Par tout ce qu’ils appelaient délicatesse, sentiment et finesse d’expression, ils étaient enfin parvenus à n’être plus entendus et à ne s’entendre pas eux-mêmes. […] Molière, se fiant maladroitement à l’expression souriante de la figure d’un vieux courtisan, s’incline. […] Huit jours auparavant, le Roi, suivant l’expression de Molière, « lui avait commandé de travailler sur le sujet de la critique qu’on faisait contre lui ». […] Mais quiconque aura étudié la manière d’écrire de l’auteur du Tartuffe, retrouvera dans la Lettre sur l’Imposteur des tours et des expressions qui ne sont qu’à lui. […] Qui pourrait penser à versifier la scène d’Harpagon et de La Flèche, du premier acte ; celle du diamant au troisième, et tant d’autres dont les expressions si naturelles ne le sembleraient plus autrement disposées ?
Son théâtre, pendant ces quinze années, pour n’être composé que d’esquisses légères, n’en est pas moins l’expression la plus fidèle des mœurs de la Restauration. […] Néanmoins, dans cette tirade si pleine de poésie, les tours de phrase, les expressions, leur emploi, tout est naturel, et l’on sent que l’on peut parler ainsi d’abondance. […] « Si la comédie était constamment l’expression de la société, dit M. […] Le théâtre est donc bien rarement l’expression de la société, ou du moins, et comme on l’a vu, il en est souvent l’expression inverse, et c’est dans ce qu’il ne dit pas qu’il faut chercher ou deviner ce qui existait. » On comprend aisément l’intérêt que pouvait avoir M. […] Couvrez ce sein que je ne saurais voir, il y jetait les yeux à la dérobée avec une expression de concupiscence.
Molière en avait retranché principalement ces expressions, ces formules consacrées dont l’église se réserve l’usage, et qui, en aucun cas, ne doivent frapper les voûtes profanes d’un théâtre. […] Molière est, sans contredit, de tous nos poètes comiques celui qui a le plus souvent et le plus gaiement tiré parti de l’espèce de ridicule attachée à certaine disgrâce qui menace les maris, et que désignait de son temps une expression naïve repoussée par la délicatesse actuelle du langage. […] Enfin, tandis que, au dénouement, l’Amphitryon latin, avec une pieuse résignation que nous appellerions une lâche insensibilité, déclare qu’un partage avec Jupiter n’a rien dont il puisse s’affliger, l’Amphitryon français dévore en silence ce glorieux affront, et, pour me servir des expressions mêmes du comique, n’avale qu’avec un extrême dégoût cette pilule que le seigneur Jupiter a si bien pris soin de dorer.
Ainsi, Messieurs, des poèmes ecclésiastiques, des miracles et des légendes en dialogues, rythmés, des allégories morales, des proses liturgiques entremêlées de patois et, selon l’expression consacrée, des épîtres farcies « epistolæ farcitæ; »enfin, des amplifications de couvent ou des entremets de repas seigneuriaux, voilà quels seraient les antécédents de notre théâtre avant les représentations des Confrères. […] Aux plus terribles moments de la passion, à l’agonie du Jardin des Olives et pendant les souffrances même de la croix, les joies du ciel et ses concerts adoucissent et, suivant l’expression d’Aristote, purifient le sentiment douloureux du spectateur. […] Aujourd’hui nous avons dû commencer par déblayer (permettez-moi cette expression) les avenues de notre sujet, semblables à ces ouvriers qui dégagent d’un amas de scories informes l’accès d’un beau temple antique et qui ensuite se trouvent en présence du monument lui-même, de ses péristyles, de ses statues, de la pleine lumière dont il est inondé.