J’en appelle à tous les âges, à tous les états : la chanson n’est-elle pas la source des plus douces jouissances ? […] C’est, si je puis m’exprimer ainsi, un écho qui se répète d’un siècle dans un autre, et qui se prolonge à travers la succession des âges. […] Lorsque tous les rangs se mêlent, lorsque toutes les distinctions s’effacent, on doit bientôt parler d’égalité, de loi naturelle ; aussi, en suivant les comédies du temps, voyons-nous des imaginations exaltées rêver, dans un siècle corrompu, les perfections chimériques de l’âge d’or.
Envain mille jaloux esprits, Moliere, osent avec mépris Censurer ton plus bel Ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la posterité.
On pourrait écrire de lui ce que l’on a jadis écrit d’Homère : « Et depuis trois cents ans, Molière respecté Est jeune encore de gloire et d’immortalité. » Il est peut-être même, avec La Fontaine, le seul de nos écrivains que comprennent et goûtent les lecteurs de tous milieux et de tous âges. […] Les heurts incessants entre notre caractère, nos passions, notre âge, notre condition ; l’incohérence des actes résultant de ce conflit où se débat notre faiblesse, voilà certes ce qui fait la bouffonnerie de la vie : l’homme y apparaît comme une marionnette aux gestes maladroits et sans cesse contradictoires à ce que la saine raison commande. […] Pour lui toute celte question se résume en deux points : la loi de nature et la loi morale s’unissent pour exiger une double condition : la parité d’âge et de milieu social d’une part ; la communauté de goûts et d’humeur de l’autre.
Mademoiselle de Brie fut chargée du rôle d’Agnès, et le conserva, dit-on, jusqu’à l’âge avancé où elle se retira du théâtre, parce que le public n’y voulut jamais souffrir une autre actrice qu’elle. […] Arnolphe a quarante-deux ans seulement : Molière a marqué son âge, afin qu’on ne s’y méprît pas5. Cet âge était précisément celui qu’avait Molière lui-même à cette époque ; et ce qui ajoute à la singularité de ce rapport qui n’est sûrement pas fortuit, c’est qu’amoureux et jaloux presque autant qu’Arnolphe, il venait d’épouser la Béjart, qui était presque aussi jeune qu’Agnès, mais, à la vérité, n’était pas aussi ingénue. […] S’il était vieux, imbécile et maussade, l’aversion d’Agnès pour lui serait toute naturelle, et il n’en résulterait aucune leçon ; mais il est dans la force de l’âge ; il est homme d’esprit et homme du monde : son infortune alors ne provient que de son faux calcul, et elle en est la juste punition. […] Ce fut le 1er janvier 1663 que Molière reçut de son ami les stances qu’on va lire : En vain mille jaloux esprits, Molière, osent, avec mépris, Censurer son plus bel ouvrage : Sa charmante naïveté S’en va pour jamais, d’âge en âge, Divertir la postérité.
Molière avait alors trente-quatre ans ; c’est l’âge où Corneille fit le Cid. Il est bien difficile de réussir avant cet âge dans le genre dramatique, qui exige la connaissance du monde et du cœur humain. […] Il engagea le jeune Racine, qui sortait de Port-Royal, à travailler pour le théâtre dès l’âge de dix-neuf ans. […] Cela seul fait peut-être voir que le théâtre des anciens (d’ailleurs à jamais respectable) est par rapport au nôtre, ce que l’enfance est à l’âge mûr. […] L’auteur de Cinna fit à l’âge de 67 ans cette déclaration de Psyché à l’Amour qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.
L’Aurore chante, en ouvrant le jour qui verra se dénouer les amours de la Princesse d’Elide 620 : Quand l’amour à vos yeux offre un choix agréable, Jeunes beautés, laissez-vous enflammer ; Moquez-vous d’affecter cet orgueil indomptable Dont on vous dit qu’il est beau de s’armer : Dans l’âge où l’on est aimable, Rien n’est si beau que d’aimer. […] quand l’âge nous glace, Nos beaux jours ne reviennent jamais. […] On peut citer encore le prologue de Psyché : Est-on sage Dans le bel âge, Est-on sage De n’aimer pas ? […] La beauté passe : Le temps l’efface ; L’âge de glace Vient à sa place Qui nous ôte le goût de ces doux passe-temps650.
