après le Sermon, le bel esprit, curieux de savoir ce qui agitait si fort cet Ecclésiastique, prit la liberté de le lui demander avec l’air de l’intérêt. « Eh ! […] Mais un peu d’intérêt aida sa complaisance. […] La Dlle Raisin prit les intérêts de l’auteur ; et obtint de Monseigneur, un ordre de faire jouer la Pièce. […] Ergaste lui en cherche de tous côtés ; et enfin un Notaire vient lui annoncer qu’il a trouvé la somme qu’il désire, mais à un très-gros intérêt. […] C’est-là ce Payeur d’intérêt ?
Cette intrigue a le défaut d’un roman, sans en avoir l’intérêt ; et le cinquième acte employé à débrouiller ce roman, n’a paru ni vif ni comique. […] Il eut un grand succès sur ce théâtre irrégulier ; on ne se révolta point contre le monstrueux assemblage de bouffonnerie et de religion, de plaisanterie et d’horreur, ni contre les prodiges extravagants qui font le sujet de cette pièce : une statue qui marche et qui parle, et les flammes de l’enfer qui engloutissent un débauché sur le théâtre d’Arlequin, ne soulevèrent point les esprits : soit qu’en effet il y ait dans cette pièce quelque intérêt, soit que le jeu des comédiens l’embellit ; soit plutôt que le peuple, à qui Le Festin de Pierre plaît beaucoup plus qu’aux honnêtes gens, aime cette espèce de merveilleux. […] Il s’est fait à lui-même un sujet stérile, privé d’action, dénué d’intérêt. […] Enfin on prendrait la liberté de dire, que Le Misanthrope est une satire plus sage et plus fine que celles d’Horace et de Boileau, et pour le moins aussi bien écrite : mais qu’il y a des comédies plus intéressantes ; et que le Tartuffe, par exemple, réunit les beautés du style du Misanthrope, avec un intérêt plus marqué. […] Loin d’examiner sévèrement cette farce, les gens de bon goût reprochèrent à l’auteur d’avilir trop souvent son génie à des ouvrages frivoles qui ne méritaient pas d’examen ; mais Molière leur répondait qu’il était comédien aussi bien qu’auteur, qu’il fallait réjouir la cour et attirer le peuple, et qu’il était réduit à consulter l’intérêt de ses acteurs aussi bien que sa propre gloire.
I C’est une étude pleine d’intérêt que de rechercher le côté réel et vivant d’une œuvre dramatique, de séparer la fiction de la vérité, de voir dans quelles proportions le poëte a pu joindre aux types qui sont les produits de son imagination, quelques reflets de la réalité, quelques traits empruntés çà et là au monde qui l’environne. […] Tandis que Fléchier nous le montre vertueux, franc, rigide et « méprisant les voies obliques des passions et des intérêts ; » tandis que Mme de Sévigné reconnaît « une sincérité et une honnêteté de l’ancienne chevalerie » dans ce courtisan « Qui pour le pape ne dirait, Une chose qu’il ne croirait ; » le malin Despréaux lui décoche un trait de satire et le peint en un vers : « Le ris sur son visage est en mauvaise humeur. » Le duc de Saint-Simon déclare que « parmi toutes ses; façons dures et austères, Montausier était infiniment respecté. » Enfin, la rude franchise de Montausier, et cette raideur qui, au dire de certains panégyristes, ne fléchissait pas même en présence du monarque le plus absolu de l’univers, étaient presque devenues proverbiales. […] Mais quel intérêt Molière aurait-il pu avoir à poursuivre de ses satires la sœur de M. le prince, -vouée depuis treize ans aux pratiques de la religion la plus austère11 !
Cependant s’il ne tourne pas la vertu en ridicule, il lui oppose souvent, en lui donnant l’avantage, une certaine sagesse où nous reconnaissons, à plus d’un trait, l’esprit de la morale de Gassendi, c’est-à-dire de la morale de la prudence et de l’intérêt bien entendu. […] De là un caractère de Molière en opposition avec le spiritualisme cartésien de la plupart des grands écrivains du siècle de Louis XI v, de là l’origine et l’explication d’un certain nombre de traits comiques répandus dans quelques-unes de ses pièces, de là quelques maximes de sagesse plus en harmonie avec la morale de l’intérêt bien entendu qu’avec celle ’ du devoir.