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15. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Corneille est héroïque, mais sa force est trop souvent en dehors de la vérité; il éveille le sentiment de la grandeur, mais il ne montre pas où réside la véritable grandeur : « Il renfle l’âme et ne la nourrit pas. » Comme poète, Racine est plus chrétien ; il ne tente pas de m’apprendre que je puis tout; il me fait voir que par moi-même je ne puis rien 1 . » C’est du poète que Vinet parle en ces termes, complétant, corrigeant peut-être, ce que nous venons d’entendre de la bouche de M. […] L’homme de cœur se montre derrière l’homme de sens. […] Ce côté faible de Molière se montre dans les pièces qu’il a travaillées avec le plus de soin. […] La plupart des écrivains du temps, poètes ou prosateurs, ont entrevu un idéal semblable et ont contribué à en dessiner les traits; mais il y a pourtant des différences entre eux Chez Racine, l’honnête homme est plus chevaleresque et se montre surtout par les côtés galants c’est dans ses relations avec le beau sexe qu’il aime à déployer toute sa distinction.

16. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Du Choix d’un Sujet. » pp. 25-38

Eraste, pour prouver que c’est lui, montre un billet qu’il vient de recevoir. […] La fausse Lucile lui a fait promettre qu’il ne s’alarmeroit pas des feintes marques d’amitié qu’elle donneroit à Eraste ; aussi, loin d’être piqué du billet qu’on lui montre, il fait un grand éclat de rire, sort d’un air triomphant, & jette par là dans le plus grand désespoir celui qui vouloit le désespérer lui-même.

17. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XI. Il Convitato di pietra (le Convié de pierre) » pp. 191-208

Il sort ; la jeune fille se désespère ; et, pour la consoler, Arlequin lui montre la liste de celles qui sont dans la même position qu’elle. […] Arlequin montre deux fois ses mains pour montrer quelle a vingt ans.

18. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Créon n’hésite pas non plus à l’accabler de toute la rigueur de la loi, et dans l’ironie de son impiété, il la fera descendre vivante au séjour de Pluton, le seul dieu qu’elle révère183, afin que Pluton montre sa puissance en la dérobant à la mort, ou qu’elle sente enfin, mais trop tard, combien il est superflu d’adorer les Divinités de l’Hadès 184. […] On rit aux vérités les plus graves, pour peu qu’un mot nouveau s’y montre qui contredise nos habitudes. […] Ainsi, le dénouement du drame comique me montre le triomphe réel de la personne humaine dans sa destruction apparente, et le dénouement du drame tragique m’avait montré le triomphe réel aussi du Divin dans sa destruction également apparente. […] Enfin don Quichotte, ce héros si riche de son propre fonds, et si follement révolté contre l’ordre social de son époque, nous montre dans sa curieuse personne la synthèse de l’un et de l’autre. […] Ce n’est pas sur ce qu’il y a de vraiment moral dans la vie du peuple athénien, sur là traie philosophie, la vraie foi aux Dieux, l’art solide, qu’Aristophane se montre comique, mais sur les excès de la démocratie, qui ont fait disparaître l’ancienne croyance et les anciennes mœurs, sur la sophistique, le genre larmoyant et les lamentations de lu tragédie, sur le verbiage léger, l’amour de la dispute, etc., cette réalité en contraster avec ce que devraient être l’État, la religion et l’art .

19. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Brueys & Palaprat, imitateurs, comparés avec Térence, Blanchet, un Auteur Italien, & la nature. » pp. 100-132

Enfin on feint qu’Agnelet est mort en se faisant trépaner, on montre au Juge une tête de bœuf enveloppée dans un lit. […] (Il lui montre, & Simon l’imite. […] Son maître lui montre à contrefaire les personnes de tous les états, à demander tout ce qui lui fera plaisir ; ce qui fournit quantité de lazzis bien plus plaisants que ceux de la piece françoise.

20. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Mais en même temps l’Auteur montre, par la supériorité constante d’Alceste sur tous les autres personnages, que la vertu, malgré les ridicules où son austérité l’expose, éclipse tout ce qui l’environne ; et l’or qui a reçu l’alliage n’en est pas moins le plus précieux des métaux. […] C’est là qu’il montre l’hypocrisie dans toute son horreur, la fausseté, la perfidie, la bassesse, l’ingratitude qui l’accompagnent ; l’imbécillité, la crédulité ridicule de ceux qu’un Tartuffe a séduits, leur penchant à voir partout de l’impiété et du libertinage, leur insensibilité cruelle, enfin l’oubli des nœuds les plus sacrés. […] Jamais il ne montre ses personnages corrigés par la leçon qu’ils ont reçue.

21. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVIII. De l’exposition des Caracteres. » pp. 433-447

Il nous parle de son mariage, mais d’une façon à nous persuader que les défauts de sa femme l’ont dégoûté de son hymen, tandis que, dans le courant de l’ouvrage, Mélite ne montre pas l’ombre d’une imperfection. […] Isabelle veut pénétrer le secret de Lisette, lui fait un crime de lui cacher ce qu’elle a dans le cœur, tandis qu’elle lui montre le sien à découvert.

22. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Le grison d’Araminte apporte une montre et une lettre à Moncade. […] Voyez-vous ces deux grisons rapportant à leurs maîtresses, celui-ci une montre pour l’agrafe, celui-là une agrafe pour la montre, sans le moindre compliment ! […] Pour une montre ou pour une agrafe, tout ce que doit. […] Celle-ci n’apporte ni montre ni agrafe, elle apporte cinquante mille écus et Lucinde ! […] Le mauvais sujet s’y montre, les jambes un peu avinées, la tête vacillante, le nez barbouillé de ta bac, la dentelle en désordre, en même temps il s’y montre bien vêtu, bien vrai, bien naturel, bien railleur.

23. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

Si le génie poétique eût prédominé en lui, au lieu de décrire l’humanité ainsi qu’elle se montre toujours sous l’influence des passions, il se fût parfois éloigné de la vérité, ce qui est arrivé aux vrais poètes. […] Si, dans cette comédie, il nous montre l’état psychique des demandeurs de conseils, dans l’Amour médecin il expose l’état psychique de ceux qui les donnent. […] Molière n’a point commis une pareille erreur : il montre Don Juan et tous les pervers qu’il a représentés, comme étant dans un état parfait de tranquillité morale dans le crime. […] C’est surtout en présence de Don Louis, son père, que Don Juan montre toute son insensibilité morale. […] Et par ces exagérations, Molière s’est montré, comme toujours, psychologue irréprochable, décrivant la nature humaine telle qu’elle se montre d’après les lois auxquelles elle est soumise.

24. (1886) Revue dramatique : Les Fâcheux, Psyché (Revue des deux mondes) pp. 457-466

. : la comédie ne tient là que sa modeste place, elle ne montre même pas son nom. […] Molière, qui, le plus souvent, nous montre en action et en conflit des types universels et éternels, nous donne ici la lanterne magique avec des fantoches qu’il a pris au passage ; si l’on découvre, à cette occasion, que le grand homme ne dédaigna pas d’être de son temps, on lui en sait gré ; on s’amuse de le surprendre dans cette occupation familière.

25. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

Je le vois d’ici, tirant sa montre et perdant son temps. […] L’auteur ne fait que montrer ; peut-être l’indifférence apparente du poète, qui constate au lieu de juger, et montre tout sans rien maudire, ajoute-t-elle à la poignante horreur de la réalité.

26. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VI. Les Femmes. » pp. 103-120

Elmire y montre que, pour être vertueuse, on n’est pas condamnée à n’avoir ni esprit ni agrément : la grâce, les fines reparties, l’à-propos, tous les charmes féminins brillent en tout ce quelle dit366. […] Si Molière montre presque toujours les femmes sous un jour moral, ce n’est pas seulement par intention et par conviction ; c’est aussi par art : c’est que la femme ne peut plaire qu’honnête.