La gloire qu’il voyait prochaine, le génie dont il avait conscience, ne sauraient-ils compenser, pour un jeune cœur facile à l’enthousiasme, ce que l’âge lui avait enlevé ? […] L’âge de Marie Hervé, se donnant, à soixante-sept ans, comme mère d’une fille de vingt, était pour éveiller l’attention, et, certainement, le clergé de Saint-Germain-l’Auxerrois ne se contenta pas d’une simple déclaration verbale. […] On invoque des analogies ; ainsi l’histoire d’Agnès, remarquée par Arnolphe dès l’âge de quatre ans, obtenue par lui d’une mère pauvre et par ses soins élevée. Voilà, dit-on, Armande prise par Molière aux Béjart, vers le même âge, et confiée dans le Languedoc aux soins d’une honnête et sûre famille. […] Je me moque de cela et ne veux point mourir si jeune… Je veux jouir, s’il vous plaît, de quelque nombre de beaux jours que m’offre la jeunesse, prendre les douces libertés que l’âge me permet, voir un peu le beau monde et goûter le plaisir de m’ouïr dire des douceurs. » Ces deux passages rappellent ce que nous apprend Grimarest du ménage de Molière.
Le nom d’Agrippa fut joint à celui de Théodore, non, comme on l’a tant de fois répété, parce que sa mère était morte en lui donnant le jour, et qu’il était ægrè partus, mais par l’analogie de sa condition de posthume et de proscrit avec celle du Romain Marcus Julius Agrippa, surnommé le posthume, lequel fut proscrit par Tibère et tué à l’âge de vingt-six ans : cet Agrippa était petit-fils d’Auguste et le dernier de sa descendance mâle ; le père de d’Aubigné voulut que son nom rappelât à son fils sa propre condition et son serment. […] Monmerqué, et qu’il acquiesce à mes, observations, je devrai cette satisfaction à un mérite que je n’ai la dureté de souhaiter à personne, mérite qui ne conviendrait point à des hommes dans l’âge de produire, et ne sied qu’à la vieillesse : c’est la patience. […] Suivant Auger, Scarron n’aurait épousé Françoise d’Aubigné qu’en 1658, à l’âge de 23 ans, puisqu’il suppose que Scarron, mort en 1660, mourut 2 ans après son mariage.
Son pere ayant en vuë qu’il continuât son commerce, & lui destinant sa Charge, dont il eut même la survivance dans un âge peu avancé, le laissa jusqu’à quatorze ans dans sa boutique, & se contenta de lui faire apprendre à lire & à écrire pour les besoins de sa profession. […] Quand le jeune Pocquelin eut achevé ses études, il fut obligé, à cause de l’âge avancé & du peu de santé de son pere, d’exercer sa Charge de Tapissier Valet-de-Chambre pendant quelque tems, & même il fit le voyage de Narbonne à la suite de Louis XIII. […] Février 1673. qu’il termina ses jours, étant dans la cinquante-troisiéme année de son âge.
Est-ce qu’ils n’en demandent pas à leur mère, à leur sœur, à toutes leurs tantes, et, lorsque ces charmantes femmes leur ouvrent leur bourse, elles se disent : il y a quelque chose là-dessous, c’est de son âge. […] Est-ce qu’en voyant d’un côté cet Horace qui n’a qu’à se montrer pour être aimé et de l’autre Arnolphe qui a passé l’âge de plaire et qui n’y songe même plus, le secret de la comédie ne se manifeste pas à vos yeux ? […] L’âge n’a pas encore éteint chez Arnolphe, il voudrait le faire croire, les tendresses et les transports. […] C’est précisément l’âge d’Arnolphe qui les préoccupe le moins, et ils trouvent à Arnolphe tous les torts, excepté celui-là.
