Outre la Critique de l’École des Femmes, au mois de mai 1663, il avait donné, en octobre suivant, l’Impromptu de Versailles; nouvelles explications charmantes encore, mais évidemment cette fois écrites à la hâte pour faire taire les allusions. […] Dès 1664, les trois premiers actes du Tartuffe furent représentés à Versailles devant le roi. […] Qu’était-ce, cependant, que le rôle de don Juan, si non la critique devenue plus sérieuse de ces marquis déjà châtiés peu après son mariage (dans la Critique de l’École des Femmes, et dans l’Impromptu de Versailles) ? […] On les voyait courir, tout hagards, par mille souterrains, et même en plein soleil, assiégeant le Louvre, Versailles, debout à toutes les portes. […] Outre sa femme et Baron, ne forma-t-il pas un à un tous les acteurs de sa troupe, ainsi qu’on le voit dans l’Impromptu de Versailles ?
Ce fut encore pis dans la Comedie intitulée l’Impromptu de Versailles, qui fut representé pour la premiere fois devant le Roi à Versailles le 14. d’Octobre 1663. à Paris le 4. de Novembre de la même année. […] Il n’y avoit pas encore dix-huit mois qu’ils étoient mariez lorsque l’Impromptu de Versailles fut representé & Moliere tout rempli de ses chagrins domestiques, laissa échaper dans la premiere Scene quelques marques de la mesintelligence qui commençoit à se former dans son menage. […] Et l’on rapporte dans deux Livres de Remarques, que M. de Mauvillain & lui étant à Versailles au dîner du Roi, Sa Majesté dit à Moliere : Voilà donc vôtre Medecin : « Que vous fait il ? […] On sait que les trois premiers Actes de la Comedie du Tartuffe de Moliere furent representez à Versailles dès le mois de Mai de l’année 1664. […] La femme de Moliere alla sur le champ à Versailles se jetter aux pieds du Roi, pour se plaindre de l’injure que l’on faisoit à la Memoire de son Mari, en lui refusant la sepulture.
Un jour qu’on jouait par ordre, à Versailles, une pièce de Mme de Villedieu, — une aventurière fameuse par ses deux maris bigames et par ses duels, et qui avait été, en un temps, de la troupe même de Molière, — ce jour-là donc, Molière en verve improvisa à la pièce un prologue, où il fit un marquis ridicule qui voulait prendre place sur le théâtre malgré les gardes, — j’ai dit que chez le roi cela n’était pas toléré ; — et il eut une conversation comique avec une actrice qui fit la marquise ridicule, placée au milieu de la noble assemblée. — Quel dommage que ces impromptus n’aient pas été recueillis, comme ces autres fantaisies, aux titres affriolants, le Fagoteux, le Grand Benêt de fils aussi sot que son père, qui sont mentionnées dans le même temps, et où nous eussions surpris l’invention de Molière en déshabillé, et sa muse, comme dit la chanson, un pied chaussé et l’autre nu ! L’Impromptu de Versailles, du moins, nous est resté, cet impromptu, où, mettant brave ment les coulisses sur la scène et se livrant tout entier, poitrine ouverte, il fit si rude guerre à ses ennemis, osa parodier ses sacrosaints confrères et proclama, si haut et si fier, la supériorité de son art. […] On peut dire, j’en conviens, que pour être grand, l’honneur n’était pas très rare : et que le fils d’Arlequin aussi fut le filleul de Louis XIV ; on peut ajouter, je ne l’ignore pas non plus, qu’en protégeant Molière, Louis XIV, à qui échappait l’ampleur de son génie, avait en vue surtout l’infatigable inventeur d’intermèdes et de ballets, qui contribuait si admirablement à l’éclat des fêtes de Versailles ; mais quels qu’en fussent les motifs, cette protection du roi couvrant le comédien si venimeusement accusé fait honneur à tous deux : et la postérité ne doit pas trop la chicaner, puisque c’est à elle que nous devons cet éternel bienfait : à savoir, moins de trois mois après, l’apparition du Tartufe (mai 1664).
Entre la dette payée en toute hâte aux divertissements de Versailles ou de Chambord, et ses cordiales avances à la jovialité bourgeoise il trouvait du loisir pour des œuvres destinées au lointain avenir22. […] Mais, grâce au bon curé d’Auteuil qui accompagna la veuve de Molière à Versailles, lorsqu’elle alla se jeter aux pieds du roi, pour solliciter son intervention, il fut décidé qu’on accorderait « un peu de terre » aux restes du comédien, pourvu que le corps allât directement au cimetière Saint-Joseph, rue Montmartre, sans passer par l’église. […] Car La Mère coquette (1665) est postérieure à L’École des femmes et à L’Impromptu de Versailles, où ils ont été créés d’emblée par Molière, qui en fit les plaisants du jour. […] Le 5 août, trois actes parurent devant le roi, aux fêtes de Versailles, et le prince de Condé fit jouer toute la pièce au Raincy. […] Dans L’Impromptu de Versailles, Molière avait injurieusement nommé Boursault, sans que Louis XIV fronçât le sourcil.