je le sens, je n’ai que ton courage ; Mais si du feu divin qui t’échut en partage Quelque étincelle un jour électrisait mes vers, Sous mes coups redoublés immolant nos travers, Je n’écouterais plus que la haine du vice ; Et la sottise, en tout sa fidèle complice, Par sa grotesque allure égayant mes portraits, Viendrait à ses dépens divertir les Français.
Quelle que soit la corruption générale d’une grande nation, même d’une grande cour, il s’y trouve toujours quelques familles où se conserve l’honnêteté des mœurs, où la raison, le droit sens, la bienséance exercent leur légitime empire, où les bons principes sont héréditaires, comme certaines conformations : ici est d’ordinaire le privilège des familles nombreuses qui s’entretiennent, par les sympathies mutuelles de leurs membres, dans les traditions de vertus où elles sont nées.
Mais, avant que de finir cet article, j’aurai occasion de prendre la scene de Plaute d’un autre sens, & de prouver qu’elle est égale à celle de notre Poëte, si elle ne lui est pas supérieure. […] Mais je vous connois bien, vous autres gens à qui l’opulence donne du crédit & du pouvoir ; vous trouvez toujours quelque moyen de nous embarrasser : notre accord, direz-vous, n’est pas tel que vous le prétendez ; notre marché ne doit pas se prendre dans un sens absolu, précis, & indépendant de tout incident : enfin, quand l’envie vous en prend, vous ne manquez jamais de chicane ni de détours.
C’est un dangereux personnage ; il y en a qui ne vont point sans leurs mains ; mais l’on peut dire de lui qu’il ne va point sans ses yeux ni sans ses oreilles. » Malgré l’intention satirique du morceau, malgré le sens haineux de la phrase finale, où Molière est comparé aux voleurs qu’il faut surveiller, l’original ainsi vu par l’auteur de Zélinde avait tant de relief qu’il a suffi de le crayonner d’une main assez lourde pour tracer un croquis où éclate la vérité. […] Si donc on essaie de dégager leur commune physionomie morale, on leur trouve beaucoup de tolérance et d’indulgence pour les faiblesses de notre nature, la conviction que la vie est bonne en elle-même et qu’il faut en jouir, la croyance à la légitimité des instincts, tempérée par le sentiment de l’honneur, le sens pratique, le goût de la grosse plaisanterie gauloise, la haine du chimérique et du faux en tout genre, de l’hypocrisie, du pédantisme, de toutes les formes de la sottise et de la fatuité, la passion de la franchise et du naturel. […] « Molière, dit Boileau, lui lisoit quelquefois ses comédies, et assuroit que, lorsque des endroits de plaisanterie ne l’avoient point frappée, il les corrigeoit, parce qu’il avoit plusieurs fois éprouvé, sur son théâtre, que ces endroits n’y réussissoient point ; » et Brossette ajoute qu’elle avait assez de sens littéraire pour ne pas confondre du Brécourt avec du Molière.