Je lui ai répondu avec fermeté, qu’à mon âge on ne pouvait faire ombrage a un esprit bien fait ; que ma conduite, dont elle avait été témoin dix ans de suite, démentait tous ses soupçons ; que j’avais si peu songé au dessein qu’elle me prêtait, que je l’avais souvent priée de m’obtenir la permission de me retirer ; que je ne souffrirais plus désormais ses hauteurs, que ses inégalités abrégeaient mes jours par les chagrins qu’elles me causaient — Et qui vous retient ici ? […] « À quarante-cinq ans, dit madame de Maintenon, il n’est plus temps de plaire, mais la vertu est de tous les âges… Il n’y a que Dieu qui sache la vérité… Je le renvoie toujours affligé, jamais désespéré. […] Cette mort, la retraite pieuse qui l’avait précédée, et qui rappelait celle de madame de La Vallière, l’âge, la réflexion dont le roi prenait l’habitude avec madame de Maintenon, le jetèrent dans une tristesse profonde et suspendirent le cours de ses dérèglements. […] J’écris pour les historiens, et je me crois plus obligé à une exactitude scrupuleuse que si j’étais historien moi-même ; or il est de fait que je n’ai trouvé aucun document historique sur le personnel de madame de Maintenon à l’âge de quarante-cinq ans ; mais comme j’aime autant qu’un autre à me la figurer agréable, j’emprunterai ici la peinture que madame de Genlis en a faite : j’aimerais à la croire vraie, quoique je sois eu droit de la regarder comme un ouvrage d’imagination.
Ils ont entre eux ces rapports communs que produit la conformité d’âge, de sexe ou de condition ; mais ils ont en même temps ces différences individuelles qui distinguent tous les êtres créés. […] Par le style, il faut entendre ici, non pas le langage propre à chaque personnage, suivant son âge, son sexe, sa condition et son caractère donné, mais la diction même de l’auteur, appliquée à l’ensemble de ses productions. […] On a dit que l’aspect d’une horloge avait révélé à Vaucanson, dans son jeune âge, qu’il était né pour la mécanique. […] Godemer alors se récrie ; il allègue la longue possession et son grand âge : qu’a-t-il fait, d’ailleurs, pour mériter une telle humiliation ? […] Entre Molière, né en 1622, et sa femme, née vers 1645, il y avait une différence d’âge d’environ vingt-trois ans.
Et comme si cette déclaration des droits de la femme n’avait pas assez de poids dans la bouche d’une suivante, Molière fait répéter le même plaidoyer par un homme sérieux, qui porte dans son discours l’élévation de son âme et l’autorité de son âge : Elle a quelque raison en ce qu’elle veut dire. […] En somme, la juste appréciation de l’École des Femmes est celle qu’exprimait Boileau dans les Stances qu’il envoyait à Molière pour ses étrennes de 1663, quatre jours après la première représentation336 : En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer ton plus bel ouvrage ; Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Divertir la postérité.
Autrefois il eût fait une exception pour l’amour… il n’en veut plus depuis qu’il s’est enfoncé dans l’âge mûr et que tout le monde s’en mêle. — « Ah ! […] mais c’est un âge qui n’est pas dans le calendrier ! […] Ainsi crient-ils ; demandez-leur cependant, à ces difficiles, quel âge ils ont en effet, eux qui parlent ? […] L’âge mûr est le creuset de tes mérites, et le monde, étonné de tes cheveux blancs, va savoir enfin ce que tu vaux par toi-même, ou si vraiment tu étais assez bien doué pour atteindre à la palme ardue et difficile ! […] au même instant, dans la tour du Temple, à côté de son père, de sa mère, de son frère enfant, était enfermée une jeune fille de quinze ans, — l’âge de la jeune débutante !
Son nom fut Jean-Baptiste Poquelin ; il était Parisien, fils d’un Valet de Chambre Tapissier du Roi, et avait été reçu dès son bas âge en survivance de cette Charge, qu’il a depuis exercée dans son quartier jusques à sa mort. […] Enfin en 1673 après avoir réussi dans toutes les Pièces qu’il a fait représenter, il donna celle du Malade imaginaire, par laquelle il a fini sa carrière à l’âge de cinquante-deux ou cinquante-trois ans.
