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117. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Car comme la fausse dévotion tient en beaucoup de choses de la vraie ; comme la fausse et la vraie ont je ne sais combien d’actions qui leur sont communes ; comme les dehors de l’une et de l’autre sont presque tout semblables, il est non seulement aisé, mais d’une suite presque nécessaire, que la même raillerie qui attaque l’une intéresse l’autre, et que les traits dont on peint celle-ci défigurent celle-là, à moins qu’on n’y apporte toutes les précautions d’une charité prudente, exacte et bien intentionnée ; ce que le libertinage n’est pas en disposition de faire. […] Mais que le monologue insipide où Mercure raconte tout ce qu’on va voir et entendre, comme s’il craignait qu’on n’y prît trop d’intérêt et de plaisir, lui ait semblé supérieur au charmant dialogue de Mercure et de la Nuit, qui prépare au merveilleux de l’action, sans la faire connaître ; surtout que le jeu du double moi lui ait paru plus ingénieux dans Plaute qui l’indique à peine, que dans Molière qui en a tiré un si grand parti d’après Rotrou, voilà de ces erreurs que Boileau ne pouvait commettre, et qu’il y aurait une témérité presque sacrilège à lui imputer sur la périlleuse parole d’un auteur d’ana. […] Hors de ces deux cas, toute ressemblance est un accident fortuit qui ne peut raisonnablement servir de base à l’action d’un drame régulier.

118. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

Dans le Sacrifice d’Abraham, mystère joué à Paris devant: François Ier, en 1539, Isaac, fils de Sara, paraissait en scène dès le moment de sa naissance : « Icy, dit le livret, fault un enfant nouveau-né. » On peut imaginer ce qu’il fallait de monde pour jouer tant de rôles et représenter tant d’actions diverses. […] On peut rire, par exemple, de ces trois compartiments superposés, enfer, terre, paradis, qui forment le lieu de l’action ; et pourtant que d’effets dramatiques résultent de cette correspondance visible entre les scènes de la terre et celles du ciel ou des enfers! […] Le lieu de l’action doit être supposé à trois compartiments juxtaposés : d’un côté la chambre de Patelin avec le lit, de l’autre la boutique du drapier, au milieu la place publique avec le tribunal du juge.

119. (1746) Notices des pièces de Molière (1658-1660) [Histoire du théâtre français, tome VIII] pp. -397

Il l’a traitée avec tant d’art dans la huitième partie de son roman, et l’a enrichie d’incidents si bien imaginés, que si le théâtre, dont l’action est plus resserrée, les avait pu souffrir, il aurait été impossible d’y faire jamais rien paraître de plus beau, ni de plus surprenant. » 1658. […] Jamais homme ne s’est si bien su servir de l’occasion ; jamais homme n’a su si naturellement décrire ni représenter les actions humaines, et jamais homme n’a su si bien faire son profit des conseils d’autrui. » Il nous paraît superflu de faire remarquer au lecteur toute la malignité et la calomnie qui règne dans ce passage de M. de Visé. […] Lélie, en rendant une bourse qu’il a trouvée, en secourant un homme qu’on attaque, fait des actions de générosité plutôt que d’étourderie.

120. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. Pieces intriguées par un événement ignoré de la plupart des Acteurs. » pp. 192-198

Loin d’excuser un poëte qui manque à la vraisemblance dans ses avant-scenes, je le crois plus blâmable que celui qui la choque pendant l’action : il est bien plus le maître de ne pas choisir un sujet défectueux par lui-même, que d’en arranger à sa fantaisie les incidents, quand l’ouvrage est une fois en train.

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