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96. (1910) Rousseau contre Molière

……………………………………………… Voilà sur quels motifs je règle ma conduite. […] Les hommes aiment très fort, d’une lecture ou d’un spectacle, rapporter une leçon morale ; je ne dis pas seulement une leçon ; car ils auraient pleinement raison, et de tout livre il faut qu’on puisse tirer une leçon, leçon de bon sens, leçon de goût, etc. ; mais je dis une leçon morale, une leçon de conduite ; et, à cause de cela, dans toute pièce de théâtre, ils cherchent le personnage interprète de la pensée de l’auteur, qui leur dira ce qu’il faut qu’ils soient. […] Dans l’École des Maris et dans l’Ecole des Femmes, Molière est très sensiblement ce que nous appelons féministe, et je veux dire par là : 1° qu’il se montre très partisan de la plus grande liberté de conduite et d’allures laissée aux jeunes filles et aux jeunes femmes ; 2° qu’il se montre très partisan d’une éducation et d’une instruction libérales données aux jeunes filles. […] De folles on vous traite et j’ai fort sur le cœur… Le moindre solécisme en parlant vous irrite ; Mais vous en faites, vous, d’étranges en conduite. […] Molière croit très évidemment que la santé sociale dépend du sens commun, du bon sens général, inspirant et dirigeant la conduite de chacun ; Rousseau croit évidemment que la santé sociale dépend de quelques-uns, c’est à savoir, point du tout d’une classe supérieure, mais des hommes, très rares, qui, à de longs intervalles, renouvellent par leur pensée et par leur exemple la façon de sentir de l’humanité, la ramènent à son point de départ, la retrempent à

97. (1740) Lettres au Mercure sur Molière, sa vie, ses œuvres et les comédiens de son temps [1735-1740] pp. -89

La sagesse de ses expressions, la conduite de ses intrigues, la finesse de ses pensées, le tour naturel de son style, et surtout la beauté de ses caractères, qui tendent tous à rendre le vice ridicule et méprisable, sont des choses que quelques-uns de ceux qui lui ont succédé dans le genre comique, ont imité d’assez près dans un petit nombre de pièces, mais qui peut-être ne se trouvent reunis dans aucune. […] Après avoir blâmé Corneille et Racine d’avoir fait parler avec trop d’esprit, les personnes qu’ils font paroître pénétrées de grandes passions, « Moliere, dit-il, est un auteur pernicieux » qui ne tend qu’à donner du crédit et de l’autorité au crime, en décriant ceux qui s’y oposent, ou en aprenant la maniéré dont les jeunes personnes doivent se servir pour tromper des parens chargez de leur conduite ».

98. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

Jean-Baptiste Poquelin, fils d’un marchand aisé de Paris‌ 1 qui exerçait la charge assez recherchée de tapissier valet de chambre du roi, fit ses humanités et sa philosophie chez les jésuites, philosopha quelque temps sous la conduite de Gassendi, étudia le droit, puis un beau jour, à vingt-trois ans, de concert avec quelques jeunes fils comme lui, planta là ses études, sa famille, et s’enrôla comédien. […] Il donna son fils à sa place, « adorant la conduite de la Providence et craignant de s’opposer une seconde fois à ses desseins16. »Ainsi, à quinze ans, Louis Bourdaloue, recevant la bénédiction de son père, entra dans la Compagnie de Jésus pour y vivre et pour y mourir sous la triple loi de la pauvreté, de la chasteté et de l’obéissance. […] C’est par là que la malignité du spectateur est conduite à croire que tous ceux qui parlent le même langage ont dans l’âme les mêmes pensées, complotent les mêmes forfaits, sont enfin des Tartuffes. […] Ce texte semble engager l’orateur à parler contre ces « âmes artificieuses », qui couvrent des apparences de la dévotion, tantôt une doctrine corrompue, tantôt une conduite criminelle ; mais Dieu lui inspire un autre dessein, dont il se promet plus de fruit pour la réformation des mœurs. […] « L’ami du Misanthrope est si raisonnable, que tout le monde devrait l’imiter : il n’est ni trop ni trop peu critique ; et ne portant les choses ni dans l’un ni dans l’autre excès, sa conduite doit être admirée de tout le monde.

99. (1898) Molière jugé par Stendhal pp. -134

Tout au plus pourais-je rire si on me le montrait désappointé dans ce qu’il a de plus fort, c’est-à-dire sa conduite, la manière dont il cherche le bonheur, les calculs qu’il fait pour cela, et auxquels il apporte plus d’attention sans doute qu’aux simples actions ordinaires. […] Si Cléante a de l’esprit, ce dont sa scène avec Tartuffe me fait un peu douter, il doit savoir qu’un sot tel qu’Orgon, est incapable de se conduire par raisonnement, et qu’il est de ces gens qui ne marchent qu’en vertu de leurs préjugés, et que ce qu’il y a de pis c’est de les accoutumer à raisonner leur conduite, « On dit, on fait, c’est l’usage, » doivent être leurs lois suprêmes sans cela il n’est pas de bêtise alors où ils ne puissent tomber. […] La femme du laboureur, de l’artisan, du petit bourgeois doit travailler utilement, mais à partir de 12 ou 15.000 livres de rente, ne vaut-il pas mieux qu’elle acquière des idées et qu’elle devienne capable de donner des conseils à son mari, de l’amuser et même de le suppléer. s’il vient à mourir, pour la conduite de la fortune. […] Donc Mme de Staël peut avoir les Ridicules : iº De se trouver inconnue quand elle se croit l’objet des regards du public ; 2º Quand elle croit avoir inspiré par sa conduite la vénération, se trouver l’objet des plaisanteries de tout le monde.

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