Aurelia quitta le théâtre en 1683 : elle vécut jusqu’à l’âge de quatre-vingt-dix ans et mourut en 1703, époque où Mademoiselle Belmont, femme de son petit-fils, se souvenait d’avoir vu, dans son lit, toujours et extrêmement parée, l’ancienne favorite de la reine Anne d’Autriche. […] Domenico Biancolelli mourut en 1688, à l’âge de quarante-huit ans, dans les circonstances suivantes : « Le sieur Beauchamp, maître à danser de Louis XIV et compositeur de ses ballets, avait dansé devant S.
Mais il faut toujours aussi qu’il soit d’accord avec l’âge, l’état et la condition des individus. […] Si vous voulez que vos noms soient répétés d’âge en âge, prenez toujours pour modèle de vos compositions la nature et la vérité : elles seules peuvent leur assurer un rang durable et distingué.
Il ne connut point les infirmités de l’âge, et il mourut d’apoplexie, à Paris, le 31 décembre 1777 dans sa 77ème année.
Mon assujettissement aux dates des faits, aux âges des personnes, à la nomenclature des ouvrages ; ma division en périodes, qui fait revenir souvent les mêmes noms sans autre motif que d’en présenter une revue à différentes époques, tout cela est très fastidieux ; et cependant comme mon but était de prouver que les notions généralement reçues confondaient des personnes, des choses sans relation, uniquement parce qu’on n’avait pas démêlé les temps de leur existence, j’ai voulu rendre aux amateurs d’histoire le service de remettre les choses en leur temps et les personnes à leur place.
Il fut Parisien jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans et par conséquent le resta toujours. […] Ce sont choses qui compensent souvent dans l’esprit des femm.es la différence de l’âge. […] Ce vice est plutôt l’effet de l’âge et de la complexion des vieillards qui s’y abandonnent aussi naturellement qu’ils suivaient les plaisirs dans leur jeunesse ou leur ambition dans l’âge viril. […] C’est Don Juan à différents âges. […] Car Alceste et Philinte sont le même personnage à deux différents âges.
que nous sert d’avoir du bien s’il ne nous vient que dans le temps que nous ne serons plus dans le bel âge d’en jouir, & si, pour m’entretenir même, il faut que maintenant je m’engage de tous côtés ; si je suis réduit avec vous à chercher tous les jours les secours des Marchands, pour avoir moyen de porter des habits raisonnables ? […] Cette grande roideur des vertus des vieux âges Heurte trop notre siecle & les communs usages ; Elle veut aux mortels trop de perfection.
Dès l’âge de 19 ans, il lui fit composer la tragédie de Théagène et Cariché, et quoique cette pièce fût trop faible pour être jouée, il fit présent au jeune acteur de cent louis, et lui donna le plan des frères ennemis. […] La disproportion d’âge, et les dangers auxquels une comédienne jeune et belle est exposée, rendirent ce mariage malheureux, et Molière tout philosophe qu’il était d’ailleurs, essuya dans son domestique les dégoûts, les amertumes et quelquefois les ridicules qu’il avait si souvent joués sur le théâtre.
Ce fut chez la maréchale d’Albret que madame de Montespan, mariée en 1663, à l’âge de 22 ans, fit connaissance avec madame Scarron. […] Mariée à l’âge de 17 ans avec un homme riche, spirituel et fort répandu ; belle, spirituelle elle-même et bien élevée, sa société fut bientôt recherchée.
