L’objet et l’effet ordinaire de l’enseignement, c’est d’instruire l’ignorance ; et je vois dans cette salle ce que l’une des villes les plus éclairées de l’empire renferme d’hommes distingués par la science et l’esprit. […] Qu’un jaloux soupçonneux soit trompé par sa femme, Ce n’est qu’une aventure ordinaire et commune8 ; c’est une lutte d’esprit et de ruse où l’homme doit être vaincu. […] D’abord l’esprit de contradiction, qui fait que, dans l’ordre physique, un homme grand épouse, d’ordinaire, une petite femme, et réciproquement, et qui, dans l’ordre moral, a donné lieu à cet adage, que l’harmonie naît des contrastes. […] Je me la représente volontiers comme une fille de dix-neuf à vingt ans, plutôt petite que grande, plus grasse que maigre, d’une figure ordinaire, qui ne plaît qu’à une vue attentive, mais dont l’effet plus lent est aussi plus durable. […] Le refus d’Henriette marque son bon sens ordinaire ; elle sait que la gêne dans un ménage, même le mieux assorti, engendre tôt ou tard la mauvaise humeur.
Mais tel qui en fait bien cinq avec un sujet passable, peut avoir le bonheur d’en trouver un qui ne lui permette pas de se resserrer dans les bornes ordinaires. […] Pour se passer de conseils sur un sujet pareil, il ne faut avoir que très peu de lecture, le goût le plus ordinaire & l’ombre du bon sens.
D’ailleurs, en supposant que les actions de nuit manquent de vraisemblance dans la rue, la critique n’a plus lieu lorsque la scene se passe dans l’intérieur d’une maison, parcequ’il est très ordinaire & très vraisemblable qu’on y agisse après le soleil couché. […] Il fut chargé de former la troupe qu’il amena en France en 1716, sous le titre de Comédiens ordinaires de S.A.S.
Chapelle* revenant de chez Molière à Auteuil, après avoir bu largement à son ordinaire, eut querelle au milieu de la petite prairie d’Auteuil, avec un valet nommé Godemer212, qui le servait depuis plus de trente ans.
Le Misanthrope soutient bien son caractère pendant cette conversation, et leur parle avec la liberté qui lui est ordinaire. […] L’Impromptu de Versailles, dont le sujet est la répétition d’une comédie qui devait se jouer devant le roi, est l’image de ce que Molière faisait probablement dans les répétitions ordinaires des pièces qu’il donnait au public. […] On fut forcé de convenir qu’une prose élégante pouvait peindre vivement les actions des hommes dans la vie civile, et que la contrainte de la versification, qui ajoute quelquefois aux idées, par les tours heureux qu’elle donne occasion d’employer, pouvait quelquefois aussi faire perdre une partie de cette chaleur, et de cette vie, qui naît de la liberté du style ordinaire. […] On comprit alors qu’il peut y avoir de fort bonnes comédies en prose, et qu’il y a peut-être plus de difficulté à réussir dans ce style ordinaire où l’esprit seul soutient l’auteur, que dans la versification, qui, par la rime, la cadence et la mesure, prête des ornements à des idées simples, que la prose n’embellirait pas. […] Au lieu même de donner à son fils naturel un précepteur ordinaire, et pris au hasard, comme tant de pères en usent avec un fils légitime qui doit porter leur nom, il engagea le célèbre Gassendi à se charger de l’instruire. » « [*]M.
Mais d’ordinaire l’avarice est un bon préservatif contre les autres passions. […] La haute comédie doit chercher à peindre des caractères, étranges sans doute, mais qui peuvent pourtant se rencontrer dans le cours ordinaire de la vie ; les exceptions, les bizarreries hors de la nature, appartiennent de droit à l’extravagance volontaire de la farce. […] C’est pourtant Philinte avec sa molle et faible indulgence, avec ses éternels plaidoyers en faveur du cours ordinaire de la vie, c’est lui que Molière a voulu peindre comme l’homme aimable et sensé. […] Ce fut assez longtemps après la mort de Molière que parut Regnard, à qui l’on accorde d’ordinaire le second rang parmi les comiques français. […] Dans le récitatif qui, d’ordinaire, n’est entendu qu’à moitié, parce qu’on l’écoute rarement avec attention, on ne peut développer avec quelque clarté qu’une fable bien simple et bien peu compliquée ; c’est ce qui fait que dans l’opéra buffa des Italiens, l’action est entièrement négligée, et quelle n’offre, au genre même de la bouffonnerie, que des situations uniformes qui restent éternellement les mêmes.
