Déméa, qui est fort en colère, mais qui en a sujet, devient Sganarelle, qui est dur et ne se croit que sage ; et Micion, dont la faiblesse n’est que l’effet du manque de caractère, se change en Ariste, dont l’indulgence n’est que de la raison. […] Il le fait sien, en le rapprochant, par les choses qu’il y change ou y ajoute, de l’éternel modèle.
Lysidas a encore bien plus changé. […] À cette impression libre et personnelle l’Esthétique n’ajoute, n’ôte, ni ne change rien.
Ses comédies, bien lues, pourraient suppléer à l’expérience, non pas parce qu’il a peint des ridicules qui passent, mais parce qu’il a peint l’homme qui ne change point. […] Mais comme en effet presque toutes alors étaient fort ridicules, le nom changea de signification et n’exprima plus qu’un ridicule. […] Ce ridicule a disparu, parce qu’il ne tenait qu’aux formes extérieures; mais l’esprit de corps qui ne change point, et tous les préjugés, tous les travers qui en résultent, ont fourni au poète observateur une foule de mots heureux, devenus proverbes, et qu’on cite d’autant plus volontiers, qu’ils sont encore aujourd’hui tout aussi vrais que de son temps.
Il y eut un codicille qui ne changea rien à ces dispositions ; le codicille est du 14 février ; ce jour-là « ladite damoiselle aurait déclaré ne pouvoir mieux signer ni parapher, attendu l’extrême maladie où elle est, et notamment que sa vue est affaiblie ». […] Elle vint, joua le rôle en habit de ville, parce qu’on ne voulut pas même lui donner le temps d’en changer, reçut des applaudissements qui ne finissaient point, et conserva le rôle d’Agnès jusqu’à sa retraite. […] Laforest ne prit point le change, et après avoir ouï quelques mots, elle soutint que son maître n’avait pas lait cet ouvrage. » Et voilà une légende immortelle. […] C’est qu’on avait coutume dans ce temps-là, comme il arrive encore aujourd’hui, de changer de servante, mais de leur donner le même pseudonyme pour ne-pas devoir s’habituer à un autre baptême.