27. (1914) En lisant Molière : l’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Ce que je vous montre l’avez-vous vu, vous qui avez du bon sens et qui avez vu beaucoup de choses ? […] Si vous aviez vu comme j’en fis rencontre, Vous auriez pris pour lui l’amitié que je montre. […] Il regarde la femme qu’il désire, il a des attentions pour elle, il lui rend des soins ; il lui montre qu’il l’aime ; il ne le lui dit jamais. […] Elle dit sa volonté à son père avec des révérences respectueuses qui ressemblent à des actes respectueux et elle se montre peu pourvue de piété filiale. […] Celui où le poète se moque des passions de l’amour et le montre comme une hallucination perpétuelle.

28. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

La dispute des deux femmes sur cette question si souvent agitée, s’il faut qu’un véritable amant soit jaloux ou ne soit pas jaloux, est le sujet d’une scène charmante, pleine d’esprit et de raison , et qui montre ce que pouvaient devenir, sous la plume d’un grand écrivain, ces questions de l’ancienne cour d’amour, qui étaient si ridicules quand Richelieu les faisait traiter devant lui dans la forme des thèses de théologie. […] Et qu’un homme montre d’esprit lorsqu’il vient vous dire , Madame, vous êtes dans la Place Royale, et tout le monde vous voit de trois lieues de Paris , car chacun vous voit de bon œil! […] Enfin, il y a le rire né de cet excellent comique qui montre le ridicule de nos faiblesses et de nos travers, et qui fait qu’après avoir ri de bon cœur, on dit à part soi : Que cela est vrai! […] C’est ici que le caractère se montre, et que le sage commence à extravaguer. […] La dernière observation que je ferai sur ce rôle, c’est que l’auteur ne lui a donné ni confident ni monologue ; il ne montre ses vices qu’en action.

29. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. » pp. 274-278

La passion aveugle les amants & leur montre des perfections qui n’existent pas.

30. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Ce dénouement, dit-on, montre le vice du sujet; mais rien ne prouve qu’il fût le seul possible. […] En cela il se montre créateur; ce talent n’appartient qu’aux grands poètes. […] Cela même ajoute à ses charmes : la beauté qui se montre éblouit; la beauté qui se cache attache, ce qui est plus sûr et ce qui vaut mieux au fond. […] Le poète nous montre les choses et les choses parlent. […] Il ne recule pas devint les traits énergiques : il va droit au fait, et, d’une main hardie, montre le mal produisant tousses fruits.

31. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. De l’Entr’acte. » pp. 289-308

« Ainsi que l’art du peintre, disent-ils, consiste à finir si bien ce qu’il montre, qu’on devine aisément ce qu’il cache : de même le poëte doit travailler avec tant d’adresse, que les choses représentées sur la scene fassent deviner ce qui se passe derriere la toile ». […] Le curieux me montre ensuite un second tableau, où la même idée est rendue, mais différemment.

32. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. M. SAURIN. » pp. 333-353

(Il tire sa montre. […] Il montre à sa femme un porte-feuille valant cent mille écus, qui sont le produit d’une entreprise heureuse dans le commerce.

33. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

Enfin, après la ruine de Troie, Ménélas reprend sa femme sans rancune, et Homère nous les montre à Sparte, vivant comme deux bons époux dont aucun ne rougit du passé. […] La faveur de votre accueil montre que vous me les avez pardonnées. […] Mais elle ne fait qu’apparaître ; elle se montre assez pour se faire aimer, trop peu pour nous permettre d’apprécier tout son mérite. […] Accoutumez-la à l’application, au travail domestique, aux détails du ménage, afin qu’elle soit en état d’élever des enfants avec autorité et prudence dans la crainte de Dieu. » Ailleurs il développe sa pensée dans un passage que je rapporterai tout entier parce qu’il prête une force singulière aux observations que j’ai présentées plus haut : « Si une fille doit vivre à la campagne, de bonne heure tournez son esprit aux occupations qu’elle y doit avoir, et ne lui laissez point goûter les amusements de la ville… Si elle est d’une condition médiocre de la ville, ne lui faites point voir des gens de la cour : ce commerce ne servirait qu’à lui faire prendre un air ridicule et disproportionné… Formez son esprit pour les choses qu’elle doit faire toute sa vie ; apprenez-lui l’économie d’une maison bourgeoise, les soins qu’il faut avoir pour les revenus de la campagne, pour les rentes et pour les maisons qui sont les revenus de la ville… et enfin le détail des autres occupations d’affaires ou de commerce dans lequel vous prévoyez qu’elle devra entrer, quand elle sera mariée. » Ces occupations, c’est le vrai rôle et la dignité de la femme ; car, selon le même Fénelon « il faut un génie bien plus élevé et plus étendu pour s’instruire de tous les arts qui ont rapport à l’économie… que pour jouer, discourir sur des modes, et s’exercer à de petites gentillesses de conversation. » C’est aussi son vrai bonheur, et je ne vois pas sans regret que beaucoup de femmes soient devenues par leur faute, comme des étrangères dans leur famille, ignorantes des affaires du mari, qu’elles ne connaissent souvent que par leur ruine, une sorte d’objet de luxe qu’il entretient à grands frais, et qu’il montre, mais auquel il ne tient que par vanité.

34. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Ainsi l’avare au compte de la comédie, est également indigne et incapable d’être un bon père de famille ; on nous le montre en haine à sa fille, en mépris à son fils. […] » On y va pour voir, on y va pour être vu ; chacun s’y montre en ses plus exquises magnificences. […] Elle nous les montre et tant qu’on les veut voir, comme si ces épaules avaient déjà vingt ans !

35. (1871) Molière

D’un chêne grand et fort, Dont près de deux cents ans ont fait déjà le sort, Je viens de détacher une branche admirable, Choisie expressément de grosseur raisonnable, Dont j’ai fait sur-le-champ, avec beaucoup d’ardeur, (II montre son bras.) […] En ce moment se montre, obscure encore et déjà charmante, une des filles d’honneur de Madame, mademoiselle de La Vallière. […] Il est écrit : Qui se sert de l’épée périra par l’épée , et qui montre aux plus galants seigneurs de Versailles, au jour favorable des chandelles, une belle personne de vingt ans, doit s’attendre à trouver une infidèle.

36. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] Il comprend que la simplicité de la parure, comme celle de l’esprit, est un charme qui n’appartient qu’aux âmes élevées par nature ou formées par une éducation supérieure ; il le dit et le montre, sans pouvoir, hélas !

37. (1809) Cours de littérature dramatique, douzième leçon pp. 75-126

Nous sommes scandalisés de la sensualité qui se montre sans voile dans les comédies grecques, mais les Grecs ne seraient-ils pas bien plus choqués encore de voir dans les pièces françaises des succès brigués par pure vanité auprès de femmes mariées. […] Nous avons dit que le comique fondé sur l’observation était à son plus haut point, quand une qualité se montre précisément à nous, sans que celui qui la possède s’en doute, ou s’il cherche à la dissimuler avec soin. […] On pourrait assurément tirer un meilleur parti du penchant que montre le peuple pour cette espèce de pièces ; la plupart des mélodrames sont composés avec une négligence tellement intolérable, que ce sont, si l’on peut s’exprimer ainsi, des productions ; avortées du genre romantique. […] De la Huerta, dans l’introduction à son Théâtre espagnol, montre combien Beaumarchais s’écarte des mœurs et des usages du pays où il place la scène.

38. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Une telle pièce, presque improvisée, imposée à Molière par la nécessité de la concurrence, nous montre ce qu’eût pu être notre théâtre si, au lieu d’une imitation systématique des formes du théâtre antique, il se fût développé spontanément du sein de notre théâtre populaire. […] Et cependant l’expérience lui en montre « un si grand nombre », que cela serait surprenant si l’on ne savait que la plupart « se contrefont et ne sont point tels en effet… Ce sont gens qui ont ouï dire que les belles manières du monde consistent à faire l’emporté : c’est ce qu’ils appellent avoir secoué le joug… Prétendent-ils nous avoir bien réjouis de nous dire qu’ils tiennent que notre âme n’est qu’un peu de vent et de fumée, et encore de nous le dire d’un ton de voix fière et contente ?  […] Si Rousseau se montre si susceptible pour les railleries dont Alceste est l’objet, c’est que, par une singulière illusion d’optique, il se les appliquait à lui-même. […] Il nous montre les choses telles qu’elles sont, et n’est en cela ni plus moral ni plus immoral que la nature elle-même dont il est l’interprète. […] C’est dans le même sens qu’il dit encore : Je veux que l’on soit homme et qu’en toute rencontre, Le fond de notre cœur dans nos discours se montre.

39. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

Or c’est ici que son génie se montre. […] Il va toujours droit au fait, et nous montre le mal produisant tous ses fruits. […] Guizot (Revue des Deux Mondes, février 1873) nous montre Mme Récamier, charmante pour tous, et s’attachant tous les cœurs par une exquise bonté, que la grâce embellit encore. […] Il a depuis longtemps creusé la sape ; Molière ne nous montre que l’heure de l’assaut, celle où Tartuffe, sachant qu’Orgon se mène par le bout du nez, ayant donation en poche, et sûr de l’avenir, se risque à une dernière infamie. […] La Bruyère disait d’une femme savante : « C’est une pièce de cabinet qu’on montre aux curieux, qui n’est pas d’usage. » Mais ce n’est pas une raison pour les abêtir, comme le voulait Arnolphe.

40. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Celui-ci ne montre l’homme que dans des situations violentes, c’est-à-dire rares, et sa verve farouche y ajoute encore, sans parler du surnaturel qu’il y introduit à tout propos et qui éloigne en même temps de nous le spectacle et la leçon ; tandis que Molière nous met aux prises avec l’événement et l’homme de tous les jours, et que nous ne pouvons faire un pas dehors, hélas ! […] C’est ainsi qu’il montre et bafoue l’égoïsme jusque dans le cœur des pères, les Géronte, les Argan, les Harpagon ; l’injustice et la tyrannie dans l’amour le plus vrai, comme dans Arnolphe et dans tous ses jaloux ; et dans Orgon, le meilleur des hommes, tout ce que la vénération niaise et dévote peut déterminer d’inhumanité. […] Voyons, voyons un peu par quel biais, de quel air Vous voulez soutenir un mensonge si clair Et comment vous pourrez tourner pour une femme Tous les mots d’un billet qui montre tant de flamme. […] Il devrait rougir d’avoir cru que ce billet pût être pour un homme, c’est horrible, Célimène devrait se fâcher : Allez, de tels soupçons méritent ma colère Et vous ne valez pas que l’on vous considère ; Je suis sotte et veux mal à ma simplicité De conserver encor pour vous quelque bonté ; Je devrais autre part attacher mon estime Et vous faire un sujet de plainte légitime… Et voilà comme Célimène s’excuse ; voilà comme elle explique « les termes du billet qui montre tant de flamme » c’est en accusant, c’est en menaçant d’être infidèle tout de bon ; et cela suffît ; il n’en demande pas davantage ; il fait bien encore mine de ne pas la croire ; au fond, il est enchanté ; battu et content, c’est le mot ; et la preuve qu’il ne se croit plus trahi, c’est qu’il reste, dit-il, pour voir s’il le sera un jour : Ah !