Jean Poquelin devint tapissier ordinaire de la maison du roi le 2 avril 1631, par la résignation de son frère, Nicolas Poquelin. […] Il n’avait pas fait, comme on le dit d’ordinaire, un de ces coups de tête qui sont toujours suivis d’un prompt repentir. […] Il ne fut pas toutefois désillusionné aussi promptement qu’on l’affirme d’ordinaire. […] Elle dit la tenir de son beau-père, qui la tenait d’un vieux médecin ordinaire de Louis XIV. […] La bourgeoisie suivait, comme d’ordinaire, les exemples qui lui venaient de plus haut.
La Moliere en pleurant luy fit une espece de confidence des sentimens qu’elle avoit eu pour le Comte de Guiche, dont elle lui jura que tout le crime avoit été dans l’intention, & qu’il falloit pardonner le premier égarement d’une jeune personne, à qui le manque d’experience fait faire d’ordinaire ces sortes de demarches ; mais que les bontez, qu’elle reconnoissoit qu’il avoit pour elle, l’empescheroient de retomber dans de pareilles foiblesses. […] Je ne vous rapporterai point une infinité d’exemples, qui vous feroient connoître la puissance de cette passion ; je vous ferai seulement un recit fidelle de mon embarras, pour vous faire comprendre combien on est peu maître de soi, quand elle a une fois pris sur nous l’ascendant que le temperament lui donne d’ordinaire. […] Notez enfin que la naissance d’un mot est pour l’ordinaire la mort d’un autre25.
La Demoiselle se déclare en faveur de Desronais : Desronais s’emporte ; Dupont le fils est plus sot qu’à l’ordinaire. […] qu’a-t-il au dessus de l’homme ordinaire ? […] Le bon Henri est enchanté de se voir traité comme un homme ordinaire : il aide à préparer tout ce qu’il faut pour le couvert ; il trouve Cateau gentille, lui dit des douceurs : il délibere à part, si pour abréger les formalités il lui dira ce qu’il est ; mais il rejette cette idée & respecte les droits de l’hospitalité.
La Moliere en pleurant luy fit une espece de confidence des sentimens qu’elle avoit eu pour le Comte de Guiche, dont elle lui jura que tout le crime avoit été dans l’intention, & qu’il falloit pardonner le premier égarement d’une jeune personne, à qui le manque d’experience fait faire d’ordinaire ces sortes de demarches ; mais que les bontez qu’elle reconnoissoit qu’il avoit pour elle, l’empescheroient de retomber dans de pareilles foiblesses. […] Je ne vous rapporterai point une infinité d’exemples, qui vous feroient connoître la puissance de cette passion ; je vous ferai seulement un recit fidelle de mon embarras, pour vous faire comprendre combien on est peu maître de soi, quand elle a une fois pris sur nous l’ascendant que le temperament lui donne d’ordinaire.
[74, p. 108-114] 1705, Grimarest, p. 126-130 Un jeune homme de vingt-deux ans, d’une belle figure et bien fait, vint un jour trouver Molière ; après les compliments ordinaires, il lui découvrit qu’étant né avec toutes les dispositions nécessaires pour le théâtre, il n’avait point d’autre passion plus forte que de s’y attacher ; qu’il venait le prier de lui en procurer les moyens, et lui faire connaître que ce qu’il avançait était véritable.