D’après ce principe, auquel Molière n’a jamais manqué (j’excepte quelques raisonneurs, personnages sans action, et bornés à des discours moraux), madame Jourdain, toute sensée qu’elle est, a pour tant certaines prétentions qui le sont assez peu : mère d’une grande fille à marier, elle se fâche de ce qu’on lui parle de son jeune âge comme d’une chose passée, et elle demande avec aigreur, si c’est que la tête lui grouille déjà . […] Cette fable est aussi très ancienne, car on la trouve empreinte dans de nombreux monuments des arts de la Grèce, qui appartiennent à l’âge reculé de leur plus grande perfection. […] « Ce génie mâle, dit Voltaire, que l’âge rendait sec et sévère, s’amollit pour plaire à Louis XIV. L’auteur de Cinna fit, à l’âge de soixante-cinq ans, cette déclaration de l’Amour à Psyché, qui passe encore pour être un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre. » Fontenelle convient, avec tout le monde, que jamais Corneille n’exprima avec autant de douceur les doux emportements de l’amour ; mais, ne laissant échapper aucune occasion de témoigner sa haine contre Racine, il prend le parti de ravaler un genre de sentiments que ce poète excellait à rendre, afin de le déprimer lui-même, et il prétend que, si Corneille réussit une fois dans ce genre qui n’était pas le sien, et qu’il dédaignait, c’est qu’ étant à l’ombre du nom d’autrui, il s’abandonna à un excès de tendresse dont il n’aurait pas voulu déshonorer son nom .
Sophie étoit lors en bas âge ; Et son pere, pour héritage, N’avoit à lui laisser qu’un fonds très décrié, L’amitié d’un parent. […] De sa jeune pupille il prétend faire un sage, Qui, renonçant au mariage, Dans sa retraite de hibou, Perde, à philosopher, le plus beau de son âge, Et prenne, au lieu d’amour, de l’ennui tout son soul.
Orpheline depuis l’âge de 5 ans, élevée par un oncle respectable, instruite par Ménage, mariée à 18 ans, veuve à 26, retirée pendant deux années qu’elle emploie à l’éducation de ses enfants et à l’arrangement de leur fortune, sachant le latin, l’espagnol, l’italien et la littérature, ses premiers pus dans la société se tournent vers l’hôtel de Rambouillet ; la marquise, âgée, isolée par le mariage de sa fille, désolée de la mort de son mari et de celle d’un fils de 31 ans arrivées à un an de distance, fut la première personne dont madame de Sévigné, belle, brillante de jeunesse, d’esprit et de savoir, rechercha la société et ambitionna la confiance. […] » Le 7 octobre 1655, à propos de l’estime que M. de Turenne lui avait témoignée pour elle : « … Il faut que je vous dise, madame, que je ne pense pas qu’il y ait au monde une personne si généralement estimée que vous… On s’accorde à dire qu’il n’y a point de femme de votre âge plus vertueuse et plus aimable que vous.
“Sire, lui dit Arlequin, il faut avoir un peu de patience, les garçons changent de conduite en avançant en âge. […] — Fort. — Quel âge a-t-elle ?”
Et d’abord, quand on a lu Le Misanthrope, Tartuffe et Les Femmes savantes, on a peine à comprendre les critiques que Fénelon et La Bruyère ont faites du style de Molière, et on ne se les explique qu’en les rapportant à ses premiers essais ou, dans les œuvres de son âge mûr, au langage populaire qu’il a dû mettre, pour être vrai, dans la bouche de quelques vauriens de bas étage. […] On ne finirait pas, on ne se lasserait pas non plus, si l’on voulait tirer de ce livre unique, qui amuse l’enfance, qui instruit l’âge mûr, qui console la vieillesse, tous les trésors de morale et de poésie qu’il renferme. […] Ils sont bien de leur pays et de leur temps, mais ils conviennent à tous les lieux et à tous les âges.
Le XIIe siècle, qui est, pour la littérature provençale, avec le XIIIe, l’âge d’or de la poésie lyrique, marque, dans le nord, l’avènement littéraire de la langue parlée. […] Le XVe siècle fut peut-être l’âge le plus critique de la langue française. […] Je ne prétends donc point chercher ce qu’aurait produit notre génie dramatique si, au lieu de raviver la cendre d’Agamemnon ou la poussière des Sosie et des Dave, il se fut consacré à perpétuer les souvenirs héroïques de l’histoire nationale ou à peindre les mœurs de notre société à ses divers âges. […] La comédie, qui n’est rien si elle n’est pas une peinture des mœurs, se fit gloire à son tour de n’être qu’une copie de l’antique : « N’attendez donc en ce théâtre, dit un prologue de Grevin en 1558, Ni Farce ni Moralité, Mais seulement l’antiquité, Qui d’une face plus hardie Représente la Comédie. » Partant de là, Grevin et ses congénères ou successeurs crurent imiter Plaute et Térence en remplissant leurs pièces de filles enlevées en bas âge et reconnues ensuite, de déguisements et de surprises, sans compter les magiciennes, les capitans, les naufragés qui reparaissent à propos, les occis qui ne sont jamais morts, les bourses enfouies qui sont toujours découvertes, les intrigues doubles ou triples s’emmêlant les unes dans les autres, et tout l’imbroglio emprunté à la comédie italienne.
