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16. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVI. De l’opposition des Caracteres. » pp. 398-416

Si j’en crois votre fils, vous êtes homme sage, Qui, loin de chicaner sur un bon mariage, Signerez au contrat sans vous faire prier. […] C’est donc là cet esprit sage, modeste & doux, Qui devoit tout d’abord désarmer mon courroux ? […] Je crois que notre sage a fait une sottise. […] Allons, malgré ce fils, que vous croyez si sage, Je prétends qu’un arrêt casse le mariage.

17. (1801) Moliérana « Vie de Molière »

Il faisait de son bien un usage noble et sage ; il recevait chez lui des hommes de la meilleure compagnie, les Chapelles*, les Jonsac, les Desbarreaux, et qui joignirent la volupté à la philosophie. […] C’était, dit Voltaire, l’ouvrage d’un sage qui écrivit pour les hommes éclairés, et il fallut que le sage se déguisât en farceur pour à la multitude ».

18. (1836) Une étude sur Molière. Alceste et Célimène (La Revue de Bordeaux et Gironde unies) pp. 65-76

En reprochant à Molière d’avoir prêté des inconséquences à son sage, on blâme chez lui ce qui est peut-être la perfection de l’art. […] La vertu n’est qu’une chose relative ; le sage est celui qui vaut mieux que ses contemporains ; mais il ne peut jamais se détacher de tout point de son époque : Socrate périt pour avoir nié le polythéisme, et en mourant, il sacrifie un coq à Esculape. […] Il l’est, en effet, à certains égards, et ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte qu’il met en opposition avec le sien : ce Philinte est le sage de la pièce…»Sans doute l’auteur a rendu Alceste ridicule, et il le devait sous peine de n’en faire qu’une doublure de Philinte.

19. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVII. Du titre des Pieces à caractere. » pp. 417-432

Votre oncle est un sage en effet ; (S’il est pourtant permis à quelque homme de l’être.) […] De sa jeune pupille il prétend faire un sage,  Qui, renonçant au mariage,  Dans sa retraite de hibou, Perde, à philosopher, le plus beau de son âge, Et prenne, au lieu d’amour, de l’ennui tout son soul. […] Seroit-il beau  Qu’un sage, en matiere pareille ?...

20. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

L’un & l’autre excès choque, & tout homme bien sage Doit faire des habits ainsi que du langage, N’y rien trop affecter, & sans empressement Suivre ce que l’usage y fait de changement. […] Mais je tiens qu’il est mal, sur quoi que l’on se fonde, De fuir obstinément ce que suit tout le monde, Et qu’il vaut mieux souffrir d’être au nombre des fous, Que du sage parti se voir seul contre tous76. […] Si leurs drames sont tristes, en revanche ils me paroissent eux-mêmes bien plaisants, de vouloir se montrer plus sages que la nature, cette mere bienfaisante qui donne un goût agréable aux aliments les plus nécessaires. […] On ne m’a jamais vu ce fol entêtement, Et d’un Grec là-dessus je suis le sentiment, Qui, par un dogme exprès, défend à tous ses sages L’indigne empressement de lire leurs ouvrages. […] Peste soit qui premier trouva l’invention De s’affliger l’esprit de cette vision, Et d’attacher l’honneur de l’homme le plus sage Aux choses que peut faire une femme volage !

21. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

J’y étais encouragé par les sages avis d’un chef1 que l’enseignement supérieur n’a cédé qu’à regret à l’administration académique, et j’ai cru que ce choix pouvait être approuvé dans une ville où naguère2 encore le 225e anniversaire du grand comique était célébré avec tant d’éclat et de succès. […] La liste s’ouvre par le Christ souffrant, rapsodie grecque longtemps attribuée à Saint Grégoire de Nazianze, et par le Jeu des sept sages, composé par Ausone vers la même époque, c’est-à-dire au IVe siècle. […] Raynouard la pièce, devenue célèbre, où l’on voit des vierges sages et des vierges folles, « prudentes, fatuæ » attendre, près du tombeau du Christ, la résurrection de l’époux divin. […] A la vérité, on se trouverait d’accord ainsi avec un ancien critique, qui n’a connu ni « le théâtre » de Hroswitha, ni les Vierges sages et les Vierges folles, ni les Epîtres farcies ; il en coûtera peut-être quelque chose à notre amour-propre d’avoir édité tant de vieux textes, pour n’arriver qu’à répéter avec Boileau, que « le théâtre fut longtemps, chez nos dévots aïeux, un plaisir ignoré. » Toutefois, Messieurs, je n’y vois pas grand mal et, quand les idées reçues ont du bon, je trouve assez sage de s’y tenir. […] Pendant que Marie faisait ses oraisons et s’occupait dévotement à lire la prophétie d’Isaïe, plusieurs démons, envoyés par Lucifer, « issirent » de la gueule infernale, pour venir observer celle qui menaçait leur empire ; et d’un autre côté, l’ange Gabriel redescendit de son empyrée, pour admirer la jeune Vierge en prière, à laquelle les démons eux-mêmes rendirent hommage : « Elle est, dirent-ils, plus belle que Lucrèce, plus [p.17] que Sara dévote et sage ; c’est une Judith en courage, une Esther en humilité, et Rachel en honnêteté; en langage est aussi bénine que la Sibylle Tiburtine. » Après diverses autres scènes, qu’il serait trop long de rapporter, on assista aux « épousailles » de Marie et de Joseph : Suave et odorante rose (dit celui-ci) Je sais bien que je suis indigne D’épouser vierge tant bénigne.

22. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIV. Des Pieces intriguées par plusieurs Personnages. » pp. 169-175

On pourra me répondre que le Crispin rival, de Le Sage, est un petit chef-d’œuvre, que cependant on y voit deux intrigants, qui, chacun à leur tour, imaginent & agissent. […] Lisette, il n’est pas sage.

23. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Evidemment il penche pour Philinte, ce n’est pas Alceste, c’est Philinte qui est son sage. […] Je veux que l’on soit sage avec sobriété… Je prends tout doucement les hommes comme ils sont. […] Recommander d’être sage avec sobriété et de s’accoutumer aux vices des hommes, n’est-ce pas mettre en pratique la morale de Gassendi, qui n’a pas d’autre but que de rendre la vie heureuse, et qui fait de la prudence la mère de toutes les vertus ?

24. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXVIII. De l’exposition des Caracteres. » pp. 433-447

Mais ma femme, après tout, est sage, vertueuse : Plus amant que mari je possede son cœur : Elle fait son plaisir de faire mon bonheur. […] Ariste se met à lire, le coude appuyé sur la table, ensuite il dit par réflexion : Me voilà justement : c’est la vive peinture D’un sage désarmé, dompté par la nature. […] Un Sage que la nature a désarmé aussi honnêtement, n’a pas la sottise d’en rougir, & d’en être honteux.

25. (1862) Corneille, Racine et Molière (Revue chrétienne) pp. 249-266

Sganarelle en dit autant sous d’autres formes, et Ariste lui-même, le sage vieillard, en suivant une voie opposée, ne met pas en seconde ligne le soin de sa réputation. […] Il ne passe les bornes en aucun point; il a assez de finesse et de tact pour ne jamais trop appuyer ; c’est le sage formé par le monde, le véritable honnête homme, tel qu’on, l’entendait au dix-septième siècle dans les meilleures compagnies. […] Le rôle de Cléante ne suffit pas à contre-balancer celui de Tartufe; c’est un rôle d’éloquence et de sages maximes plutôt que de fortes actions. […] D’ailleurs Cléante, quoique véritablement touché, n’est pas un homme que dévore le zèle de la dévotion; c’est encore un de ces sages qui ne sortent pas de la juste mesure. […] Si de sages discours sont peu de chose en présence de cet abîme de bassesses dont le Tartufe nous fait sonder la profondeur, voici, comme contrepoids, la sublime passion de la franchise, et la voici dans un type qui n’est pas inférieur à celui de Tartufe.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. De la Décence & de l’Indécence. » pp. 314-341

Je n’aurois jamais cru que j’eusse été si sage. […] Se peut-il qu’à votre âge Vous n’ayez pas encor les airs d’un homme sage ? […] A quoi bon le Sage, dans son Turcaret, va-t-il parler de M. […] Le Sage parle comme feroit un Auteur très affamé, qui ne peut voir, sans jalousie, qu’un autre s’engraisse à la table d’un Plutus moderne.

27. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

La charmante Daphné et la trop aimable Eroxène 626 suivent ces sages maximes, et viennent s’offrir 627 au jeune Myrtil, qui chante à son moineau :          Innocente petite bête,          Qui contre ce qui vous arrête          Vous débattez tant à mes yeux, De votre liberté ne plaignez point la perte :          Votre destin est glorieux ;          Je vous ai pris pour Mélicerte. […] Lorsque pour rire on s’assemble, Les plus sages, ce me semble, Sont ceux qui sont les plus fous : Ne songeons qu’à nous réjouir : La grande affaire est le plaisir639 ! […] On peut citer encore le prologue de Psyché : Est-on sage Dans le bel âge, Est-on sage De n’aimer pas ?

28. (1865) Les femmes dans la comédie de Molière : deux conférences pp. 5-58

Toute son étude est de faire aller sa maison et de marier sa fille ; et elle la mariera, car il s’est rencontré un homme assez sage pour distinguer les qualités de sens et de cœur que recouvre cette bourgeoise enveloppe. […] C’est d’abord Léonor, de L’École des Maris, personne si sage, si réservée, et qui répond si dignement à la confiance de son tuteur. […] Les plus sages se plient à la destinée, et s’accommodent d’un mari de leur fortune et de leur rang ; mais celles-là mêmes rapportent de la pratique du monde des souvenirs qui les rendent malheureuses et des prétentions qui les rendent ridicules. […] Que la conduite d’Elmire, en ces deux occasions, est prudente et sage en même temps que ferme ! […] J’aime qu’avec douceur nous nous montrions sages, Et ne suis point du tout pour ces prudes sauvages Dont l’honneur est armé de griffes et de dents Et veut au moindre mot dévisager les gens.

29. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIV. » pp. 489-499

Je veux être pendu si je vous aime ; & sage... […] Moliere est un sage qui prend le ridicule sur le fait, & le peint avec autant de force que de vérité, pour en corriger ceux qui l’ont, ou pour en préserver ceux qui pourroient l’avoir un jour.

30. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Pourquoi n’y-a-t-il pas de sage dans la pièce ? […] Un discours en règle, fait par un sage de théâtre, aurait-il eu cet accent de vérité et cette sorte de dignité qui un instant met au-dessus de lui le plus humble des hommes ? […] On remarquera que Molière a fait en général assez peu d’usage du rôle de sage dans ses comédies. […] Dans George Dandin, il n’y a pas non plus de sage en titre ; c’est lui qui se dit à lui-même : « Tu l’as voulu !  […] Dira-t-on de Célimène, comme Rousseau l’a dit de Philinte, que c’est le sage de la pièce ?

31. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. » pp. 106-124

Eschine, touché des malheurs de son frere, se charge pour lui d’enlever l’esclave, & la conduit dans sa maison, ce qui donne lieu à tout le monde de croire que c’est pour son compte, sur-tout à Déméa, qui rencontre Micio, l’accable de reproches, lui dit que son indulgence perd Eschine, & l’exhorte à se modeler sur lui, qui, en traitant Ctésiphon avec sévérité, en a fait un jeune homme sage & prudent. […] Si je puis le rendre plus sage, à la bonne heure : sinon, vous ferez tout ce qu’il vous plaira. […] C’est une étrange chose, à vous parler sans feinte, Qu’une femme qui n’est sage que par contrainte.

32. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE V. L’Éducation des Femmes. » pp. 83-102

Molière met sous vos yeux, en exemple, la femme douce, sage, instruite, spirituelle et modeste ; il vous montre Henriette, pleine de bon sens, de timidité, de grâce, de fines reparties ; sa droiture d’esprit lui suffit pour être inaccessible aux fades compliments d’un diseur de douceurs qui n’en veut qu’à sa dot316 ; pour répondre à un gros pédant ce mot plein d’esprit français et de grâce féminine : Excusez-moi, monsieur, je n’entends pas le grec317 ; pour déclarer nettement à l’homme qui veut l’épouser malgré elle, qu’elle ne se sent point la force de supporter les charges et les périls du mariage sans le soutien de l’amour318. […] C’est une étrange chose, à vous parler sans feinte, Qu’une femme qui n’est sage que par contrainte. […] Et à côté s’en place un autre non moins élevé : c’est qu’un maître sage doit régner par le cœur.

33. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

L’homme parfaitement vertueux est nécessairement bon et sage. […] Sage, il n’exige pas de ses semblables plus de perfection que la nature humaine, en général, n’en comporte ; et, s’il en a lui-même davantage, sa modestie lui défend de le penser ou du moins de s’en enorgueillir. […] Il est orgueilleux, car il se donne sans façon le titre de sage, et ne voit, dans tout le reste du monde, qu’objets de mépris et de colère. […] Rousseau n’avait pu venger le sauvage Alceste des prétendus outrages que Molière avait faits à la vertu dans sa personne, sans lui immoler l’homme du monde, le sage et doux Philinte : il avait proposé ses idées pour une nouvelle comédie du Misanthrope, mais en avertissant qu’il serait impossible qu’elle réussît.

34. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Dans la même année, il écrivait à madame de La Sablière :                  « Les pensers amusants,                  « Les romans et le jeu, « Cent autres passions des sages condamnées « Ont pris comme à l’envi la fleur de mes années. » Il finit par s’exhorter, il est vrai, sans grande espérance de succès, à embrasser un autre genre de vie : « Que me servent ces vers avec soin composés ? […] Encore est-il plus sage de s’en tenir au doute qu’exprime M.  […] Il se borne à rapporter l’opinion reçue : « On dit que Boileau avait en vue madame Deshoulières, une des protectrices de Pradon, et qui fit un sonnet sur la Phèdre de Racine. » On dit, est fort sage, en effet, en 1677, quand Phèdre a paru, madame Deshoulières avait depuis longtemps rompu avec les écrivains qui avaient intéressé sa première jeunesse, tels que les d’Urfé, les La Calprenède, les Scudéry.

35. (1881) Molière et le Misanthrope pp. 1-83

Avec cela, enfin, point vile ni vénale, ayant plus de travers que de perversité, sage sur le tard, et n’ayant pas beaucoup de cœur peut-être ; mais le peu qu’elle en avait, ne l’ayant pas plus mauvais qu’une autre. […] Mais il ne s’est pas peint en pied ; il ne s’est pas incarné dans tel ou tel de ses héros ; non pas même dans les sages, les Cléante, les Ariste, les Philinte ; et s’il est insensé de se représenter Alceste comme un Hamlet ou un Timon d’Athènes, il est ridicule d’y voir un Molière idéalisé, riant d’un rire amer et, du haut de ses infortunes conjugales, jetant l’anathème à l’humanité. […] « Mon gendre est fou à force d’être sage », ajoutait Mme de Rambouillet . […] qu’il s’enferme à la Trappe ; car de l’envoyer convertir les sauvages, il n’y a pas de raison : les sauvages mêmes ne le supporteraient pas. — Non, décidément, puisque les hommes ne sont pas parfaits et ne peuvent le devenir, le plus sage est encore de les prendre tout doucement comme ils sont  ; et le flegme aimable de Philinte est plus philosophe que l’éternelle bile d’Alceste. […] si Molière est dans le Misanthrope, je le vois mieux, lui, le contemplateur, dans la sage et indulgente sérénité de Philinte que dans le raide et contrariant puritanisme d’Alceste.

36. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Si ses théories sont d’accord avec celles de ce sage, il loue hautement la sagacité extraordinaire de son perçant génie ; s’il n’est pas du même avis que cet ancien, il trouve cela tout naturel, et celui qu’il adorait comme un oracle ou comme un dieu à cause de son antiquité, c’est à cause de son antiquité qu’il l’excuse et lui pardonne ses erreurs. […] Elle en a retiré, comme fruit, une défiance sage des premiers mouvements d’antipathie de son goût, dans les choses nouvelles pour elle de l’art et de la poésie. […] si ces personnes si sages et si froides n’avaient pas tant de savoir, tant d’esprit ; si, au lieu de l’orgueilleuse sommation des philosophes, Uranie recevait l’humble visite d’un pauvre maître d’école de village, avide de comprendre et de goûter le beau, elle ne serait pas embarrassée. […] Quelle que soit l’impuissance des arguments d’Uranie, elle doit disputer avec ces sages, parce que son goût pour Molière, sans avoir de fondement logique, est pourtant fondé en raison. […] Contentons-nous de dire, au risque de paraître extrêmement naïfs, que le comique est ce qui nous émeut comiquement, et livrons-nous, avec toute notre naïveté, à cette émotion maîtrisée par la sagesse des sages, en laissant à de plus fins que nous la satisfaction de croire qu’ils ont trouvé en quoi elle consiste.

