Ces habitudes loyales d’un travail plein de conscience et de zèle, la critique les impose et bien vite, même aux esprits les plus disposés à la tentation et aux libertinages du hasard. […] La première lecture qu’en fit Molière se fit chez Ninon de Lenclos, cet honnête homme d’un goût exquis, d’une beauté fine, d’une philosophie pleine de grâce et de malice. […] Caffaro, c’est-à-dire, oui, Molière, « nous ne pouvons passer pour honnêtes les impiétés dont sont pleines vos comédies ». […] De sa naissante comédie il avait entretenu la province, et déjà la ville et la cour adoptaient L’Étourdi comme une œuvre pleine de sourires. […] Toutefois, un amoureux sans argent vaudra toujours mieux que ce diable d’homme qui a les poches toujours pleines d’arguments irrésistibles.
Euclion trouve Strobile qui rode autour de l’endroit où il a caché son pot plein d’or. […] Strobile a volé la marmite pleine d’or qu’Euclion avoit cachée ; l’Avare s’apperçoit du larcin, il paroît en disant : Euclion. […] Maître Jacques apprend qu’on a volé à son maître une cassette pleine d’or ; il accuse l’Intendant, pour se venger des coups de bâton qu’il en a reçus. […] Euclion cache son pot plein d’or dans son foyer, ensuite dans le Temple de la Fidélité, après cela dans un bois consacré au Dieu Silvain. […] Euclion se corrige, & donne pour dot à sa fille ce pot plein d’or qui lui a causé tant de soucis.
Agnès, dans son ignorance des choses du monde, est pleine de naïveté : mais pour sotte, elle ne l’est pas. […] Plein de rancune, le duc de La Feuillade rencontre Molière quelque temps après la représentation du spirituel panégyrique composé par l’auteur. […] Cette comédie de l’Amour Médecin est pleine de traits charmants. […] La marmite pleine d’or du vieil Euclion a donné l’idée de la cassette d’Harpagon. […] La façon dont en parle Dancourt est pleine de gaîté.
C’est dans ces considérations qu’il me semble raisonnable de chercher les vrais motifs des suppositions bizarres que renferme la lettre à madame d’Heudicourt, et des expressions pleines d’humeur sans conviction qui la caractérisent. […] Madame Scarron voyait dans l’estime et la confiance, du roi la pleine satisfaction de sa passion native et de celle que l’instinct de la jeunesse y avait associée. […] C’était pourtant au fond une âme assez basse, et pleine de vénération pour les grandeurs humaines ; d’ailleurs tracassier et processif.
Je réponds que, dans mon étude de ces deux chefs-d’œuvre, je marchais sur le terrain le plus uni, le plus certain, le plus solide : l’œuvre même de Molière, pleine, entière et sortie d’un seul jet. […] Il croyait que les trois premiers actes joués en mai 1664 formaient une comédie pleine et finie, que l’auteur plus tard délaya en cinq actes9. […] L’embarras d’Elmire, sa toux subite, cette table qu’elle ne quitte pas, ces coups qu’elle y frappe, tout cela lui échappe ; il est aveugle et sourd, il est pipé, pipé à pleines pipes, comme Arnolphe et comme Sganarelle ! […] Tout le monde est bon dans la maison d’Orgon ; le père est plein de faiblesses humaines ; le frère, sage sans égoïsme, s’emploie pour les enfants qu’il chérit. […] Elmire n’a pas d’amour sans doute, son mari pourrait être son père, mais elle a pour lui une amitié loyale, pleine de ménagements et de bonne grâce ; point de passion, point de froideur non plus.
