Les ruses innocentes et les aveux naïfs d’Agnès sont pleins de charmes ; les confidences imprudentes du jeune amant à son rival inconnu, la rage concentrée du vieillard, tout concourt à former une suite de scènes comiques du genre à la fois le plus fin et le plus amusant. […] Je ne m’arrêterai pas à faire sentir combien il est improbable qu’Arnolphe, qui tient Agnès à ce point renfermée, s’entretienne souvent avec elle dans la rue ou sur une place publique. […] Horace donc devrait aller le chercher dans sa maison, et non pas devant la porte d’Agnès, où il le rencontre toujours sans que cette circonstance lui fasse concevoir aucun soupçon.
. — Et quand il fait agenouiller Arnolphe aux pieds d’Agnès, qu’il humilie devant cette petite fille toute la science de l’homme qui a vécu et toute la passion, quasi paternelle, de l’homme qui aime, et que la petite est impitoyable, et que c’est en vain qu’Arnolphe s’arrache un côté de cheveux, Molière ne veut pas qu’on s’attendrisse, et comme c’est lui qui joue le rôle « ses roulements d’yeux extravagants, ses soupirs ridicules, ses larmes niaises font éclater de rire tout le monde ». […] D’accord ; mais lui-même est pour beaucoup dans son malheur, Molière ne veut pas que nous l’oubliions, et pas plus qu’il n’entend nous faire pleurer quand il jette Arnolphe aux pieds d’Agnès, il ne veut nous indigner ni nous gonfler le cœur de pitié, lorsqu’au quatrième acte il met Alceste et Célimène aux prisés. […] distinguons : je ne le condamne qu’à faire rire, comme tous les jaloux de comédie, comme Arnolphe joué par Agnès, comme Bartholo joué par Rosine ; comme Georges Dandin enfin, qui l’a voulu !
L’Ecole des Femmes est dénouée par une reconnoissance ; mais le retour d’Enrique est si adroitement préparé, qu’en le nommant & en déclarant qu’il est le pere d’Agnès, on met fin à tous les débats d’Arnolphe & d’Horace.
Si je n’avois pas d’armes assez fortes pour combattre les ennemis des aparté, je pourrois alléguer que le spectateur va à la comédie dans le dessein de se prêter aux aparté, ainsi qu’aux différentes illusions qu’il est obligé de se faire pour sa propre satisfaction ; comme de prendre une toile pour une ville, pour un jardin, pour un palais magnifique ; une actrice vieille & laide pour Vénus, ou l’une des Graces ; un tel comédien pour un héros en tendresse, en délicatesse, en bravoure ; & Mademoiselle une telle pour une Agnès, tandis que, malgré son énorme panier, nous voyons clairement le contraire.