Moncade se jette aux genoux de Julie, qui lui pardonne à condition qu’il ira joindre son Régiment le lendemain. […] Je te dis donc que si dorénavant tu entreprends quelque fourberie pour empêcher mon fils de se marier, ou que tu veuilles en cette occasion faire briller ton esprit rusé, je te ferai donner mille coups d’étriviere & t’enverrai sur l’heure au moulin pour ta vie, à condition & avec serment que si je t’en retire, j’irai moudre à ta place.
N’est-ce pas de ce soin que s’acquittent à merveille, au xviie siècle, chacun dans leur milieu, les Don Louis, les Clitandre, les Dorante (de la critique), les Ariste, les Cléante, les Madame Jourdain, les Eliante, les maître Jacques, les Martine, les Dorine, les Toinette… ces gens du monde, ces bourgeoises, ces valets, ces servantes de Molière, de conditions bien différentes, mais qui tous possèdent ces mêmes qualités supérieures : la bonté souriante et le bon sens. […] C’est le plus souvent aux hommes, en tant que pères et époux, que Molière prescrit leur devoir (aussi exactement, bien entendu, qu’un auteur comique le peut faire) ; mais, aux hommes en général, il donne quelques sages conseils, sans distinction de caste ni de condition.
Et parmi ces confrères nous voyons des personnes de toutes conditions. […] Mais pour la vigueur et l’invention, pour le naturel des sentiments, comme pour l’instinct des véritables conditions théâtrales et pour l’entente du dialogue, ces oeuvres vont bien au-delà de celles des Jodelle, des Garnier, des Hardy; et si nous devons chercher quelques germes d’art dramatique avant Corneille et Molière, c’est là qu’ils existent.
Heureusement Molière refusa cette faveur ; il était dévoué au théâtre, et préférait sa condition un peu orageuse aux douceurs d’une espèce de bénéfice. […] Ce qu’il faut surtout admirer en lui, c’est le génie avec lequel il s’identifie au caractère, aux mœurs et au langage de ses personnages ; on dirait que ces métamorphoses ne lui coûtent rien ; qu’il a été de tous les états ; qu’il s’est trouvé dans toutes les conditions. […] « Non seulement trois, répondit Molière, mais huit, à condition qu’il n’ira point chez vous, et que je le ferai toujours accompagner par un homme qui le ramènera dès que la pièce sera finie. »Et cela de peur que cette femme et Olivier ne séduisissent l’esprit du jeune homme, pour le faire retourner avec eux.