Rousseau reconnaît que c’est bien ainsi, d’une façon générale, que Molière a conçu son caractère ; qu’Alceste « hait dans les hommes les maux qu’ils se font et les vices dont ces maux sont l’ouvrage » [dans l’ordre inverse ce serait plus juste] ; que si Alceste déclare avoir conçu pour les hommes une haine effroyable, ce n’est que parce qu’ils sont ou méchants ou complaisants aux méchants ; que, parce qu’Alceste a été conçu ainsi, il plaît encore malgré les ridicules que Molière lui a donnés ; que le spectateur l’estime ; que Molière lui a prêté même et a mis dans sa bouche un très grand nombre de ses maximes. […] Rien n’est plus faux ou, tout au moins, c’est au nombre des choses parfaitement fausses. […] Il est difficile d’indiquer mieux que la religion est au nombre des maximes ridicules et des lois grotesques dont se sert Arnolphe pour intimider et effrayer sa pupille. […] Molière, comme du reste la plupart des poètes comiques, nous laisse voir qu’au nombre des choses comiques et qui soulèvent l’hilarité de la moyenne des hommes, il y a la vertu, qui, si réservée qu’elle soit et si petite qu’elle se fasse, ne peut s’empêcher d’être encore une excentricité. […] Il convient aussi, et à en juger par le nombre de lignes que Rousseau consacre à cet article, il semble qu’il y attribue une extrême importance, il faut aussi exercer et développer infiniment sa coquetterie.
Les auteurs dramatiques, en général, et Molière en particulier, ont fait agir et parler un grand nombre de femmes douées de qualités et de défauts divers.
de la Bruyere a senti qu’en accumulant tant de traits de distraction sur Ménalque, il ne faisoit pas un portrait naturel ; aussi a-t-il dit lui-même : « C’est moins un caractere particulier qu’un recueil de faits de distraction : ils ne sauroient être en trop grand nombre s’ils sont agréables ; car les goûts étant différents, on a à choisir ».
C’est dans ce milieu aussi, libre à outrance, où la commune gaieté corrigeait les déboires, que se développa le génie de Molière, et qu’il conçut le plus grand nombre des canevas dont plus tard il tira ses chefs-d’œuvre.