Sans ce métier fatal au repos de ma vie, Mes jours, pleins de loisir couleraient sans envie, Je n’aurais qu’à chanter, rire, boire d’autant ; Et comme un gras Chanoine, à mon aise, et content, Passer tranquillement, sans souci, sans affaire, La nuit à bien dormir, et le jour à rien faire, Mon cœur exempt de soins, libre de passion, Sait donner une borne à son Ambition, Et suivant des grandeurs la présence importune, Je ne vais point au Louvre adorer la Fortune : Et je serais heureux, si, pour me consumer, Un destin envieux ne m’avait fait rimer. […] Il faut que ses Acteurs badinent noblement : Que son nœud bien formé se dénoue aisément : Que l’Action marchant où la raison la guide, Ne se perde jamais dans une Scène vide : Que son style humble et doux se relève à propos : Que ses discours partout fertiles en bons mots Soient pleins de passions finement maniées ; Et les scènes toujours l’une à l’autre liées.
I C’est une étude pleine d’intérêt que de rechercher le côté réel et vivant d’une œuvre dramatique, de séparer la fiction de la vérité, de voir dans quelles proportions le poëte a pu joindre aux types qui sont les produits de son imagination, quelques reflets de la réalité, quelques traits empruntés çà et là au monde qui l’environne. […] Et cependant l’humeur coquette d’Armande était loin d’être un indice rassurant pour l’avenir, Mais Molière avait subi le charme et, plein d’illusions, il s’écriait comme Alceste : « Sa grâce est la plus forte ; et-sans doute ma flamme De ces vices du temps pourra purger son âme. » Vaines illusions ! […] Génin, voulut une fois épancher noblement la douleur qui navrait son âme : de là vient que le Misanthrope, sans action, est si intéressant; c’est le cœur du poëte qui s’ouvre, c’est dans le cœur de Molière que vous lisez sans vous en douter; tout cet esprit si fin, cette délicatesse élevée, cette jalousie vigilante et confuse d’elle-même; cette fière vertu, rebelle à la passion qui la dompte, c’est Molière, c’est lui qui se plaint, qui se débat, qui s’indigne ; c’est lui que vous aimez, que vous admirez, de qui vous riez d’un rire si plein de bienveillance et de respect46. […] II nous semble entendre Molière, toujours plein de pardons, s’écrier comme Arnolphe dans L’École des femmes : « Je te pardonne et te rends ma tendresse. » 45.
Qu’on la mette après, le spectateur, satisfait & plein des choses importantes qu’il desiroit savoir, la trouvera détestable. […] pardon, ma fille : j’ai la tête si pleine des folies de Moncade....
et cette charmante Martine qui ne dit pas un mot dans son patois qui ne soit plein de sens et de raison? […] Qu’est-ce qui a un aussi grand nombre de ces vers pleins, de ces vers nés, qui n’ont pas pu être autrement qu’ils ne sont, qu’on retient dès qu’on les entend, et que le lecteur croit avoir faits?
Il prend soin de les arrêter, ces larmes qu’il trouve si belles ; & l’aimable bergere prend soin en même temps de le remercier de son léger service, mais d’une maniere si charmante, si tendre & si passionnée, que le berger n’y peut résister ; & chaque mot, chaque regard, est un trait plein de flamme dont son cœur se sent pénétré. […] O parole pleine d’appas ! […] Il est à parier que Moliere, plein de son idée, laissa couler sur son papier les quatre vers que nous avons rapportés, & qui sont ceux de Boileau mis en action & en dialogue. […] Cela est vrai, elle a les yeux petits ; mais elle les a pleins de feu, les plus brillants, les plus perçants du monde, les plus touchants qu’on puisse voir.
Le spectacle de la lutte divine qui s’engage alors est sublime ; il frappe l’âme d’une terreur religieuse et d’une pitié pleine d’admiration, d’une terreur et d’une pitié purifiées, comme le veut Aristote. […] Loin d’être morts, ils sont pleins de vie, mais d’une vie en quelque sorte idéale. […] Mais ce tableau n’est point immoral, car il représente comme nécessaire la destruction de l’immoralité ; et il est poétique, parce qu’il est plein de sérénité, parce que le peintre n’a eu garde de tremper son pinceau ou sa plume dans le fiel de la tristesse indignée. […] Mais ici je m’arrête plein de trouble, parce que je ne sais pas jusqu’à quel point la contradiction, qui est la loi du monde, doit être aussi la loi des écrits du philosophe qui la constate. […] La collision réside dans le caractère personnel d’Hamlet, dont la noble âme n’est pas organisée pour me action énergique et qui, plein de dégoût pour le monde et la vie, chancelant dans ses résolutions et ses préparatifs d’exécution, périt par ses propres lenteurs et par la complication extérieure des circonstances.
