Les Français d’aujourd’hui reconnaissent, à leur honneur, que les farces de Molière rehaussent sa gloire bien loin de l’avilir ; ils mesurent toute la profondeur du Festin de Pierre, et ce n’est pas seulement la fameuse scène du pauvre qui leur imprime une sorte de respect pour le génie de son auteur ; cette statue qui marche et qui parle, ces flammes de l’enfer qui engloutissent un débauché, plaisent à leur imagination romantique. […] Molière changea Tartuffe en directeur laïque ; et, comprenant que pour mieux combattre la fausse dévotion, il lui fallait faire bien haut l’éloge de la vraie, et même inventer un personnage qui la représentât et remplît la fonction du chœur antique438, il ajouta à son ouvrage les fameuses tirades de Cléante, qui firent, cinq ans après la représentation de Versailles, le salut du Tartuffe et de Molière devant le grand public.
Tu te plains que ton fameux feuilleton de la semaine passée ait déjà pris son rang parmi les choses expirées… de quel droit serais-tu plus heureux qu’un prince même du sang royal de France, le prince de Conti, qui a publié, lui aussi, un Traité de la comédie et des spectacles que ni toi ni les tiens vous n’avez lu ? […] Cela fâchait le grand évêque de Meaux qu’on appelât le théâtre l’école des mœurs, et il avait boudé Santeuil pour sa fameuse inscription : Castigat ridendo mores ! […] Lui-même il a pu servir au portrait de Tartuffe, ce fameux cardinal-ministre, Richelieu : Richelieu, amoureux de la reine-mère, et la chassant de ce royaume qui appartient à son fils !
Ce dédain si fameux eut des charmes secrets, A me faire avec soin rappeler tous ses traits ; Et mon esprit jetant de nouveaux yeux sur elle, M’en refit une image et si noble et si belle, Me peignit tant de gloire et de telles douceurs, A pouvoir triompher de toutes ses froideurs, Que mon cœur, aux brillants d’une telle victoire Vit, de sa liberté, s’évanouir la gloire. […] et fit placer ces grilles restées fameuses dans l’histoire. […] Pour le talent comme pour la bonne foi, c’est une page des Provinciales, dont elle est d’ailleurs une imitation, et c’est en même temps un portrait de l’auteur, plus ressemblant, quoiqu’involontaire, que le fameux personnage de Cléante. […] Une hypocrite, Arsinoé, Tartuffe femelle qui s’arrangerait volontiers d’Alceste, soit pour faire une fin, soit pour prolonger le moment qui précède la fin, et qui s’offre crûment sans spécifier le cas ; une raisonneuse, Éliante, qui, malgré sa raison ou ses raisonnements, trouve aussi le rude Alceste fort à son goût, le lui dit aussi, et, refusée, s’accommode de Philinte, lequel est instruit de tout et n’en est pas autrement importuné ; enfin une coquette achevée, mais surtout une méchante langue incomparable, la fameuse et retentissante Célimène, de qui Alceste est amoureux.
Le Comte de Tonnerre, si connu par son bon goût, & par son intrigue avec la fameuse Chamelé qu’il enleva à Racine 74, assistoit à la représentation d’une piece qui portoit le titre de comédie, & rioit d’un trait qui n’étoit rien moins que plaisant.