37. (1852) Légendes françaises : Molière pp. 6-180

Quand ses amis lui faisaient de la peine avec leurs sages paroles, il ne leur répondait guère. […] L’amitié, par les conseils les plus sages, a beau le détourner de ce mariage, il n’écoute que sa fantaisie. […] Sortons-en de nous-mêmes avec gloire, comme de vrais amis et comme de vrais sages. […] Doucement,dit Molière, une si sage résolution doit être réfléchie jusque dans la manière dont elle s’exécute. […] Il marie sa fille sans dot au seigneur Anselme, qui est un gentilhomme doux, posé, sage et fort accommodé.

38. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Or, parmi ces derniers sages, il y avait des juges au Parlement, voire des juges au grand conseil. […] Vous aviez aussi mademoiselle Rose Dupuis, sage, intelligente, agréable. […] Grande et sage habileté du conteur, qui, à force de terreur et de pitié dans la préface de ses contes, a rendu tout excusable. […] Ce Baron fut aimé de Molière ; La Bruyère le méprisait ; il eut la haine de Le Sage qui ne haïssait personne. […] À vrai dire, en ceci, nous comprenons mieux La Bruyère et Le Sage que nous ne comprenons Molière.

39. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

… Auguste suivait le conseil de la nature, qui veut que tout ce qui travaille se repose, qui entretient la durée par la modération, et menace la violence de fin… Ce repos, ces distractions sont des besoins de la vie humaine, quelque riche et suffisante à soi-même qu’elle puisse être d’ailleurs… Ce sont, à proprement parler, les voluptés de la raison et les délices de l’intelligence… Un grand philosophe28 n’a pas craint de dire que le repos et le divertissement n’étaient pas moins nécessaires à la vie que les repas et la nourriture… Mais il ne veut pas que les sages passent le temps comme le vulgaire. […] n’était-elle pas de celles qui donnent à l’esprit le plus d’étendue et de lumières, qui s’allie ni le plus naturellement et le plus étroitement aux qualités morales, au perfectionnement de la raison, au sentiment du beau et du grand, à la délicatesse du goût, et se prêtent le mieux aux plaisirs d’une imagination sage et réglée ?

40. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Il protège les sots contre le bourreau comique qui leur enfonce aux applaudissements des sages, ses coups d’épingle dans le corps, et lui arrachant l’épingle, il la plonge agrandie et transformée en glaive de feu dans le sein du bourreau, et dans celui des sages qui applaudissent129. — L’humoriste installe sa propre personne sur le trône130, parce que le petit monde intérieur, plus vaste que le vaste monde extérieur, ouvre à l’imagination un champ infini ; mais s’il élève son moi, c’est pour l’abaisser et l’anéantir poétiquement comme le reste de l’univers. — Il déborde de sensibilité131 : lorsque, planant sur le monde, il se balance dans sa légère nuée poétique, ses larmes brûlantes tombent comme une pluie d’été qui rafraîchit la terre.

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

D’ailleurs, d’avoir aimé femme sage a regret ; Mais sans aucun remords la vertueuse hait. […] Non, donnez-le-moi, vous ; je fuis prudent & sage.

42. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Tel est l’art de ces sages. […] Non, disait David, il ne faut point que je m’érige en sage et en politique, et malheur à moi si je le suis aux dépens de Dieu ! […] Il convient d’être sage avec sobriété. Mais ces dictons ne sont de mise tout au plus que contre les excès d’Alceste qui n’est pas sage du tout, et le quiétisme du flegmatique est un autre excès plus condamnable. […] Le voilà sage une fois, et c’est à la honte de son cœur.

43. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [43, p. 73-77] »

Parmi plusieurs, nous rapporterons l’avis si sage qu’il donna à Chapelle* et à son valet, avis qui fit rentrer le valet en grâce auprès de son maître, et ménagea l’amour-propre du maître qui se serait révolté de revenir sur ses pas.

44. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Vous voyez en effet le comte Alceste, le plus sage des hommes, se débattre dans les filets où l’a enlacé une coquette ; bien plus, il se met en colère à propos d’un sonnet. […] Il est certain que presque toutes les veuves se remarient ; seulement au lieu de cinq jours comme Pétrone, la loi sage et prévoyante a exigé une année. […] S’écrie le sage Chrisalde de l’Ecole des Femmes. […] Toutes les qualités qu’un honnête homme souhaite de rencontrer dans la femme qu’il épouse se trouvent réunies en effet chez cette belle, sage et spirituelle personne. […] Les coquettes divisaient leurs amans en galants d’été et galants d’hiver; mais, malgré cette sage précaution, elles s’ennuyaient mortellement pendant la première saison.