Ainsi, les auteurs de ces différents ouvrages ont enrichi le théâtre de nouvelles découvertes, se sont fait remarquer par des observations profondes, un naturel, une gaieté souvent admirables, et par des traits pleins de force et de vérité. […] Ici, c’est par la représentation vive et animée des objets qui ont frappé l’auteur plus profondément que les autres, qu’il doit intéresser et instruire à la fois le spectateur : tous les traits que son esprit observateur réunis doivent alors être vivifiés par des situations pleines de force et de vérité. […] Par un prodige inouï, en attaquant l’excès de la vertu, en en montrant tous les dangers, il n’a pas cessé de la respecter ; et, par l’opposition continuelle de sa sévérité et de la dépravation de nos mœurs, il a fait naître des situations pleines d’un comique en même temps, noble et naturel.
Mais le prodige de l’art, pour se tirer d’une situation difficile, c’est ce trait du caractère du Tartuffe : Oui, mon frère, je suis un méchant un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.
Molière, plein de cet ouvrage qu’il méditait, se trouva un jour chez le nonce du pape267, avec plusieurs personnes, dont un marchand de truffes vint par hasard animer les physionomies béates268 et contrites269.
Oui, je vois ces défauts dont votre ame murmure, Comme vices unis à l’humaine nature ; Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé De voir un homme fourbe, injuste, intéressé, Que de voir des vautours affamés de carnage, Des singes malfaisants & des loups pleins de rage. Un homme qui ne voit les hommes, qui ne les aime, que comme des vautours affamés de carnage, des singes malfaisants, & des loups pleins de rage, ne contraste certainement point avec un Misanthrope.
Il a surtout composé pour l’Église et donné sa pleine mesure dans la musique sacrée […].
Qu’est-ce que Les Captifs de Plaute et l’Heautontimorumenos de Térence, sinon des drames tout pleins de pathétique ? […] Euclion a trouvé dans sa cheminée une marmite pleine d’or. […] Folie aimable et pleine de sens. […] Le bouffon privilégié, tantôt fin et spirituel, tantôt épais et balourd, a hérité quelque chose de l’inspiration joyeuse, de l’abandon plein de franchise, et de la liberté de tout dire, qu’avaient à un si haut degré les premiers poètes comiques. […] Folie aimable et pleine de sens, où étincelle cet esprit fantastique si rare en France, et où règne une plaisanterie vive et douce, qui, bien qu’elle aille quelque fois jusqu’à une sorte de délire, ne cesse jamais d’être légère et inoffensive.
Ces Lettres, dont l’apparente spontanéité est un effet de l’art, contiennent des évocations de la nature, rapides mais pleines de fraîcheur, et des anecdotes concernant des événements ou des personnages de la Cour.
Son frère Camille lui a cependant laissé 227 mille écus (1200 mille francs de rente) et des caisses pleines. […] je ne veux point parler, Tant ce raisonnement est plein d’impertinence ! […] Le pot de chambre jeté avec une manche de livrée, la seringue pour tirer le bouillon, la malle pleine de bougie. […] Un caractère plein de force et d’esprit. […] D’ailleurs, Sosie est plein d’esprit.
Pourquoi, aux jeunes gens gracieux et pleins d’honneur, a-t-il partout opposé des pères imbéciles, intéressés et quinteux ? […] C’est un mensonge moral, de prétendre que des fils puissent être pleins d’honneur et de raison, des filles pleines de délicatesse, de pudeur et de grâce, sans que pères ni mères leur aient rien donné de ces qualités, ni par éducation, ni par héritage.
l’esprit toujours plein de vos charmes, M’a voulu choisir entre tous Pour vous donner avis du succès de ses armes, Et du desir qu’il a de se voir près de vous. […] Ses scenes sont vives, pleines de feu & de mouvement.