D’ordinaire, on les attribue toutes deux à Mignard, qui, à partir de 1657, fut en relations d’amitié avec Molière ; M. […] Je me suis constamment applique, au cours de ces études, à tenir compte d’un élément d’appréciation trop négligé d’ordinaire dans les études sur Molière, la chronologie. […] En parlant de « son habituelle paresse à soutenir la conversation, » il dit vrai, et la notice de 1682 complète le renseignement en nous apprenant, ce dont nous nous serions bien un peu doutés, qu’il causait très agréablement quand il le voulait, mais qu’il se taisait à l’ordinaire, car il n’aimait causer qu’avec ceux qui lui plaisaient. […] Mais, en son propre et seul nom, « il donnait aux pauvres avec plaisir et ne leur faisait jamais des aumônes ordinaires. » En voici une preuve assez curieuse. […] On rapproche d’ordinaire de cette théorie celle d’un autre grand poète-comédien, Shakspeare, qui, dans Hamlet, expose lui aussi ses idées sur la récitation dramatique.
Molière n’invente rien qu’il ne perfectionne, c’est ce qui le distingue des inventeurs ordinaires, déjà si rares.
Quant aux événements ordinaires de la vie, ils ne se ressemblaient pas moins à Rome et dans la Grèce. […] De pareils juges condamneraient une statue plus grande que nature, faute de comprendre que, vue au point élevé qu’elle doit occuper, elle sera réduite, par l’effet de la distance, aux proportions ordinaires de l’homme. […] Fort charitable envers les pauvres, il ne leur faisait pas des aumônes ordinaires ; et il n’est pas sûr qu’il se fût trompé en donnant un louis d’or à ce mendiant qui vint le lui rendre. […] Il prouva trop bien qu’il l’entendait ainsi.Le jour de la quatrième représentation du Malade imaginaire, il souffrait de la poitrine plus qu’à l’ordinaire. […] Ce dernier florissait plus que jamais : c’était le nom de théâtre ordinaire sons lequel le fameux Poisson brillait tant à l’Hôtel de Bourgogne.
Un des traits les plus plaisants de ce rôle qui nous reviennent à la mémoire est celui de ce capitan à qui l’on reprochait d’avoir laissé enlever sa maîtresse par les corsaires barbaresques, et qui répondait : « Debout sur la proue de mon vaisseau, j’étais dans une telle fureur que le souffle impétueux qui sortait de ma bouche frappant les voiles du navire ennemi lui imprima une impulsion si rapide qu’il fut impossible de l’atteindre7. » C’était là le ton ordinaire de ce personnage qui fut si longtemps applaudi sur tous les théâtres de l’Europe, et dont nous ne comprendrions bien le succès que si le règne des traîneurs de sabre recommençait parmi nous. […] Il est de tous les lazzi ; il occupe souvent la scène, et les charges qu’il y fait n’ont d’ordinaire aucun rapport avec l’intrigue.
Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ? […] Je rentrais chez moi le matin par une porte de derrière, et après m’être habillée le montais en voiture par celle de devant, pour aller à l’hôtel d’Albret ou de Richelieu, afin que ma société ordinaire ne sut pas seulement que j’avais un secret à garder.
L’amour, pour l’ordinaire, est peu fait à ces loix, Et l’on voit les amants vanter toujours leurs choix : Jamais leur passion n’y voit rien de blâmable, Et dans l’objet aimé tout leur devient aimable : Ils comptent les défauts pour des perfections, Et savent y donner de favorables noms.
Il faut convenir aussi que cet excellent acteur possédait à un si haut degré de perfection ce merveilleux talent, qu’il touchait plus de cœurs par les seules simplicités d’une pure nature que n’en touchent d’ordinaire les orateurs les plus habiles par les charmes de la rhétorique la plus persuasive. […] Madame était épouvantée, et je vous avoue que, quoique je connusse assez Monsieur pour ne me pas donner avec précipitation des idées si cruelles de ses discours, je ne laissai pas de croire, en effet, qu’il était plus ému qu’à son ordinaire ; car il me dit d’abord : “Eh bien, qu’en dites-vous ?
