Quand Armande fait fi du mariage, se plaint de ce qu’il offre de dégoûtant, de la sale vue sur laquelle il traîne la pensée, et qui fait frissonner, quand elle demande à sa sœur comment elle peut résoudre son cœur aux suites de ce mot, c’est la nature, c’est la raison, c’est la morale qui répond par la gracieuse bouche d’Henriette : Les suites de. ce mot, quand je les envisage, Me font voir un mari, des enfants, un ménage ; Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner, Qui blesse la pensée et fasse frissonner506.
Ce grand nombre, toutefois, était nécessaire : il représentait la pensée dont l’œuvre du Saint-Sacrement était sortie : la coalition énergique des catholiques d’avant-garde en vue de la contre-réformation. […] Les quelque dix années qui suivent l’affaire de L’Ermitage de Caen sont, peut-être, dans la deuxième moitié du xviie siècle, l’époque de la plus forte poussée réactive de la libre pensée contre le courant religieux général. […] C’est un fait menu en soi, évidemment, que cette concordance entre l’intrigue du Tartufe, la chronique de Tallemant des Réaux et les archives authentiques de la Compagnie du Très-Saint-Sacrement ; mais comme cette concordance n’a pu être fortuite, elle nous oblige à penser qu’en composant L’Imposteur, Molière a eu, sinon directement en vue, au moins à la pensée, les confrères de MM. de Renty et de Dernières ; elle s’ajoute, pour les corroborer, aux autres faits propres à nous faire croire que Molière les a visés entre autres « dévots. » Mais « entre autres, » dis-je, et pas eux seuls41. […] « Il n’est point toujours nécessaire de sortir du désert pour être utile à ses frères ; on leur fait souvent plus de bien de loin que de près ; il ne faut que parler à Dieu pour eux… » Mais sa vraie pensée, c’est qu’au fond le chrétien n’a ni le devoir, ni le droit de tant se préoccuper d’autrui, que même c’est presque un péché que cette charité mal ordonnée.
je voudrois bien de tout mon cœur vous donner la satisfaction que vous desirez ; mais le Ciel s’y oppose directement : il a inspiré à mon ame le dessein de changer de vie, & je n’ai point d’autre pensée maintenant que de quitter entiérement tous les attachements, de me dépouiller au plutôt de toutes sortes de vanités, & de corriger désormais, par une autre conduite, tous les déréglements criminels où m’a porté le feu d’une aveugle jeunesse. […] Ce dessein, Don Juan, ne choque pas ce que je dis ; & la compagnie d’une femme légitime peut bien s’accommoder avec les louables pensées que le Ciel vous inspire. […] Mais je vous déclare, pour moi, que ce n’est point moi qui veux me battre, le Ciel m’en défend la pensée ; &, si vous m’attaquez, nous verrons ce qui en arrivera.
Un Acteur ne doit point appuyer sur les termes, mais sur l’expression entière ; et remarquer le mot qui détermine la pensée afin de l’élever un peu plus que les autres. On est désolé d’entendre des Acteurs qui poussent leur voix, comme des possédés, en prononçant, par exemple, un adjectif, et tomber du moins à l’octave en proférant son substantif : Au lieu d’entraîner le Spectateur insensiblement, par degrés conjoints, s’il m’est permis de parler ainsi, jusqu’au terme qui doit lui faire sentir la pensée que l’on exprime. […] Je ne dois pourtant pas me plaindre de lui ; « d’autres pourraient, dit-il, trouver plus que moi à redire à la Vie de Molière ; je ne donne que ma pensée.