Voyez d’abord le beau côté : Eraste a le cœur noble & plein d’humanité. […] Eraste, toujours plein de cette philosophie qui aide à caractériser sa manie, dit qu’il ne faut s’affliger de rien.
Il suffirait d’ailleurs, pour la justification de Bossuet, d’observer que madame de Maintenon est la seule de tous ses contemporains qui se soit permis, en cette occasion, de donner comme un témoignage de mollesse, ou comme un défaut d’esprit de la cour, une conduite pleine de bienséance et conforme aux maximes de la prudence chrétienne. […] Les causes déterminantes, comme nous le verrons dans les événements de cette année, 1680 et des précédentes, qui été l’inconstance du roi, la lassitude des continuelles avanies qu’elle lui attirait, et surtout la douceur, la raison pleine de charmes, le vif intérêt qu’il trouvait dans la conversation de madame de Maintenon, son inclination pour elle, le désir de se fixer à la possession du noble cœur qu’il lui avait reconnu.
Cette tête inclinée, ce corps affaissé sur lui-même, ces mains qui semblent s’abandonner, toute la pose enfin pleine de laisser-aller, ne rendent pas l’idée glorieuse qui s’attache à Molière. […] Molière put être mélancolique dans sa vie privée, nais il n’eut certainement pas cette mélancolie pleine de langueur et d’abattement des âmes maladives.
Il y a deux écrits critiques de Fénelon, la Lettre à Dacier, sur les occupations de l’Académie et les Dialogues des Morts, ce sont deux œuvres étonnantes, pleines de génie. […] Ce rire de Molière, messieurs, ce rire se donne pleine carrière ; il n’épargne rien ; Molière, poète comique, n’a respecté ni les autres ni lui-même, ni rien de ce qui était autour lui ! […] La Fontaine est plein de maximes comme celle-ci : La raison du plus fort est toujours la meilleure. […] Le génie du poète a mis une particulière empreinte sur cette pièce, conçue en quelques jours, écrite d’un jet puissant, pleine de choses, de choses tristes et profondes, tantôt comédie, tantôt drame, ou l’un et l’autre à la fois. […] Mais la haine vigoureuse de l’injustice, la pitié pour ceux qui souffrent des caprices de l’égoïsme et de l’orgueil, ne vieillissent point ; et nos grands comiques sont pleins de ces deux sentiments.
Bien qu’avec pleine tendresse Myrtil me puisse chérir, Avec toi je le confesse ; Je voudrais vivre et mourir.
Vois, ma Climène, Vois sous ce chêne S’entrebaiser ces oiseaux amoureux : Ils n’ont rien dans leurs vœux Qui les gêne : De leurs doux feux Leur âme est pleine ; Qu’ils sont heureux ! […] Les Plaisirs de l’Ile enchantée, première journée, Apollon ; les Amants magnifiques, premier intermède, Neptune ; cinquième intermède, Apollon : Bienheureuses de toutes parts, Et pleines d’exquises richesses, Les terres où de mes regards J’arrête les douces caresses ! […] Je ne te réponds pas qu’au retour, moins timide, Digne écolière enfin d’Angélique et d’Armide, Elle n’aille à l’instant, pleine de ces doux sons, Avec quelque Médor pratiquer ces leçons.
Je vous avouerai donc, avec pleine franchise, Qu’ici d’une beauté mon ame s’est éprise. […] « En vérité, je lui en suis fort obligée, répondit l’innocente Laure, & j’aurois son service fort agréable ; mais la maison est pleine de valets, & jusqu’à tant que quelqu’un d’eux s’en aille, je ne l’oserois recevoir en l’absence de mon mari : je lui en écrirai, si ce gentilhomme le souhaite, & je ne doute point que je n’en obtienne tout ce que je lui demanderai ». […] « Quel mal trouves-tu « Dans un dessein honnête & tout plein de vertu ? […] Cet étranger, courtois, civil & plein de charmes, Me les a fait quitter, & m’a dit, ébahi, Que l’on n’exerçoit pas ces loix en son pays ; Que les femmes avoient, après le mariage, Des armes à la main qui faisoient moins d’outrage ; Qu’elles avoient des loix plus douces qu’en ces lieux.