La Fontaine et Racine avaient besoin, l’un de l’imagina lion des femmes de la cour pour faire passer ses con tes, l’autre de leur âme pour faire sen tir plus vivement le pathétique dont la sienne renfermait le secret ; tous avaient besoin du roi pour obtenir la vogue, objet ordinaire de l’ambition des talents, et souvent leur unique récompense.
Qu’on donne dix ans de moins à celui-ci, il cesse d’être ridicule, par conséquent d’être comique ; dix ans de plus à l’héroïne, loin d’être intéressante, elle n’est plus qu’une femme ordinaire, qui, sans savoir ni pourquoi ni comment, & guidée par son seul caprice, donne la préférence à un homme sur un autre : la piece cesse en même temps d’être morale, puisqu’elle n’offre plus le tableau d’un amour mal assorti, & de ses ridicules. […] Alors les Auteurs sont les maîtres d’étudier la terminaison ordinaire des noms de chaque province, & de nommer en conséquence leurs acteurs ; mais un tel soin ne sert pas à grand’chose. […] Un pere, d’ordinaire, A son fils, tout au moins, fournit le nécessaire.
Elle convola en secondes noces pour épouser ce Jean-Baptiste Aubry, paveur ordinaire du roi, fils de ce Léonard Aubry qui avait secouru Molière dans l’entreprise de l’Illustre Théâtre ; ce mariage ne fît pas non plus long feu. […] Aubry, paveur ordinaire du roi. ». Et ce paveur ordinaire du roi n’était rien moins qu’un poète tragique, resté sur le pavé10. […] Bref, lui-même, ses parents et les siens n’ont rien à attendre d’un pareil être, parce qu’il est inhabile à toutes choses, et qu’il se tient éloigné des opinions et des coutumes ordinaires. […] Ce paveur ordinaire du roi prit alors le titre de sieur des Carrières, ce qui fit dire, par les gens de théâtre, qu’il avait pris un nom à son gré.
Le seul côté plaisant de l’intrigue consiste dans la crédulité outrée d’un père, qui prend pour argent comptant le galimatias de ce médecin improvisé, et qui, rencontrant, quelques minutes après cette scène, son docteur en habit ordinaire, se laisse abuser par une histoire de ménechmes. […] Si tout le monde d’ailleurs prenait ce parti désespéré, le cours ordinaire de la justice serait probablement arrêté. […] N’est-ce pas là ce qui se passe dans la vie ordinaire ! […] Les contemporains de Molière l’ont dépeint comme un homme porté à la mélancolie, et les esprits ordinaires s’étonnent de cette disposition chez un poète comique. […] Une première représentation est d’ordinaire une fête de famille, à laquelle le petit nombre d’étrangers qui y sont admis auraient mauvaise grâce de trouver quelque chose à redire.
Et, d’ordinaire, il est enclin à prendre pour l’honnête homme de la pièce celui qui est opposé à celui dont on se moque. […] II aurait été à l’égard de Tartuffe exactement dans la position ordinaire qu’il a prise à l’égard de Molière et il aurait pu employer une fois de plus la formule ordinaire dont il use contre lui. […] Argan n’étant ni honnête ni malhonnête, étant nul, et du reste n’étant dupé que par lui-même, ce qui par parenthèse en fait un personnage tout à fait particulier dans la comédie de Molière, mais ce qui le dérobe au système ordinaire de critique de Rousseau. […] — Assurément, et c’est pourquoi Molière ramène toujours les hommes à la moyenne, au juste milieu, au normal, à l’ordinaire, au bon sens sans prétentions, au sens commun sans ambition, à la sagesse « avec sobriété » et « à la vertu traitable ». […] La fille est jeune, comme tu vois ; les jeunes gens d’ordinaire n’aiment que leurs semblables et ne cherchent que leur compagnie.
Quiconque en blesse l’un, les a tous sur ses bras : Et ceux même qu’on sait que le Ciel seul occupe, Des singes de leurs mœurs sont l’ordinaire dupe.
Sans doute, et c’est un malheur fort ordinaire dans la société, au milieu des esprits élégants et délicats que rassemblait l’hôtel de Rambouillet, se trouvèrent des copies chargées et ridicules qui présentaient des affectations mensongères et hypocrites à la place des nobles délicatesses de leurs modèles.