41. (1884) Tartuffe pp. 2-78

Parce qu’il est sincère ; parce que ce type éternel de l’hypocrisie n’est pas un hypocrite ; qu’il est bien réellement ce qu’il se montre, gourmand, sensuel, convoiteux et dévot. […] Il avait dû donner pleine carrière à sa verve, encore dans sa fleur rabelaisienne (l’École des femmes le montre bien) et plantureuse comme Dorine ; et sans doute elle avait fait bonne chère, comme Panurge en Papimanie. […] Il s’y montre un parfait casuiste, très ferré sur les distinguo ; mais c’est de bonne foi qu’il applique cette admirable science aux intérêts du Ciel, et la bonne foi ici encore va jusqu’à la naïveté, comme dans ces vers sur Damis : Je lui pardonne tout, de rien je ne le blâme, Et voudrais le servir du meilleur de mon âme ; Mais l’intérêt du ciel n’y saurait consentir, Et, s’il rentre céans, c’est à moi d’en sortir. […] » Et cette idée de céder la place, lui, Tartuffe, à ce Damis, qui n’est que le fils de la maison, le légitime héritier, cette idée lui semble si anormale, si monstrueuse, que quand Cléante la lui émet en pleine barbe, il ne répond pas : il est suffoqué, c’est trop fort, et il tire sa montre… Il est, monsieur, trois heures et demie, Certain devoir pieux me rappelle là-haut.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. Des Pieces intriguées par un déguisement. » pp. 216-222

On lui montre la lettre de Rosaura, il ne sait pas lire.

43. (1910) Rousseau contre Molière

Dès le commencement, Molière le montre très soigneusement avec ce double caractère. […] Chose étrange, que l’homme qui n’a guère vu dans le monde réel que des scélérats, et qui a assez dit qu’il n’y voyait que cela, soit désobligé de ce qu’un dramatiste lui montre une maison où il n’y a que des coquins. […] Mais ce n’est pas Molière qui le renverse ; il le montre renversé ; il ne le renverse pas. […] Dans l’École des Maris et dans l’Ecole des Femmes, Molière est très sensiblement ce que nous appelons féministe, et je veux dire par là : 1° qu’il se montre très partisan de la plus grande liberté de conduite et d’allures laissée aux jeunes filles et aux jeunes femmes ; 2° qu’il se montre très partisan d’une éducation et d’une instruction libérales données aux jeunes filles. […] Or, où, diantre, le public a-t-il pu voir ces parties d’honnête homme que contient et que montre Arnolphe ?

44. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. De l’Action, du Nœud, des Incidents. » pp. 165-171

Lucinde, furieuse, montre la lettre à Moncade, qui entreprend de prouver qu’elle est adressée à elle-même.

45. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXX » pp. 330-337

Une lettre que madame Scarron écrit à son frère, de Tournay, le 16 juin 1673 (elle était alors en chemin avec le duc du Maine pour aller consulter un empirique hollandais sur l’état de cet enfant), montre qu’à cette époque elle était brouillée avec madame de Montespan.

46. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Dirai-je qu’il avait mis dans ce rôle plusieurs allusions à sa propre situation, que quelques-uns des ridicules qu’il y montre étaient des ridicules qu’il sentait parfois remuer sourdement en lui ? […] Dans ses premières pièces, il est vrai, avant les malheurs de son mariage, ce sont plutôt les ridicules observés en autrui qu’il nous montre. […] Il consulte, à la fin, le grand magicien, et la triste réalité se montre au fond du théâtre. […] Il nous montre Amphitryon aussi au moment d’un grand triomphe, et lui fait dire ces vers : Ah ! […] Voyez dans ses comédies, combien la plupart de celles qu’il nous montre sont remplies de grâces, d’honnêteté et de bon sens : Éliante, Elmire, Henriette ; et dans une autre classe, Lisette, Dorine, Madame Jourdain.

47. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Regnard imitateur de Moliere. » pp. 51-80

Ce trait seul vaut toute la scene, parcequ’il peint le peu de valeur de l’art par la misere de celui qui le montre. […] Courage ; allons, Marquis, montre de la vigueur : (Haut.)

48. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

La Mascherata (la Partie de masques) nous le montre mari de la coquette Lucrezia et marchand ruiné par les folles dépenses de sa femme.

49. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Il n’est pas jusqu’à la Ruffiana qui ne montre le bout de sa cornette, quand Frosine essaye de marier Harpagon à la belle Marianne.

50. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. De l’Exposition. » pp. 139-164

si vous aviez vu comme j’en fis rencontre, Vous auriez pris pour lui l’amitié que je montre. […] Je vois qu’il reprend tout, & qu’à ma femme même Il prend, pour mon honneur, un intérêt extrême : Il m’avertit des gens qui lui font les yeux doux, Et plus que moi six fois il s’en montre jaloux.

51. (1873) Le théâtre-femme : causerie à propos de L’École des femmes (Théâtre de la Gaîté, 26 janvier 1873) pp. 1-38

Le sujet qui paraît presque nu montre le seigneur Arnolphe, un brave homme, achetant à la campagne un sauvageon de fillette, l’apportant à. […] Pourtant, nous ne sommes pas si loin des pays à divorce que nous ne puissions y jeter un coup d’œil par-dessus nos frontières et voir que la maladie dont il est question entre nous depuis le commencement de cet entretien, s’y montre aussi fréquemment que chez nous, et que ses suites dramatiques y sont aussi funestes, j’en réponds.

52. (1823) Notices des œuvres de Molière (VII) : L’Avare ; George Dandin ; Monsieur de Pourceaugnac ; Les Amants magnifiques pp. 171-571

Mais, soit qu’il attaque un vice, soit qu’il fronde un ridicule, il faut, de toute nécessité, qu’il montre ce que l’un ou l’autre a de préjudiciable, de nuisible, de funeste, et pour l’individu qui en est attaqué, et pour la société, si elle y est intéressée. […] Quelque étranger à nos mœurs que soit le fond de la comédie de Pourceaugnac, quelque conventionnel et factice qu’en soit le genre, il était impossible que Molière n’y plaçât pas quelques-unes de ces scènes éminemment vraies, où se montre l’homme tel que la nature ou la société l’a fait. […] Tandis que la scène offrait en spectacle l’union d’une grande princesse de l’antique Thessalie avec un simple officier de fortune, une grande princesse du sang royal de France, Mademoiselle songeait en secret à réaliser cette fable, en donnant sa main et ses riches apanages à un cadet de Gascogne, à Péguillin, comte de Lauzun, qui comptait moins d’exploits guerriers que Sostrate, mais beaucoup plus de bonnes fortunes, et qui était aussi avantageux, que le héros grec se montre modeste.

53. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. D’Ancourt imitateur, comparé à Moliere, la Fontaine, Saint-Yon, le Sage, Montfleury, &c. » pp. 133-184

Il obtient un sauf-conduit, & se montre. […] Le Bailli qui lui en veut va la faire emprisonner quand Julien se montre, il n’a pas le courage de laisser pendre sa femme toute méchante qu’elle est. […] Remarquons que Julien, n’ayant pas encore contracté son second mariage, doit nous paroître bien moins scélérat que la Pivardie : il est plus propre par conséquent à figurer dans une comédie ; il finit même par devenir intéressant, quand, moins cruel que l’héroïne de la seconde histoire, il se montre dès qu’il sait qu’on fait le procès à sa femme, & n’a pas le courage de la laisser plus long-temps dans le chagrin.

54. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE IV. Du Choix du Titre. » pp. 94-102

Dans le Baron d’Albicrac, le personnage annoncé ne se montre jamais : on charge seulement, vers la fin de la comédie, un valet de paroître sous son nom, pour dénouer la piece ; aussi est-elle aussi mal dénouée que mal intitulée.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIII. De la liaison des Scenes. » pp. 250-260

Ces voleurs par leur fuite ont fait assez connoître, Qu’où votre bras se montre on n’ose plus paroître ; Et je ne puis nier qu’à cet heureux secours, Si je respire encor, je ne doive mes jours.

56. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VIII. M. DE SAINT-FOIX. » pp. 288-296

On lui montre l’inclination qu’on a pour lui, & il se fâche !

57. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Qui ne se montre ami des vices devient ennemi des hommes.

58. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Cette note fort curieuse montre quelle sorte d’autorité — toute morale — avait, jusqu’en ces années d’art à la belle étoile, celui qui allait devenir Molière. […] Nulle part d’ailleurs, — ceci soit dit en passant, — la tristesse, la mélancolie de Molière ne se montre si cruellement que dans Monsieur de Pourceaugnac. […] I, p. 207) nous montre Molière venant, deux jours avant la représentation des Femmes savantes, se défendre contre le bruit qui courait que Trissotin était le portrait du poète Cotin. […] Ce fier et hautain poète, son rival nous le montre quémandant et intriguant : « il a tiré des limbes son Dépit amoureux à force de coups de chapeau et d’offrir les loges à deux pistoles ». […] Soulié nous montre le lit, la grande chaise de repos à crémaillère, le coffre-fort, la table basse, le paravent.

59. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Plus il y a de dissolution dans les cours, plus on s’y montre délicat sur les matières religieuses : le Tartuffe n’aurait jamais été permis sous le cardinal Dubois. […] Et cet appel à la piété de la reine-mère que la cabale représente comme indignée de l’audace sacrilège de Molière, et comme souffrant en secret de l’appui que lui accorde le prince ; ce calcul perfide qui montre le fils en opposition avec la mère, qui reproche à l’un une complaisance coupable aux yeux du ciel et des hommes, qui représente l’autre faisant vainement entendre une voix fervente et pieuse, et obligée d’étouffer les scrupules de sa conscience, n’achèvent-ils pas de dévoiler la méchanceté atroce et profonde de ces hypocrites qui enfoncent saintement le poignard dans les cœurs ? […] Si plus tard il se montre plus empressé de devenir l’époux de Marianne, c’est que Damis a surpris sa passion criminelle ; c’est qu’il doit avoir hâte d’entrer dans une famille dont de nouvelles explications peuvent le faire sortir. […] Le personnage de Cléante est là pour soutenir l’honneur de la vraie religion, et ce n’est pas seulement dans une poésie admirable qu’il en trace les devoirs et qu’il en fait ressortir les principes consolateurs, c’est par des actions qu’il montre la différence d’une superstition aveugle et cruelle à une piété douce et éclairée.

60. (1886) Molière, l’homme et le comédien (Revue des deux mondes) pp. 796-834

Un renseignement donné par de Visé montre qu’il aimait à recevoir et qu’il recevait bien : s’il acceptait volontiers à dîner chez les gens du bel air pour les observer à loisir, « il rendait tous les repas qu’il recevait. » Traiter des grands seigneurs lui eût été impossible sans un train de maison luxueux ; il avait donc mis la sienne sur un grand pied, grâce aux profits de son théâtre. […] Au demeurant, Grimarest nous montre le poète fort impatient, fort exigeant, et cela avec une précision si détaillée, qu’il est bien difficile de ne pas le croire. […] La première inspire encore les Précieuses ridicules et Sganarelle, mais la seconde s’y montre déjà et elle devient prépondérante à partir de l’École des maris. […] Somaize l’accuse d’avoir « tiré des limbes son Dépit amoureux à force de coups de chapeau et amené la coutume de faire courre le billet ; » Montfleury le montre reçu chez les grands « au bout des tables » et payant son écot par ses imitations de comédiens ; de Visé raconte qu’il n’ouvrit son théâtre « qu’après avoir brigué quantité d’approbateurs. » Ce dernier accorde du moins que, ce faisant, « il avoit de l’esprit et savoit ce qu’il falloit faire pour réussir. » En effet, il atteignit de la sorte le but auquel doit viser tout directeur : faire de son théâtre un endroit à la mode, où il est nécessaire d’aller si l’on est du bel air.

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