Corneille, entraîné par l’exemple de ceux qui avaient pris sa place, crut devoir s’y conformer, et tempérer le sujet plein d’horreur et d’effroi qu’il avait choisi par la passion de l’amour, qui en général est toujours du goût des spectateurs. […] Ces pièces ne laissent pas d’être fort plaisantes et pleines d’esprit, témoin Le Menteur, dont nous parlons, Dom Bertrand de Cigarral, Le Geôlier de soi-même ; mais enfin la plus grande beauté de la comédie était inconnue ; on ne songeait point aux mœurs, aux caractères ; on allait chercher bien loin les sujets de rire dans des événements imaginés avec beaucoup de peine, et on ne s’avisait point de les aller prendre dans le cœur humain qui en fourmille. […] Cet ouvrage est rare et peu connu ; cependant il est plein d’anecdotes en tous genres et particulièrement de celles des théâtres. […] Nous avons eu cet hiver le Fédéric 1, qui a fort réussi, sans doute avec quelque raison, puisqu’il ne part rien de la veine de son auteur qui ne soit plein de feu ; témoin sa Clotilde, où la boutade est bien exprimée.
C’est cette même voix qui aujourd’hui encore, en songeant à cet accent plein, sonore et d’un si beau timbre, vous fait paraître plus charmants les plus beaux vers de Molière. […] … La réponse est facile ; c’est qu’en effet cette langue à part a été la langue d’une société à part ; c’est que Marivaux a été le Molière de ce petit monde de soie et d’or qui s’agitait, à l’ombre de l’éventail de la maîtresse royale ; société éphémère mais élégante ; un monde à part mais plein d’esprit, de loyauté et de courage ; corruption si vous voulez, mais corruption de bon goût ; désordres, à la bonne heure ! […] La femme est jeune, belle, intelligente, s’il en fut, et grande et bien taillée pour le drame ; l’homme est digne de sa femme, il est plein de verve et de passion, mais il ressemble un peu à un ours, à un ours qui saurait bien tenir la coupe empoisonnée ou le poignard. […] Comédienne dans son moindre geste, dans son sourire, dans le pli de sa robe, dans la forme et dans la couleur de ses habits, dans le son de sa voix, cette voix touchante et ingénue, douce musique qui allait à l’âme, raillerie, innocence, bel esprit, moquerie pleine de verve, causerie sans fin, gracieuse façon de tout dire, profond sentiment, non seulement des ridicules humains, mais encore des misères humaines ; sa comédie avait quelque chose de grave et d’ingénu tout à la fois, quelque chose de sérieux et de jeune en même temps auquel il eût été bien difficile de résister. […] Par la porte entr’ouverte, on voit l’étable pleine Des bœufs et des chevaux revenus de la plaine ; Ils prennent leur repas ; on les entend de loin Tirer du râtelier la luzerne et le foin ; Leur queue aux crins flottants, sur leurs flancs qu’ils caressent, Fouette, à coups redoublés, les mouches qui les blessent.
Poquelin fut admis dans une de ces troupes, composée de jeunes gens pleins de chaleur et d’enthousiasme. […] Ô portraits encore pleins de vérité ! […] Molière, après la tragédie de Nicomède, adressa au roi un discours plein d’esprit et d’adresse ; il terminait en demandant la permission de représenter une des petites pièces qu’il jouait en province. […] Peut-on ne pas aimer sa naïve ignorance, les innocentes impulsions de ses premiers penchants, ses aveux pleins de franchise et de simplicité, et jusqu’à cette coquetterie instinctive sur laquelle est en partie fondé l’empire des femmes ? […] Il était de moyenne taille, la figure pleine, mais extrêmement pâle.