Plaute, dans quelques-uns de ses prologues, sollicite pour les acteurs la bienveillance des Juges, la faveur du Peuple, tel que celui du Pseudole : dans les autres, il parle pour son intérêt, en exposant aux auditeurs le sujet de la piece ; c’est même sa méthode la plus ordinaire, & celle qu’il a mise en usage dans le prologue des Captifs, du Pænulus, des Menechmes, &c. […] Dans ce moment, Tchao-tun étoit à côté du Roi avec ses habits ordinaires : si-tôt que Chin-ngao le vit, il se mit à aboyer : le Roi me dit de le lâcher, en disant, Tchao-tun ne seroit-il pas le traître ?
Il y a même des pièces d’une grande réputation dont l’action et le mouvement, quoiqu’elles soient en cinq actes, suffiraient à peine pour soutenir un acte seul : c’est moins une action véritable qu’une apparence d’action ; ou plutôt, c’est un simple assemblage d’autant de scènes qu’il en faut pour donner à une pièce la durée ordinaire des représentations : c’est un remplissage de dialogues semés de bons mots, de traits satiriques, qui séduisent le spectateur par leur brillant et l’empêchent de remarquer le vide et le défaut d’action. […] M. de Visé, qui entreprit au commencement de l’année 1672 son ouvrage périodique du Mercure galant, rendit compte du succès de la comédie des Femmes savantes ; mais avec sa partialité ordinaire contre l’auteur de cette pièce, et de grandes louanges pour le poète joué sous le nom de Trissotin. […] Il fit un compliment au roi, à sa manière ordinaire, c’est-à-dire plein d’esprit et d’éloquence… M. […] On retrouva, dans le rôle de Béline, un caractère malheureusement trop ordinaire dans la vie civile ; et l’on vit avec plaisir la sensible Angélique oublier les intérêts de sa passion pour ne voir, dans son père mort, que l’objet de sa douleur et de ses regrets.
Au lieu même de donner à son fils naturel un précepteur ordinaire et pris au hasard, comme tant de pères en usent avec un fils légitime qui doit porter leur nom, il engagea le célèbre Gassendi à se charger de l’instruire. […] La troupe de Molière fit doubler pour la première fois le prix ordinaire, qui n’était alors que de dix sous au parterre. […] Les autres petites pièces que Molière ne donnait que comme des farces, ont d’ordinaire un fond plus bouffon et moins agréable. […] On comprit alors qu’il peut y avoir de fort bonnes comédies en prose, et qu’il y a peut-être plus de difficulté à réussir dans ce style ordinaire où l’esprit seul soutient l’auteur, que dans la versification, qui par la rime, la cadence et la mesure, prête des ornements à des idées simples que la prose n’embellirait pas.
Pour me rendre plus intelligible, j’aurai recours à ma méthode ordinaire ; je citerai des exemples.
Une lettre de madame de Sévigné, du 6 novembre, raconte avec sa grâce ordinaire comment le roi, sous le nom d’un certain Langlée, espèce d’aventurier qui tenait un jeu à la cour, lui donna la plus belle robe dont on eut jamais eu l’idée : « M. de Langlée a donné à madame de Montespan une robe d’or sur or, rebrodé d’or, rebordé d’or, et par-dessus un or frisé, rebroché d’un or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée : ce sont les fées qui ont fait cet ouvrage en secret.
Un Organiste de Troyes nommé Raisin, fortement occupé du desir de gagner de l’argent, fit faire une Epinette à trois claviers, longue à peu près de trois pieds, & large de deux & demi, avec un corps, dont la capacité étoit le double plus grande que celles des Epinettes ordinaires. […] Les Convives se mirent à table : les commencemens du repas furent froids : c’est l’ordinaire entre gens qui savent ménager le plaisir ; & ces Messieurs excelloient dans cette étude. […] En revenant d’Hauteüil, à son ordinaire, bien rempli de vin, (car il ne voyageoit jamais à jeun) il eut querelle au milieu de la petite prairie d’Hauteüil, avec un valet nommé Godemer, qui le servoit depuis plus de trente ans. […] Et l’on a toûjours remarqué qu’il donnoit aux pauvres avec plaisir ; & qu’il ne leur faisoit jamais des aumônes ordinaires. […] Cette Piece eut l’applaudissement ordinaire que l’on donnoit à ses ouvrages, malgré les critiques qui s’éleverent.
