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85. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Tout cela étoit un rêve pour un enfant de douze ans, qui étoit depuis long-temps entre les mains de gens durs, avec lesquels il avoit souffert, & il étoit dangereux & triste qu’avec les favorables dispositions qu’il avoit pour le Theâtre, il restât en de si mauvaises mains. […] Moliere avoit souffert de l’absence de Baron ; l’éducation de ce jeune homme l’amusoit dans ses momens de relâche ; les chagrins de famille augmentoient tous les jours chez lui. […] Je viens d’entendre un Acteur déclamer faussement & pitoyablement quatre vers de ma Piece, & je ne saurois voir maltraiter mes enfans de cette force là, sans souffrir comme un damné. […] Incommodez ou non, il faut être prêts à marcher au premier ordre, & à donner du plaisir quand nous sommes bien souvent accablez de chagrin ; à souffrir la rusticité de la plûpart des gens avec qui nous avons à vivre, & à captiver les bonnes graces d’un Public, qui est en droit de nous gourmander pour l’argent qu’il nous donne. […] Mais, ajoûta-t-il, en reflechissant, qu’un homme souffre avant que de mourir !

86. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. De l’Exposition. » pp. 139-164

D’après ce portrait, le public s’attend à voir l’inconstance d’Isabelle donner lieu à des scenes ; il est bien trompé, puisque la belle souffre très constamment toutes les impertinences du Comte. […] Géta, souffrirons-nous que ce malheur arrive à celui qui, comme tu m’as dit, vient de prendre mon parti avec tant d’honnêteté ?

87. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XI. De la Religion. Principe et Sanction de la Morale de Molière. » pp. 217-240

Quelque mine qu’ils fassent, ce n’est point du tout l’intérêt de Dieu qui les peut émouvoir ; ils l’ont assez montré dans les comédies qu’ils ont souffert qu’on ait jouées tant de fois en public sans en dire le moindre mot. […] SGANARELLE Et voilà ce que je ne puis souffrir ; car il n’y a rien de plus vrai que le moine-bourru, et je me ferois pendre pour celui-là.

88. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Je lui ai répondu avec fermeté, qu’à mon âge on ne pouvait faire ombrage a un esprit bien fait ; que ma conduite, dont elle avait été témoin dix ans de suite, démentait tous ses soupçons ; que j’avais si peu songé au dessein qu’elle me prêtait, que je l’avais souvent priée de m’obtenir la permission de me retirer ; que je ne souffrirais plus désormais ses hauteurs, que ses inégalités abrégeaient mes jours par les chagrins qu’elles me causaient — Et qui vous retient ici ? […] Et ce que j’ai dit bien des fois, elle lui fait connaître un pays tout nouveau, je veux dire le commerce de l’amitié et de la conversation sans chicane et sans contrainte ; il en paraît charmé. » Certes, elle devait être d’un grand charme cette amitié qui, dans madame de Maintenon, était de l’amour retenu par la raison, la justice, l’honneur, la bienséance ; cette amitié, où les sens entraient pour quelque chose, mais soumis à de plus hautes et plus puissantes sympathies, celles de l’âme et de l’intelligence, à de plus nobles besoins, ceux de la considération et du respect de soi-même ; cette amitié passionnée que l’honneur forçait à résister au plus doux penchant, qui ne souffrait pas moins de sa résistance que l’ami à qui elle était opposée ; cette tendresse qui avait autant besoin d’être consolée de ses refus que celui qui les essuyait et dont la souffrance parvenait à obtenir des encouragements de l’amant voluptueux et contrarié.

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