Le Phormion grec, dans le dessein de se réjouir aux dépens de jeunes étourdis, se les attache par toutes sortes de ruses hardies ; c’est un espiègle plein de grâce et de mesure. […] Les ruses innocentes et les aveux naïfs d’Agnès sont pleins de charmes ; les confidences imprudentes du jeune amant à son rival inconnu, la rage concentrée du vieillard, tout concourt à former une suite de scènes comiques du genre à la fois le plus fin et le plus amusant. […] Quant à moi, j’avoue que j’estimerais fort son talent, lors même qu’il n’aurait écrit autre chose que Don de Cocagne, farce excellente, folie aimable et pleine de sens, où étincelle cet esprit de fantaisie si rare en France, et où règne une plaisanterie vive et douce, allant quelquefois jusqu’à une sorte de délire, mais ne cessant jamais d’être légère et inoffensive. […] Mais si je voulais trouver un objet de comparaison pour ce tableau de mœurs si plein de vérité, ce serait dans Térence et non pas dans Molière que j’irais le chercher. […] Cet homme, plein de talent, s’efforce de renverser toutes les barrières de l’art ; il est animé d’un zèle si passionné que rien ne le décourage, quoique chacune de ses nouvelles tentatives mette presque toujours le parterre dans un véritable état de guerre6.
Dupuis, homme d’épée, plein d’esprit, franc, sincere, reçoit, au siege de Charenton, trois coups dans le corps : tous les Sacrements lui sont administrés, après une confession générale de ses péchés, dont il n’obtient l’absolution qu’en promettant de changer de vie, & d’épouser une femme avec laquelle il vit, & qui est enceinte. […] Qu’importe qu’il soit plein de poussiere, & qu’il ait le visage tout enfariné ? […] Lucas lui donne la lettre d’Agathe, elle est pleine de tendresse & de protestations d’amour : mais Lucas remarque que la mijaurée a passé six semaines chez le Marquis, & que bonnement on ne doit pas l’épouser ; après cela Richard au désespoir va se reposer chez Lucas.
Mais figurez-vous ce titre si plein de promesses, ayant échappé à Molière par hasard et tombant tout vierge entre les mains d’un de nos auteurs dramatiques actuels : je ne parle pas, bien entendu, du premier venu, mais d’un fort, d’un très fort, du plus fort, si vous voulez, de celui qui soutient le plus terriblement les thèses les plus formidables... […] il faut rendre pleine justice avant de prononcer la parole sévère; ne vous y trompez pas plus que moi : il y a là l’élément de la grandeur, de la durée, peut-être de l’immortalité ! […] Alors, elle cessera d’être pour nous ce fantôme qui glisse hors du réel, dans un rayon incertain; elle sera ce qu’était la fille d’Eschyle aux jours de sa jeunesse; elle aura notre sang plein ses veines, elle vivra la vie même de la patrie !
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font… Oui, je vois ces défauts dont votre âme murmure Comme vices unis à l’humaine nature; Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé De voir un homme fourbe, injuste, intéressé, Que de voir des vautours affamés de carnage, Des singes malfaisants et des loups pleins de rage. […] Ils comptent les défauts pour des perfections, Et savent y donner de favorables noms La pâle est aux jasmins en blancheur comparable; La noire à faire peur fine brune adorable; La maigre a de la taille et de la liberté ; La grasse est dans son port pleine de majesté; etc.
La tragédie est rapide dans sa marche, et va droit au but : donc la comédie doit être pleine de digressions et de hors-d’œuvre. […] Quel lien subtil peut-on saisir entre l’impression profonde qui lui fait trouver comique ou belle L’École des femmes, et les remarques pleines de sens et d’esprit qui sortent de sa bouche, sur la valeur dramatique des récits d’Horace et d’Agnès, sur le caractère propre de l’art et du génie de Molière, et sur la haute portée de ce qu’on appelle ses plaisanteries ? […] Je la comparerais plutôt à un orateur sacré, plein de grâce et de modestie, qui compte sa propre parole pour rien, et croit avoir fait par ses commentaires tout ce qu’il peut faire, s’il persuade à ses auditeurs de sonder d’un cœur et d’un esprit purs le texte de la Parole divine. […] Alors, plein de confiance en toi et n’ayant plus besoin de guide, regarde en ton âme, tu y découvriras la beauté. […] Par une subtilité pleine de candeur, qui était bien dans la nature de son génie, Corneille avait besoin de trouver dans les anciens des exemples et des règles pour faire autrement que les anciens, et il voulait leur rester soumis en leur désobéissant ; voici comment il justifie l’une de ses pièces d’être sans modèle dans l’antiquité : « L’amour de la nouveauté était l’humeur des Grecs dès le temps d’Eschyle, et, si je ne me trompe, c’était aussi celle des Romains, Nec minimum meruere decus, vestigia græca Ausi deserere.