Examinons de sang froid toutes les pieces dont l’action ne commence qu’après la fin ordinaire des autres, c’est-à-dire après le mariage des principaux personnages.
La pureté du goût est une qualité de l’esprit ; c’est un tact qui peut, bien que difficilement, s’acquérir par l’affinage de l’intelligence : au lieu que la pureté des mœurs est le résultat d’habitudes sages, dans lesquelles tous les intérêts de l’âme sont entrés et se sont mis d’accord avec les progrès de l’intelligence, C’est pourquoi l’accord du bon goût et des bonnes mœurs est plus ordinaire que l’existence du goût sans mœurs, ou des mœurs sans goût.
Le paysan auroit été moins poli, & eût malgré lui fait attention au discours des acteurs, s’ils eussent été animés par une action chaude, & si leur situation ne leur eût pas donné le ton d’une conversation ordinaire.
Messieurs, un mot avant que de sortir : Je serai court, contre mon ordinaire.
Je dois faire remarquer qu’il y a un grand défaut dans la piece que je viens de citer, & que ce défaut est très ordinaire aux pieces dans lesquelles un seul intrigant paroît sous plusieurs travestissements.
Mais ne trouvez pas étrange aussi que je ne sois pas la dupe d’une infidélité si ordinaire aux coquettes du temps, & que je vienne vous assurer, devant bonne compagnie, que je romps commerce avec vous, & que Monsieur le Receveur ne sera plus pour vous Monsieur le donneur.
. — Aspect ordinaire de la vie italienne au seizième siècle, d’après les vignettes du temps.
Quoi qu’il en soit, le personnage de Francischina ou Fracischina eut et conserva à Paris une popularité plus grande que celui de Ricciolina : c’est le nom de Francisquine qu’adopta cette Anne Begot qui faisait le rôle de la femme de Tabarin ou de Lucas sur les tréteaux de la place Dauphine, « comédienne ordinaire de l’île du Palais », comme on appelait ces acteurs en plein vent, commère dessalée, aussi preste à la riposte et probablement plus « forte en gueule » que sa devancière et sa contemporaine de la commedia dell’arte 22.
Il a accrédité les unes, qui ont dû précisément à la moquerie qu’il en faisait de s’insinuer dans la conversation ordinaire ; les autres ont passé à l’état d’antiquailles. […] Ce sont les maîtres de la scène ; il ne s’agit pas de leur donner le ton simple et bon enfant de coquins ordinaires. […] Ce n’est pas du ton simple de la narration ordinaire qu’il faut débiter une période que Molière a faite et a voulu si retentissante. […] Et au dernier acte, quand la passion l’emporte, et qu’il s’humilie, croyez-vous qu’il le fasse comme un amoureux ordinaire ? […] les comédiens ordinaires de la République exécutent la scène comme s’ils officiaient à la messe.
Dassoucy se contentait, on l’a vu, de l’ordinaire de Molière et de ses compagnons. […] Molière, sentant bien que la représentation semblait au roi une déception, demanda à jouer une de ses farces ordinaires, qu’on n’attendait pas, et il enleva gaiement et de verve Le Docteur amoureux. […] On a souvent dit que Molière avait été cruellement, brutalement attaqué, mais on n’a point cité d’ordinaire les attaques et les injures. […] Les infortunes conjugales de Molière forment d’ailleurs le fond ordinaire des pièces dirigées contre l’auteur de L’École des maris. […] Trissotin et un autre qui divertit beaucoup. » Les pièces de Molière n’obtenaient guère d’ordinaire leur succès qu’à la longue.