45. (1739) Vie de Molière

Il faisait de son bien un usage noble et sage : il recevait chez lui des hommes de la meilleure compagnie, les Chapelle, les Jonsac, les Desbarreaux, etc., qui joignaient la volupté et la philosophie. […] Si on osait encore chercher dans le cœur humain la raison de cette tiédeur du public aux représentations du Misanthrope, peut-être les trouverait-on dans l’intrigue de la pièce, dont les beautés ingénieuses et fines ne sont pas également vives et intéressantes ; dans ces conversations même, qui sont des morceaux inimitables, mais qui n’étant pas toujours nécessaires à la pièce, peut-être refroidissent un peu l’action, pendant qu’elles font admirer l’auteur ; enfin dans le dénouement, qui, tout bien amené et tout sage qu’il est, semble être attendu du public sans inquiétude, et qui venant après une intrigue peu attachante, ne peut avoir rien de piquant. […] Enfin on prendrait la liberté de dire, que Le Misanthrope est une satire plus sage et plus fine que celles d’Horace et de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite : mais qu’il y a des comédies plus intéressantes ; et que le Tartuffe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope, avec un intérêt plus marqué. […] Le Misanthrope était l’ouvrage d’un sage qui écrivait pour les hommes éclairés ; et il fallut que le sage se déguisât en farceur pour plaire à la multitude.

46. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

En vain le sage Despréaux, législateur du bon goût dans l’Europe entière, a dit dans son Art poétique, chant troisième :               Qu’en un lieu, qu’en un jour un seul fait accompli               Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli339. […] Donnez-lui des combats de coqs, des enterrements, des duels, des gibets, des sortilèges, des revenants, des princes qui se disent des injures, des femmes qui se roulent sur la scène ; cela lui plaît mieux que l’éloquence la plus noble et la plus sage, et plus d’un grand seigneur a le goût fait comme celui du peuple340. […] Déjà l’on commence à préférer des plaisanteries de Polichinelle à l’éloquence la plus noble et la plus sage. […] Il ne demande pas au poète passionné de calmer sa fièvre, et de se mettre à la diète de la raison ; il ne demande pas au poète sage et tempéré de briser les belles lignes de son éloquence régulière, et d’introduire la folle au logis391. […] L’honnête homme, l’homme distingué, comme on dit en France aujourd’hui, est un sage qui veut plaire et qui plaît, comme l’oiseau chante, comme l’insecte bourdonne, sans y penser, avec un ait naturel.

47. (1910) Rousseau contre Molière

Oronte lui demande son amitié, et Alceste lui ayant fait observer qu’il y faut un peu plus longtemps que cela, Oronte a répondu que c’était là parler en homme très sage. […] Mais non ; il n’y a pas de sage de la pièce ; il y a deux honnêtes gens très différents, qui ont tous les deux des qualités et des défauts et qui sont très vrais l’un et l’autre. […] Vous devenez idiot, vous qui avez « l’air d’homme sage », car toute passion devenant dominatrice et exclusive rend idiot. […] mon pauvre marquis, nous lui en fournirons toujours assez et nous ne prenons guère le chemin de nous rendre sages par tout ce qui se fait et tout ce qui se dit. […] C’est une étrange chose, à vous parler sans feinte, Qu’une femme qui n’est sage que par contrainte.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Choix du lieu de la Scene. » pp. 76-93

Les femmes qu’ils ont ennuyées de leurs premiers vers, n’ont plus de vertus, de travers, de graces, de minauderies dignes de la scene : les hommes n’y sont plus des hommes ; ils n’ont plus une ame qui mérite l’attention d’un sage habitant de la capitale. […] Le dernier, plus riche, plus sage que les autres, avoit l’approbation du pere & de la mere, & soupoit tous les soirs chez eux.

49. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. De l’Amour. » pp. 367-384

J’ai raison de m’en plaindre, & si je n’étois sage, On verroit arriver un étrange carnage. […] Jugez combien il perd dans le fond de mon ame, Par la comparaison que je fais de sa flamme Avec le feu constant, tendre & respectueux D’un amant jeune & sage, aimable & vertueux !

50. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVII. Du Caractere des Professions. » pp. 284-302

Mais croirons nous de bonne foi que l’ingénieux le Sage ne nous ait pas fait des larcins considérables, lorsque son M. […] Qu’on dise tout ce qu’on voudra, je défie qu’on puisse faire un nouveau Financier sans rentrer dans la piece de le Sage.

51. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXV » pp. 259-278

Voilà ce qui donna du charme à sa beauté, de la grâce et de la vie à son esprit éminemment sage et éclairé, et une puissance infinie à sa conversation. […] À sa beauté elle joignait la grâce qui faisait passer dans ses traits, dans ses mouvements, dans sa parole quelque chose de l’âme la plus douce, la plus sensible, et de l’esprit le plus sage et le plus délié.

52. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXVI » pp. 279-297

Un amour sage, élevé, éclairé, est d’une autre puissance que les amours fougueux, délirants, convulsifs ; le foyer d’une passion élevée éclaire en même temps qu’il échauffe : elle mesure sa marche sur celle des circonstances qui assurent les espérances de succès. […] Je le répète, c’était une sage précaution pour conserver tout ensemble et sa réputation d’honnêteté et son honnêteté même.

53. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre X » pp. 83-88

Nous y voyons Malherbe, honoré, fêté, chéri, y finir sa carrière ; le grand Corneille, distingué, encouragé, soutenu, y commencer la sienne ; et le sage, le vertueux, le sévère Montausier y fixer les vœux de la mère pour sa fille, et devenir maître de l’esprit et du cœur de Julie.

54. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Les plaisanteries les plus fades ou du plus mauvais goût ont le privilège d’égayer les sots, et parfois de dérider les sages. […] La scène, comique sans le savoir, resta grave dans l’inconscience de sa propre sottise, et les spectateurs, seuls à rire, eurent l’air de dire aux personnages : Messieurs les acteurs de la comédie, nous sommes beaucoup plus sages que vous, et nous comprenons parfaitement que vous êtes des sots. […] Falstaff, « cet effronté poltron, cette énorme tonne de vin d’Espagne, ce doyen du vice, cette iniquité en cheveux gris », Falstaff est un sage ; il raisonne ; il débite des maximes ; il donne de bons conseils ; il fait au prince de Galles, comme s’il était le chapelain du roi son père, un excellent sermon sur le danger des mauvaises compagnies ; il déclare que le monde est corrompu, qu’il n’y a plus sur la terre ni tempérance, ni chasteté, et en attendant l’heure du rendez-vous avec mistriss Ford ou mistriss Page, il verse trois bouteilles de vin d’Espagne dans son ventre majestueux. […] … Le rire n’est alors qu’une manifestation de la sagesse satisfaite, un signe qui annonce que nous sommes si sages que nous comprenons le contraste et nous en rendons compte. […] Il donne de sages conseils à ses concitoyens, rembarre ses adversaires et ses rivaux dans l’art ; quelquefois même il livre publiquement su propre personne et les particularités de sa vie.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

« Cet enfant, dit-elle, ne mourra ni par le poison, ni par le fer de l’ennemi ; il ne mourra ni de fluxion de poitrine, ni de pleurésie, ni de goutte : ce sera un causeur impertinent qui le fera expirer tôt ou tard : s’il est sage, qu’il évite, quand il sera plus âgé, les grands parleurs ». […] Encor l’eussé-je fait, estant désespéré ; Mais je crois que le Ciel, contre moi conjuré, Voulut que s’accomplît ceste aventure mienne, Que me dit, jeune enfant, une bohémienne : Ni la peste, la faim, la vé.... la toux, La fievre, les venins, les larrons, ni les loups Ne tueront cestui-ci, mais l’importun langage D’un fâcheux : qu’il s’en garde, estant grand, s’il est sage.

56. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Il maudit cette échelle fatale qui devait causer la perte de son élève ; il dit que le ciel lui inspire une bonne pensée, qu’il va trouver l’impudique beauté qui attire son élève, lui reprocher l’énormité de son crime et la ramener par ses sages exhortations dans la bonne voie. […] Alors le sage précepteur s’arrête et décrit complaisamment tous les charmes d’une beauté enchanteresse.

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