Mais pour des comédiens français, la nature les fait en dormant : elle les forme de la même pâte que les perroquets, qui ne disent que ce qu’on leur apprend par cœur : au lieu qu’un Italien tire tout de son propre fonds, n’emprunte l’esprit de personne pour parler ; semblables à ces rossignols éloquents, qui varient leurs ramages suivant leurs différents caprices.
« Sa première entrée dans le monde fut heureuse en esprits distingués. » Il ajoute, et ceci se peut appliquer à la critique, lorsqu’elle est faite avec zèle, avec bonheur, « Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se limer, de se former, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir vécu toute sa vie avec les personnes du a monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout genre, de tout âge et a de tous personnages. » On voudrait écrire l’histoire même du feuilleton, né avec un esprit au-dessous du médiocre, empruntant d’autrui, et se formant et se raffinant avec les personnes du monde qui ont le plus de goût, de science et d’esprit, on n’écrirait pas une plus juste et plus véridique histoire. — Un peu plus loin, M. le duc de Saint-Simon, complétant le dénombrement des hommes considérables du siècle de Louis XIV, ajoute que rien ne manquait à ce beau siècle : « Pas même cette espèce d’hommes qui ne sont bons que pour le plaisir. » Il voulait parler des poètes et des artistes en tout genre ; il aurait eu honte de les confondre avec les hommes de robe, avec les hommes d’épée, avec les hommes d’État, et surtout avec les grands seigneurs, qu’il considérait comme l’ornement le plus précieux de la cour de Versailles ! […] Tout aussi bien que Molière, mais pour arriver à un but différent, Bossuet a expliqué d’une façon admirable le but, les moyens, les passions de la comédie. […] ce grand art d’arracher le rire ou les larmes, ce grand art d’intéresser et d’émouvoir tant de gens, venus de si loin et de côtés si opposés, tant de spectateurs, de fortunes si diverses, d’ambitions si différentes, si étrangers les uns aux autres, paysans, bourgeois, grands seigneurs. […] Grands moralistes tous les deux, Molière et Rousseau, ils ont vu tous les deux le cœur humain, sous un aspect bien différent. […] qu’il y avait, autrefois, deux sociétés bien différentes, Paris et Versailles, la ville et la cour ; ces deux sociétés étaient bien plus séparées l’une de l’autre, que si elles l’eussent été par des montagnes et par des villes, elles étaient séparées par les usages et par les mœurs.
Goldoni a dans sa Finta Ammalata des choses excellentes, qui ne sont pas dans l’Amour Médecin : par exemple, les différents caracteres des Médecins ; l’embarras de Lélio lorsqu’il interroge les Docteurs l’un après l’autre sur leur consultation ; la scene où les Médecins, l’Apothicaire, Lélio, le Chirurgien, viennent offrir des ordonnances, des vésicatoires, des saignées, un flacon de sel d’Angleterre : celle sur-tout où le Docteur Buona Testa lit avec emphase son Agenda, pour voir s’il pourra donner un quart d’heure à Pantalon, est d’une vérité faite pour frapper sur tous les théâtres de l’Europe.
Mlle Hadamard, avec des mérites différens, est la Dudlay de l’Odéon ; M"" Barthélémy, Caristie Martel, Antonia Laurent, Baréty, sont des écolières en tragédie : seront-elles jamais couronnées ?