Il a une imagination, une verve bouffonne, une puissance créatrice incomparables ; mais il n’a point de caractères, et si son coloris est plein d’éclat, son burin est sans pénétration257.
Que je vais payer cher ces instants pleins de charmes ! […] O parole pleine d’appas !
Ce peu de paroles appaisa cette grande tempête, & le peuple fit place à frere Martin, qui s’approcha du malheureux gentilhomme, bien aise, en son ame, de le voir si mal-traité, mais faisant paroître sur son visage qu’il en avoit une extrême déplaisir : il le releva de terre, où on l’avoit jetté, l’embrassa, & le baisa, tout plein qu’il étoit de sang & de boue, & fit une rude réprimande au peuple. […] Le pauvre homme étoit comme enchanté, & de ce qu’il avoit vu, & de ce qu’on lui avoit fait, & si plein de confusion, qu’on ne le vit point paroître dans les rues tant que ses affaires le retinrent à Séville. […] Oui, mon frere, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.
Moliere s’adresse à la Nuit ; &, sous prétexte d’avoir à la prier de la part de Jupiter de ralentir le pas de ses chevaux, il lui raconte l’aventure d’Alcmene & du Souverain des Dieux ; instruit adroitement par là le public de tout ce qui se passe, écarte en même temps, par un dialogue piquant & plein de sel, la monotonie inséparable d’un récit trop long. […] Vit-on jamais un dernier acte plus vuide d’action, plus mal tissu, plus plein de répétitions & d’indécences ? […] Sosie : un moi, de vos ordres jaloux, Que vous avez du port envoyé vers Alcmene, Et qui de nos secrets a connoissance pleine, Comme le moi qui parle à vous, Amphitrion.
Bien qu’avec pleine tendresse Mirtil me puisse chérir, Avec toi, je le confesse, Je voudrois vivre & mourir.
De même Ariste a élevé Léonor avec une philosophie très indulgente ; elle a vu « les belles compagnies, les divertissemens, les bals, les comédies ; » on lui permet de satisfaire ses goûts d’élégance, de « dépenser en habits, linge et nœuds. » Il est, ce rôle d’Ariste, plein d’une franchise de brave homme, d’une bonté sereine et douce, avec une pointe de mélancolie ; et les beaux vers qui le composent, d’un tour si net et d’un mouvement si aisé, ont jailli sans effort du cœur du poète, car ils traduisaient l’état de son âme. […] Je ne lui vois rien que de très médiocre et vous trouverez cent personnes qui seront plus dignes de vous. » Il commence donc un portrait tout en laid ; mais à mesure que Covielle relève les défauts de Lucile, Cléonte les transforme en traits de beauté, avec une impatience et une chaleur croissantes : « Premièrement, elle a les yeux petits. — Cela, est vrai, elle a les yeux petits, mais elle les a pleins de feu, les plus brillans, les plus perçans du monde, les plus touchans qu’on puisse voir. — Elle a la bouche grande. — Oui, mais on y voit des grâces qu’on ne voit point aux autres bouches ; et celte bouche, en la voyant, inspire des désirs, est la plus attrayante, la plus amoureuse du monde. — Pour sa taille, elle n’est pas grande. — Non, mais elle est aisée et bien prise. — Elle affecte une nonchalance dans son parler et dans ses actions. — Il est vrai, mais elle a grâce à tout cela, et ses manières sont engageantes, ont je ne sais quel charme à s’insinuer dans les cœurs. — Pour de l’esprit…. — Ah ! […] Contemporaine, ou à peu près, de Mmes de Châtillon, de Luynes, de Monaco, de Soubise, des nièces de Mazarin, elle doit éveiller comme un vague souvenir de ces grands noms ; elle est le produit exquis et rare d’une civilisation aristocratique dans le plein éclat de son développement, et souvent elle parle une langue d’une franchise d’allures et d’une verdeur presque populaires. […] En outre, tout plein à ce moment de sa passion pour Mme de Monaco, il était peu désireux, sans doute, de se prêter aux caprices d’une comédienne aussi bruyante et encombrante que l’Armande représentée dans la Fameuse Comédienne. […] Cette maison existe encore, au n° 11 de la rue des Pierres, à peu près telle qu’Armande l’a laissée, avec sa porte à plein cintre et ses pavillons dans le style du temps, comme aussi le jardin avec ses allées géométriques, ses charmilles et son berceau de vigne.
