dans la carrière, ne donne pas toujours une idée des pas qu’il doit y faire par la suite, et il y a certainement plus loin des strophes sur Port-Royal à Phèdre ou à Athalie, que de La Jalousie du Barbouillé au Tartuffe, ou aux Femmes savantes.

42. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [56, p. 89-93] »

Dans ses comédies d’intrigues, il y a une souplesse, une flexibilité, une fécondité de génie dont peu d’anciens lui ont donné l’exemple. » « Il a su allier le piquant avec le naïf, le singulier avec le naturel ; ce qui est le plus haut point de perfection en tout genre. Car il est bien plus difficile de faire des tableaux d’après nature, c’est-à-dire, où on ne s’écarte jamais des idées du commun des hommes, que de s’abandonner à des caprices où le pinceau joue en liberté, et donne comme fait à dessein, ce qui n’est souvent que l’effet du hasard, ou quelquefois même de l’inhabileté, ou de quelque fougue d’imagination, enfin d’une sorte de libertinage de génie qui a secoué le joug... » « Il semble que Molière ait choisi dans les maîtres leurs qualités éminentes pour s’en former un talent particulier.

43. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Un os, un fragment d’os suffit, dit-on, à la science et au génie pour reconstruire l’animal entier. […] Elle croit au génie de Molière, parce que ses comédies la touchent ; elle croit à la beauté de L’École des femmes, parce qu’elle la sent, et ce sentiment remplit son âme d’une certitude intime qui défie tous les doutes. […] Ce n’est point par l’effet d’un éclaircissement progressif de l’idéal tragique, qu’Uranie a passé du mépris de Shakespeare au culte de son génie divin. […] Fallait-il quelle fît table rase de toutes les idées que l’éducation lui avait acquises, afin de purifier, d’affranchir son goût, de le rendre à l’état de nature, et de pouvoir le mettre désormais en rapport direct avec les œuvres du génie, sans l’intermédiaire de ces idées ? […] Ceux qui ne voient pas le génie de Molière dans Le Misanthrope, ne le découvrent point dans les analyses de la critique.

44. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Nous fait-il pénétrer le moins du monde dans la nature particulière de son génie comique ? […] Elle ne sort pas tout d’un coup de la tête d’un homme de génie. […] Des critiques sont heureux de nous dire que le vice, la vertu, le génie, le talent sont de simples produits comme le vitriol et le sucre. […] de la différence de leurs génies, qui répond à celle de l’esprit des deux nations. […] Il oublie encore ici le génie de la France.

45. (1788) Molière (Dictionnaire encyclopédique) « article » pp. 588-589

Molière est l’esprit le plus original et le plus utile qui ait jamais honoré et corrigé l’espèce humaine, et Boileau même en jugeait à peu près ainsi ; car Louis XIV lui ayant demandé quel était le génie qu’il devait regarder comme ayant le plus illustré son règne, il nomma sans balancer Molière. […] Rapprochez la scène de Métaphraste avec Albert, de celle qui donne le nom à la pièce, et qu’égale presque deux scènes pareilles du Dépit amoureux, l’une dans Le Bourgeois Gentilhomme, l’autre dans le Tartuffe, vous connaîtrez dejà l’immensité du génie de Molière.

46. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

Son génie est impersonnel254. Il a pour antagoniste-né le génie lyrique, qui sans cesse se chante, se raconte et se décrit, qui se mire dans les choses, se sent dans les personnes, intervient et se substitue partout, et rend impossible la diversité255.

47. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Il s’est appliqué particulièrement à connaître le génie des grands, et de ce qu’on appelle le beau monde, au lieu que les autres se sont souvent bornés à celle du peuple. […] Mlle Le Fèvre trouve qu’il avait beaucoup du génie et des manières de Plaute et d’Aristophane. […] Il faut avouer qu’il parlait assez bien français ; qu’il traduisait passablement l’italien ; qu’il ne copiait point mal ses auteurs : mais on dit peut-être trop légèrement, qu’il n’avait point le don de l’invention, ni le génie de la belle poésie11, quoique ses amis même convinssent que dans toutes ses pièces le comédien avait plus de part que le poète, et que leur principale beauté consistait dans l’action.

48. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

J’ai chez moi un garçon qui, pour monter une rheingrave, est le plus grand génie de monde, et un autre qui, pour assembler un pourpoint, est le génie de notre temps. […] ce génie presque divin succombant sous le quolibet banal d’un libelliste ! […] Seulement les œuvres du génie ne sauraient mourir. […] Victor Hugo a relevée à force d’éloquence et de génie ! […] Il est le père du génie français.

49. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

C’est une étude attachante que de suivre un tel homme dans tous les caprices de son inépuisable fécondité, et d’apprécier à la mesure de la morale toutes les fantaisies d’un génie si puissant pour le bien ou pour le mal. […] Par quel contre-sens étonnant le génie de Molière a-t-il conçu l’idée la plus élevée du mariage, ] et n’a-t-il jamais entrevu l’idée de la famille ? […] Criminel l’auteur qui consacre son génie à leur en enseigner le mépris ! […]   C’est une singulière aberration du génie, que de méconnaître ce qu’il y a de touchant, de grand, de dramatique à l’occasion, dans les sentiments de respect, d’affection et de dévouement qui constituent la famille. […] Molière, avec une grande liberté de génie attaqua la société d’alors dans ce qu’elle avait de plus mauvais et de plus redoutable, la noblesse oisive.

50. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

Je ne m’excuse point, Messieurs, de cette citation un peu longue : je suis sûr que vous avez plaisir à revoir en passant; cette poésie franche de ton, colorée sans être fardée, vive et enjouée sans afféterie, et où le bon sens devient du génie. […] Je ne prétends donc point chercher ce qu’aurait produit notre génie dramatique si, au lieu de raviver la cendre d’Agamemnon ou la poussière des Sosie et des Dave, il se fut consacré à perpétuer les souvenirs héroïques de l’histoire nationale ou à peindre les mœurs de notre société à ses divers âges. […] La langue est nette, claire, ferme, de bon aloi : elle a la marque du génie. Un seul homme, au temps de Louis XI et dans toute notre vieille littérature, a eu cette langue et ce génie, c’est Villon, ce poète populaire, « né de Paris emprès Pontoise, » et dont les années concordent si exactement avec la date de Patelin qu’il en ressort un invincible rapprochement. […] Le génie de notre nation se trouve comme accablé, pendant près d’un siècle, par l’étourdissement que lui cause l’irruption subite des auteurs de l’antiquité; la phrase française prend d’autres allures et cherche à se calquer sur la phrase latine ; le vocabulaire même se modifie, nombre de mots se perdent, d’autres naissent plus ou moins heureusement de l’imitation.

51. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Le mérite supérieur des ouvrages de ces deux grands génies eut à combattre d’abord les préjugés du public. […] Ce sont là de ces traits où l’art seul ne peut rien, si l’on n’est inspiré par le génie et guidé par le bon goût. […] Riccoboni, dans ses Observations sur la comédie et le génie de Molière, parle avec éloge du sujet d’Amphitryon. […] Molière, après avoir exécuté ce que l’enthousiasme de son génie lui demandait, est revenu sur ses pas, et n’a rien oublié pour corriger la faute qu’il avait faite dans le caractère de Cléante. […] [Note marginale] Observations sur la comédie et sur le génie de Molière, par M. 

52. (1746) Notices des pièces de Molière (1661-1665) [Histoire du théâtre français, tome IX] pp. -369

Il n’y a personne au monde qui les pût si bien exprimer, à moins qu’il n’eût son génie, quand il ferait un siècle à les tourner. […] [Note marginale] Observations sur la comédie, et le génie de Molière, livre II, p. 104-111. […] Il semblait qu’un sujet ainsi traité ne dût fournir qu’un acte : mais c’est le caractère du vrai génie de répandre sa fécondité sur un sujet stérile, et de varier ce qui semble uniforme. […] [Note marginale] Observations sur la comédie, et le génie de Molière, p. 74 et suivantes. […] Observations sur la comédie et sur le génie de Molière, p. 119 et 120.

53. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Le temps n’est plus des âpres génies. […] — Un garçon d’esprit toutefois.. ; II m’a fait pâmer de rire dans telle pièce de Scarron… mais aussi, ce Scarron, quel génie ! […] — Molière est un génie ! […] Non ; le signe de la divinité, c’est la création : l’invention, voilà le signe du génie. […] Ce vers est un trait, de génie comique.

54. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

C’était inévitable : la tendance qui portait à mettre du romanesque dans toutes ses actions et à tout amplifier dans son génie pouvait-elle l’épargner lui-même ? […] Celle d’un ancien commandant du génie, H. […] Mais, le génie mis à part, tout, dans ce corps et ce visage, était le contraire de la régularité. […] L’exercice de son génie achevait de le porter à la tristesse. […] Avant d’être écrivain de génie, il était, il voulait être comédien excellent.

55. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Signalons seulement deux comédies, en cinq actes et en vers, qui, malgré leur inexpérience, annonçaient déjà son génie. […] Car son cœur valut son imagination ; et, si le comique est la forme de son génie, le bon sens, la raison la plus pure en est le fond et la substance. […] Or c’est ici que son génie se montre. […] Il n’y a pas de terrain interdit au génie. […] Ce serait donc méconnaître les droits ou même les devoirs du génie que de prétendre l’asservir aux étroites contraintes de la réalité vulgaire.

56. (1801) Moliérana « Vie de Molière »

Ses parents tinrent pour lui la survivance de leur charge chez le roi ; mais son génie l’appelait ailleurs. […] Ce dernier ayant démêlé de bonne heure le génie de Pocquelin, l’associa aux études de Chapelle* et de Bernier*. […] Ce fragment suffit pour faire admirer la fécondité et l’étendue du génie de Molière, qui savait se plier à tant de manières, et se prêter à tous les genres.

57. (1821) Scène ajoutée au Boulevard Bonne-Nouvelle, pour l’anniversaire de la naissance de Molière pp. -

L’homme obscur tout entier succombe ; Mais Molière est encor debout : Qu’importe enfin où se trouve sa tombe, Son génie est partout. […] ô génie étonnant et sublime !

58. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. M. DORAT. » pp. 463-467

L’Auteur minutieux en est indigné ; l’homme de génie en rit. […] C’est que sans louer & sans critiquer les productions d’un Auteur, on peut leur trouver quelque rapport avec les chefs-d’œuvre du génie ou de la sottise.

59. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXII. De l’Intérêt. » pp. 385-398

Leurs écarts sont du moins les écarts du génie, que l’art n’a jamais maîtrisé. […] C’est peut-être dans cette occasion qu’il a donné la preuve la plus convaincante de son génie. […] Le véritable intérêt comique se déguise sous assez de formes : tantôt il affecte le cœur, tantôt il ne pique que la curiosité, mais de mille façons diverses, suivant le génie de l’Auteur, & l’adresse avec laquelle il sait les amener, les mettre en jeu & les faire contraster.

60. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Bazin, ce qui nous a valu tant de chefs-d’œuvre. »O génie de l’homme ! […] Quant à la grossièreté, elle est à peu près inséparable du génie comique. […] Molière est l’ennemi, on dit presque le vainqueur, de l’hypocrisie ; c’est par là que son génie est surtout signalé à l’admiration de la foule, et non-seulement son génie, mais plus encore son caractère. […] La faute en est à son art plus qu’à son génie. […] Mais d’un autre côté je ne trouve pas que ce coup de génie soit un trait de caractère.

61. (1879) Les comédiennes de Molière pp. 1-179

Il avait soif d’amour comme il avait soif de gloire ; l’éternel féminin le passionnait à toute heure, comme l’éternelle création du génie. […] Elle a réveillé en lui la jeunesse, elle a frappé son génie d’un rayon magique de renouveau. […] Rien n’était médiocre dans la maison de Molière, car il avait donné du cachet même à ceux qui n’avaient pas le moindre génie dramatique. […] Rivarol a dit : « Le génie égorge ceux qu’il pille. » Ainsi a fait Molière. […] Tout homme de génie avait la sienne.

62. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XX. Des Unités. » pp. 352-366

Mais je suis persuadé que le plus grand génie auroit, dans un cas semblable, autant de difficultés à surmonter que Guarini ». […] Riccoboni 53 a raison de dire que les fables où regne l’unité d’action sont sans contredit les plus naturelles & les plus convenables ; mais il a tort quand il ajoute que parceque de grands génies, comme Moliere & Guarini, ont fait des fables d’action double, on doive les imiter, & citer leurs ouvrages comme des modeles qu’on peut suivre. […] Indépendamment de ses ouvrages dramatiques, nous avons de lui une histoire raisonnée du Théâtre Italien, depuis la décadence de la Comédie Latine jusqu’à son siecle ; un poëme italien sur la déclamation ; des observations sur la comédie & sur le génie de Moliere, ouvrage dont il est souvent question dans celui-ci ; des réflexions historiques & critiques sur les différents Théâtres de l’Europe, avec des pensées sur la déclamation ; un ouvrage intitulé la Réformation, dans lequel il a souvent des vues qui seroient tout-à-fait opposées au goût de notre siecle.

63. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

La gloire qu’il voyait prochaine, le génie dont il avait conscience, ne sauraient-ils compenser, pour un jeune cœur facile à l’enthousiasme, ce que l’âge lui avait enlevé ? […] Célimène est le type de femme le plus original et le plus complet qui soit sorti du génie de Molière ; c’est aussi le plus difficile du répertoire classique. […] Angélique du Malade imaginaire fut le dernier rôle qu’elle dut au génie de son mari. […] Ce foyer de chaleur, accessible à tous, et qui semble sortir de la tombe même du poète, n’est-ce pas l’image de son génie, cet autre foyer de raison, de poésie et de gaîté ? […] Dans les années qui suivirent sa mort, Molière n’était pas encore regardé comme le génie prodigieux que nous voyons en lui.

64. (1819) Notices des œuvres de Molière (IV) : La Princesse d’Élide ; Le Festin de Pierre pp. 7-322

Notice historique et littéraire sur La Princesse d’Élide Molière avait pu se convaincre, par le peu de succès de Dom Garcie de Navarre, que le genre noble, sérieux et galant ne convenait point à son génie, et probablement il ne se fût pas décidé de lui-même à tenter une seconde épreuve. […] Les changements qu’il y a faits tiennent à plusieurs causes : quelques-uns étaient commandés par la différence de goût qui existe entre les deux nations ; d’autres sont dus au génie particulier de l’imitateur ; d’autres, enfin, doivent être attribués aux circonstances qui maîtrisaient et précipitaient son travail. […] Enfin, ce singulier point d’histoire littéraire et bibliographique est maintenant éclairci ; et, ce qui vaut mieux encore, le public aura désormais dans son intégrité, sinon un des plus beaux, du moins un des plus étonnants ouvrages qu’ait enfantés le génie de Molière. […] Molière n’a trouvé que dans son génie le type de cette figure extraordinaire.

65. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Le génie de Molière, paraissant tout à coup s’élever au-dessus de lui-même, atteignit à une hauteur qu’il ne devait plus pouvoir surpasser : il créa Le Misanthrope. […] Une telle conception est évidemment le chef-d’œuvre du génie comique. […] Shakespeare a converti le dialogue de Lucien en un drame historique où son génie énergique et bizarre a prodigué les beautés et les défauts que sa nation admire en lui presque indistinctement. […] On croit que Molière, dont cette fois le zèle avait été mal secondé par son génie, s’empressa d’anéantir un ouvrage fait à la hâte, dont rien ne pouvait déguiser ni justifier l’imperfection aux regards du lecteur. […] Le naturel de l’auteur, c’est-à-dire le génie comique perce et se montre par intervalle à travers ce mélange de sentiments guindés et d’aventures romanesques ; mais ce sont des lueurs passagères qui ne servent, pour ainsi dire, qu’à éclairer et à rendre plus sensible la triste insipidité du reste.

66. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VII. Le théâtre français contemporain des Gelosi » pp. 119-127

S’ils étaient moins savants et moins raffinés que leurs rivaux, s’ils n’étaient pas aussi riches en inventions galantes ou burlesques, les comédiens français de la rue Mauconseil avaient pourtant leurs verves, comme disait Montaigne, et, dans leurs batelages, perçait parfois un génie comique qui promettait de dépasser la commedia dell’arte elle-même. […] Il faut qu’il s’écoule un demi-siècle au moins pour qu’on en vienne à être assez maître de son propre génie pour le garder tout entier, même en présence des modèles que nous offraient les littératures plus avancées que la nôtre.

67. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

Elles décident qu’elles font époque, que le feu du génie s’allume enfin en France, et qu’elles en ont recueilli les premières étincelles. […] Alors les charlatans triomphent, et ils se sentent persuadés de leur puissant génie, en descendant de cette chaire professorale où ils sont montés avec la conscience chargée des avertissements de leur nullité.

68. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Son opinion sur le génie de La Fontaine. […] Appréciation du génie de Molière : caractères qu’il avait encore à tracer. […] Réponse de ce dernier à Louis XIV sur le génie de Molière. […] Le grand poète, l’homme de génie ne put faire absoudre le comédien. […] » Le trait peint son cœur, l’exclamation son génie.

69. (1739) Vie de Moliere (Réflexions sur les ouvrages de litérature) [graphies originales] « Chapitre » pp. 252-262

* « Nicolas Mauvilain, Chirurgien de Paris, laissa un fils Docteur de la Faculté de Médecine de Paris, qui avoit un air bouru, & un génie bisarre & inquiet. […] Habert de Montmor de l’Academie Françoise ait souffert qu’on lui ait dedié une si mauvaise Piece, & des injures atroces contre un des plus beaux génies de la France.

70. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Or, cette délicatesse morale, Molière l’a eue au plus haut degré, et l’a exprimée avec un suprême génie dans le Misanthrope 126. […] La vertu d’Alceste est intacte et respectée au milieu de tout le rire soulevé par ses ridicules ; et moi-même’, simple et faible spectateur, l’auteur me force par un coup de génie à faire nettement celte distinction qu’Alceste ignore, du mal même que je hais, et de l’homme, qui peut en être atteint jusque dans la plus haute vertu, et que j’aime pourtant, pour sa vertu et pour lui. […] Un tel génie devait être content de soi, quand il touchait si admirablement les points où le monde s’imagine que la morale n’a rien à voir, parce que le sens moral du monde est émoussé par la double habitude du plaisir, qu’on croit honnête tant qu’il n’est point scandaleux, et de l’intérêt, qu’on croit permis tant qu’il n’est point criminel. […] Il a clairement montré, par les plus risibles exemples182, la folie de ceux Qui prennent pour génie un amour de rimer183.

71. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Le trésor souterrain est toujours présent à l’esprit du spectateur, il est là comme un mauvais génie qui tourmente l’avare jusqu’à le rendre fou, et c’est une leçon de morale qui pénètre bien plus avant dans le cœur que celle de Molière. […] Plusieurs vers de cette pièce sont à la fois des saillies spirituelles et des traits de caractères ; d’autres plaisanteries tiennent à cette gaîté sans but, véritable inspiration du génie comique. […] Le Grand ne connaissait certes pas le théâtre comique des Grecs ; il a donc entièrement dû à son propre génie (je ne crains pas de me servir de ce mot), l’idée d’un genre alors absolument neuf. […] Ces deux pièces de Molière ne sont pas des fanaux pour guider le génie de ses successeurs, mais des écueils contre lesquels ils échouent. […] Talma est un homme de génie unique, et il est presque le seul qui fasse exception à tout ce que je dis ici.

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