Les intérêts généraux de la Société, les droits de la Famille, toutes ces idées morales pour lesquelles les hommes de l’âge héroïque avaient combattu, qui combattaient en eux, et dont la lutte plus qu’humaine est l’essence du tragique, furent reléguées à l’arrière-plan sur le théâtre comme dans la vie. […] Dans l’âge d’or de la poésie, dans l’âge héroïque, il n’y avait point de police, point d’armée, point de gouvernement. […] Ce n’est pas par une fantaisie aristocratique que Shakespeare met habituellement des princes sur la scène, c’est par une nécessité de l’art, c’est afin d’avoir des figures indépendantes ; et pour cela il ne suffit pas de prendre des princes, il faut encore les tirer du fond des âges fabuleux de la vieille Europe. […] Le temps où vivent Gœtz et Franz de Sickingen est cet âge héroïque du monde chrétien qui s’appelle la féodalité. […] Les monarques de nos jours ne forment plus, comme les héros des âges mythologiques, la tête vivante d’une société qu’ils dirigent, mais un centre plus ou moins abstrait, environné d’institutions façonnées et fixées par des lois et par une constitution.
Ni sous le rapport de l’action, ni sous celui du dialogue, les deux farces du Barbouillé et du Médecin volant ne seront jugées indignes de Molière par aucun de ceux qui voudront bien considérer à quelle époque, à quel âge et pour quelle destination il les a composées.
Je consens à croire que les contemporains découvriraient dans ces admirables compositions des allusions, des portraits qui sont perdus pour nous ; mais le plus grand mérite de Molière est d’avoir mis constamment la vérité humaine, c’est-à-dire la vérité de tous les âges, au-dessus de la vérité locale et passagère. […] Arnolphe, dans la pensée de Molière, est un homme très digne d’estime, très digne d’affection, dont le seul travers est d’oublier son âge et de croire qu’une fille de seize ans peut aimer un homme de quarante ans. […] Ils iront peut-être jusqu’à demander si on les prend pour des écoliers ; ils ne sont plus d’âge à recevoir des leçons, et comprennent mieux que personne l’ancien répertoire.
M. le Marquis de Lon... sans faire attention à son âge, s’étoit flatté d’écarter bientôt tous ses rivaux. […] Est-il naturel que Darviane soit parvenu à son âge sans s’opiniâtrer à découvrir quels sont les auteurs de ses jours, & qu’il se soit cru tout bonnement le neveu de sa mere ?
Nous espérons prouver encore par-là que les successeurs les plus célebres de Moliere sont ceux qui ont imité davantage leurs prédécesseurs, & que tous ont été plus ou moins applaudis, à mesure qu’ils se sont plus ou moins rapprochés de Moliere, le premier Poëte comique de tous les âges & de toutes les nations ».