Restait la vie de société : son influence exclusive produisit ses effets ordinaires. […] À l’ordinaire une pièce de théâtre se termine par une conclusion positive et prosaïque, comme le sont plus ou moins toutes les nécessités de la vie, un mariage, une séparation, une mort. […] Les Femmes savantes sortent beaucoup moins du cadre ordinaire de la comédie classique. […] Ce n’est pas à la femme qu’appartiennent à l’ordinaire l’action extérieure et la décision des choses de ce monde. […] Or, ces révolutions-là sont les plus légitimes et à l’ordinaire les plus heureuses : elles sont un retour à l’ordre, un affranchissement.
C’est aux endroits où son théâtre s’anime davantage, que les commentateurs ont d’ordinaire à constater quelque imitation, à signaler quelque rapprochement.
Ce n’est point à des avocats qu’il faut aller, car ils sont d’ordinaire sévères là-dessus, et s’imaginent que c’est un grand crime que de disposer en fraude de la loi : ce sont gens de difficultés et qui sont ignorants des détours de la conscience.
Tout ce que ce pauvre misérable a pu épargner de son petit ordinaire, & en se refusant jusqu’à la moindre chose, elle le raflera tout d’un coup, sans penser seulement à toutes les peines qu’il a eues à le gagner. […] Si j’ai plutôt qu’aucun un tel moyen trouvé Pour les ressusciter sur ce qu’il a rêvé, C’est qu’en fait d’aventure, il est très ordinaire De voir gens pris sur mer par quelque Turc corsaire, Puis être à leur famille à point nommé rendus, Après quinze ou vingt ans qu’on les a cru perdus.
Il y avait dans les esprits une force nationale, effet ordinaire des guerres civiles, et qui peut-être n’avait pas peu contribué à former Corneille lui-même. […] Il paraît qu’il méprisait, ainsi que le grand Corneille, cette modestie affectée, ce mensonge des âmes communes, manège ordinaire à la médiocrité, qui appelle de fausses vertus au secours d’un petit talent.
Les Troupes de campagne ont cela d’ordinaire. […] Elle serait digne de jouer Elmire dans une représentation du Tartuffe toute simple, tout ordinaire et sans la cheminée. […] Ce fut à leur tour de laisser les jours ordinaires à Molière et de se contenter des jours extraordinaires ; de plus, ils remboursèrent à Molière la moitié des frais faits par lui pour son installation au Palais-Royal, c’est-à-dire deux mille livres31. […] Mais, à huit jours de là, le 9 mai, Biancolelli céda son bail à messire Henry de la Grange, chevalier, marquis d’Arquyan, capitaine-colonel des Cent Suisses de la garde ordinaire du corps de Monsieur duc d’Orléans. […] Ce dernier florissait plus que jamais ; c’était le nom de théâtre ordinaire sous lequel le fameux Poisson brillait tant à l’hôtel de Bourgogne.
L’impiété perverse de dom Juan et la scélérate hypocrisie de Tartuffe sont des vices ou plutôt des crimes qui n’appartiennent pas à la justice ordinaire du théâtre comique : les personnages mis en scène, quoi qu’ils fissent, ne sauraient les châtier suffisamment Que fait alors le poète ? […] Un homme supérieur, quand il badine, ne peut s’empêcher de badiner avec esprit. » Diderot enchérit sur cette idée : « Une farce excellente, dit-il, n’est pas l’ouvrage d’un homme ordinaire. […] « Molière, dit encore Voltaire, avait écrit son Avare en prose, pour le mettre ensuite en vers ; mais il parut si bon que les comédiens voulurent le jouer tel qu’il était ; et que personne n’osa depuis y toucher. » J’ignore où Voltaire a pris ce fait qu’il rapporte avec tant d’assurance ; et je ne vois rien dans L’Avare qui le confirme, si ce n’est un certain nombre de phrases plus ou moins éloignées de la simplicité du langage ordinaire, et où l’on pourrait croire que Molière cherchait d’avance à introduire quelques-unes des formes propres à la versification.