On sait comment se vengea ce La Feuillade, l’homme de Tarte à la crème, qui, faisant mine d’embrasser Molière, lui mit le visage en sang contre les boutons de son habit. […] C’est exactement la contre-épreuve de la Critique ; les rôles ridicules y sont dévolus aux partisans de Molière, voilà tout, et Molière a dit juste : « Ils ont retourné ma pièce comme un habit pour faire la leur ».
Montufar loua une maison, la meubla de meubles fort simples, & se fit faire un habit noir, une soutane & un long manteau.
La gaucherie en habit de bure ne vaut pas la gaucherie en habit de cour. […] Combien crois-tu que j’en connaisse, qui, par ce stratagème, ont rhabillé adroitement les désordres de leur jeunesse, qui se font un bouclier du manteau de la religion, et, sous cet habit respecté, ont la permission d’être les plus méchants hommes du monde ? […] Mathurin Régnier a ajouté à tous ces portraits celui de Macette, ce Tartuffe en jupons, comme on l’a heureusement nommée, dont le langage n’a pas moins de doucereuse saveur et de patelinage dévot que celui du héros de Molière : C’est pourquoi déguisant les bouillons de mon âme, D’un long habit de cendre enveloppant ma flamme Je cache mon dessein aux plaisirs adonné. […] C’est lui qui nous a peint Macette, déguisant les bouillons de son âme, et enveloppant sa flamme d’un long habit de cendre; lui qui a tracé le portrait de ce poète dont les vers sont payés par de bons bénéfices, et dont le génie en travail Méditant un sonnet, médite un évêché ; lui qui nous a décrit ce potage D’où les mouches à jeun se sauvaient à la nage ; lui qui nous a parlé de cette porte basse par laquelle il ne put entrer qu’en trois doubles plié ; lui qui a décrit cet ivrogne dont le nez prêchait la vendange ; lui qui s’est peint dans ces vers souvent cités : Un de ces jours derniers, par des lieux détournés, Je m’en allais rêvant, le manteau sur le nez, L’âme bizarrement de vapeurs occupée, Comme un poète qui prend les vers à la pipée.
Mais quand Tartuffe parut avec sa mine fleurie et son habit austère, il y eut comme une rumeur de haine ; le parterre se sentit en présence de l’ennemi : il devint attentif et ne laissa passer en silence aucun des bons endroits, je veux dire aucun de ces vers enfiellés où les pensées et le langage même de la piété prennent la physionomie et deviennent l’expression de la plus noire scélératesse. […] A leurs yeux, ce personnage quasi fantastique, maintenant introuvable sous l’habit dont Molière l’a affublé, et qui a complètement changé de style, de masque et de peau, ce n’est pas l’imposteur, c’est le chrétien ; c’est l’homme qui croit en Dieu et qui prie ; l’homme qui, s’ôtant donné les règles sévères de la justice, a cessé d’être ou n’a jamais été des leurs, et qui par cela même les gêne. […] Il offre ses services à la police qui les accepte, il sort et recommence chez un autre Orgon, ou chez le même avec un autre habit. […] Bourdaloue ne connaissait pas l’ouvrage contre lequel il s’élevait dans la chaire de vérité, puisqu’il dit qu’on donne à un hypocrite imaginaire le visage d’un pénitent, tandis que Molière le peint avec l’oreille rouge et le teint bien fleuri (ce que l’acteur a soin de réparer en se rapprochant autant que possible de l’habit ecclésiastique). […] Après la première représentation d’essai du Tartuffeencore inachevé, le 12 mai 1661, « le Roi connut tant de conformité entre ceux qu’une véritable dévotion met dans le chemin du ciel et ceux qu’une vaine ostentation de bonnes œuvres n’empêche pas d’en commettre de mauvaises, que son extrême « délicatesse pour les choses de la Religion eut de la peine à souffrir cette ressemblance du vice et de la vertu, et, sans douter des bonnes intentions de l’auteur, il défendit cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût entièrement achevée et examinée par des personnes capables d’en juger. » « Ce prince voulut encore, » remarque vertueusement l’honnête Bret (Avertissement sur le Tartuffe), « que l’Imposteur fût vêtu comme un laïc, qu’il eût un habit chargé de dentelles, une épée au côté, afin de détourner toute espèce d’application à un état toujours digne de nos égardslorsqu’il ne détruit pas lui-mêmenos dispositionsà le respecter. » Et cet homme de bien ajoute avec une égale candeur : « Sous ignoronspourquoi les comédiens ont préféré depuis de montrer « Tartuffe sous une décorationqui le rapproche beaucoup de l’application que voulait éloigner Louis le Grand.