Je sais que la traversée des âges produit sur les chefs-d’œuvre le même effet que la traversée des Indes sur le bon vin ; ce qu’ils ont d’imperfections se dépose ; ils y gagnent cette saveur unique et ce bouquet d’immortalité qui font que, quand on en débouche une bouteille, je veux dire quand on en joue un quelque part, les douze ou quinze cents personnes appelées à la dégustation se recueillent dans un même sentiment de religion et de bien-être. Mais il n’est pas défendu pourtant d’aimer le vin dans sa nouveauté, et je crois qu’il serait bon, si i c’était possible, de remonter les âges et d’écouter la comédie de Molière avec les oreilles de ses contemporains, de façon à la juger avec la même vivacité que si nous ne l’avions jamais entendue. […] C’est la meilleure de celles qu’a aimées Molière ; c’est le refuge de ses péchés et de ses peines ; si douce et si paisible, qu’à son âge, elle joue Agnès au naturel et qu’à soixante ans, quand elle voudra cesser de le jouer, le public refusera d’y entendre la du Croisy et ira lui-même, à grands cris, chercher la de Brie pour lui rendre la vraie Agnès. […] Et en chemin nous heurtons le jeune Despréaux, qui, déjà, l’air satisfait, s’en va monologuant les vers que cinq jours plus tard il enverra pour étrennes à Molière : En vain mille jaloux esprits, Molière, osent avec mépris Censurer ton plus bel ouvrage, Sa charmante naïveté S’en va pour jamais d’âge en âge Enjouer la postérité…… Voilà à peu près comme on peut se figurer la première de l’École des Femmes. […] Arnolphe a l’âge de Molière ; il est le tuteur d’Agnès ; il l’aime ; il est jaloux ; il n’est pas aimé : cela. suffit : Arnolphe est Molière ; et sans doute Agnès est Armande, et, car il faut être logique, Horace, cet Horace qu’avec tant d’impartialité, Molière a fait si charmant, Horace, ce sera cet impertinent abbé de Richelieu qui fut la première infidélité d’Armande.
En pareil cas, et même de nos jours, les juges de paix ne mettent point en doute la déclaration du père tuteur ou de la mère tutrice ; ils ne réclament point la production des actes de naissance des enfants ; ils s’en remettent au conseil de famille du soin de s’édifier quant à l’âge de ces derniers s’il le juge à propos. […] Comment des étrangers auraient-ils pu savoir à un an près l’âge de tant d’enfants ? […] Bien différents étaient ceux que rédigeaient les notaires et les officiers de judicature, surtout quand l’âge des parties était un élément de leur validité ; autrement les intérêts des tiers auraient souvent été compromis. […] Pense-t-on que les chancelleries accordassent des lettres d’émancipation sans s’être éclairées sur l’âge et la capacité des impétrants ? […] Elles sont assez anodines ; un acteur d’âge mûr, ayant une jeune et jolie femme, devait nécessairement être exposé à ce genre de plaisanterie.
Baron avait un ajustement recherché pour son âge, puisque je lis : C’est un étrange fait du soin que vous prenez, À me venir toujours jeter mon âge au nez, Et qu’il faille qu’en moi sans cesse je vous voie blâmer l’ajustement […] Baron prenait un ton doux, affable, caressant, puisque je lis : Éh ! […] Le lieu de la scène. — Bien choisi ; où peut-on amener des originaux de tout âge, de tout sexe, plus naturellement que chez une coquette du grand monde ? […] finissez, ou je vous siffle. — À votre aise, mon cher parterre ; si votre grand-papa vous entendait, il vous trouverait bien bambin pour votre âge. […] Je ne veux pas trahir son secret en vous disant au juste son âge, mais il n’est pas de la dernière édition, et l’amant de Lucile a tout au plus trente ans ; pourquoi gâter un rôle dont les meilleurs acteurs ont senti toutes les difficultés, même à la fleur de leur âge ? […] quand la gloire les attendait peut-être au premier rôle propre à leur âge, pour couronner leurs vieux jours d’une palme méritée.
En quel âge du monde se passa ceci ? […] Il instruit, par exemple, sa fille Olivette dans l’art du jardinage : « Comment, à ton âge, grande comme te voilà, et ma foi !
L’homme approche-t-il de cet âge qu’on a la bonté d’appeller l’âge de raison, il imite le bon paysan qui lui montre à cultiver la terre, ou son maître à danser, son maître d’armes, &c. […] Nous espérons prouver encore par-là que les successeurs les plus célebres de Moliere sont ceux qui ont imité davantage leurs prédécesseurs ; que leurs meilleures pieces sont celles où l’on voit un plus grand nombre d’imitations, & que tous ont été plus ou moins applaudis, à mesure qu’ils ont plus ou moins imité Moliere, le premier Poëte comique de tous les âges & de toutes les nations.