Nos rues sont pleines de sangliers bleus, de cygnes noirs, & de lions rouges, pour ne rien dire des cochons volants. . . . . […] J’étois sur le théâtre en humeur d’écouter La piece qu’à plusieurs j’avois ouï vanter : Les acteurs commençoient, chacun prêtoit silence ; Lorsque d’un air bruyant & plein d’extravagance, Un homme à grands canons est entré brusquement, En criant, holà, ho, un siege promptement.
Il étoit malin, sournois, avare & méchant, lent à ses devoirs, mais plein de feu pour trouver des faux-fuyants & inventer de mauvais tours. […] Béverley finit l’acte par ces vers : Plaisirs faux & trompeurs, pleins d’horreur & d’alarmes, Le repentir vous chasse à jamais de mon cœur.
Lorsqu’il a été manié par des acteurs de quelque génie, il a fait les délices des plus grands rois et des gens du meilleur goût ; c’est un caméléon qui prend toutes les couleurs. » Arlequin, s’il n’était jadis naïf qu’à demi, devient alors tout à fait scélérat : « Arrogant dans la bonne fortune, dit M Jules Guillemot 48 , traître et rusé dans la mauvaise ; criant et pleurant à l’heure de la menace et du péril, en un mot Scapin doublé de Panurge, c’est le type du fourbe impudent, qui se sauve par son exagération même, et dont le cynisme plein de verve nous amuse précisément parce qu’il passe la mesure du possible pour tomber dans le domaine de la fantaisie. » Arlequin, avec ses nouvelles mœurs, court fréquemment le risque d’être pendu ; il n’y échappe qu’à force de lazzi. […] s’écrie-t-il, il faut qu’il soit arrivé une barque pleine d’Arlequins !”
Pendant ce temps-là, madame de Montespan partageait son temps entre l’embellissement de Clagny et des empressements pleins de respect pour la reine, qui prenait plaisir favoriser son beau repentir, et sa résignation à une vie plus régulière. […] Vous verrez de quelle manière se tournera cette amitié. » Le 28 juin, « Vous jugez très bien de Quantova (madame de Montespan) ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera sa grandeur au-delà des nues ; mais il faudrait qu’elle se mît en état d’être aimée toute l’année sans scrupule111 ; en attendant, sa maison est pleine de toute la cour ; les visites se font alternativement, et la considération est sans bornes. » Une autre lettre, du 3 juillet, porte : « Ah !
Jamais on ne vit tant d’aveines, De foin les granges seront pleines, Les pois verts sont bientôt passés, Les artichauts fort avancés.
Oui, vos dextérités veulent me détourner D’un éclaircissement qui vous doit condamner ; Et votre ame, feignant une innocence entiere, Ne s’offre à m’en donner une pleine lumiere Qu’à des conditions, qu’après d’ardents souhaits, Vous pensez que mon cœur n’acceptera jamais. […] Il la montre à la Princesse ; elle avoue qu’elle a écrit cette lettre, qu’elle est pleine de tendresse, qu’elle est pour un amant aimé, & assure en même temps que malgré cela elle n’est point perfide. […] C’est ainsi que finit cette comédie pleine de beautés & de défauts.