/ 135
20. (1922) La popularité de Molière (La Grande Revue)

De son vivant, malgré bien des attaques, il fut jugé le premier auteur de son siècle par le plus sévère et le meilleur des juges, et, si au xviiie  siècle, sa gloire subit en France quelque obscurcissement, elle brilla d’un plus vif éclat au xixe . […] Je ne m’attacherai qu’à celles qui intéressent particulièrement notre objet, c’est-à-dire à celles qui sont susceptibles d’agir efficacement sur la foule des spectateurs, d’influencer les impressions de ces juges souverains, peu raffinés sans doute, mais de sage jugement, qui constituent le gros public.

21. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « [Introduction] » pp. 1-4

Je comparerois volontiers cette espece de prestige que l’une & l’autre exercent sur nous, à l’artifice des lunettes d’approche qui efface la distance des objets, & qui met en état d’en recevoir une impression si vive & si distincte, que, comme c’est par cette distinction & cette vivacité que je juge de leur proximité, je crois voir la lune au bout du télescope au travers duquel je l’apperçois : il ne fait que la placer à la portée de mes yeux ; &, après cela, c’est la lune elle-même que j’observe, c’est sa lumiere qui agit sur moi, & quelquefois si fortement, que j’en suis ébloui.

22. (1910) Rousseau contre Molière

Solliciter un juge ! […] — Aucun juge par vous ne sera visité ? […] Hors d’état d’être juges elles-mêmes, elles doivent recevoir la décision des pères et des maris comme celle de l’Église.  […] On croit généralement que la postérité est le juge sans appel et le juge infaillible. Elle est le juge sans appel, mais point du tout le juge infaillible, et ce n’est pas toujours par ce qu’on a de meilleur que I’on réussit auprès d’elle.

23. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXI. De l’Amour. » pp. 367-384

Si vous me donnez de pareils juges, je les récuse. […] Voilà l’essentiel : que le lecteur en juge.

24. (1858) Molière et l’idéal moderne (Revue française) pp. 230-

Je ne puis quitter Alceste sans contempler cette scène où un juge suppliant et tremblant, quoique furieux, demande grâce en pleurant à une accusée qui se moque de lui. […] Dans celle grande page de notre histoire, nous voyons le juge qui a mis la coupable au défi de se justifier, nous le voyons la supplier de vouloir bien le faire, et celle-ci refuse, et celui-là lui pardonne et la remercie.

25. (1819) Notices des œuvres de Molière (II) : Les Précieuses ridicules ; Sganarelle ; Dom Garcie de Navarre ; L’École des maris ; Les Fâcheux pp. 72-464

Des injures un peu grossières et des plaisanteries un peu bouffonnes donnent au langage même de Sganarelle une couleur, pour ainsi dire, scarronesque ; ce qui n’a pas empêché les meilleurs juges, et Voltaire entre autres, de reconnaître que le style du Cocu imaginaire l’emporte de beaucoup sur celui des précédents ouvrages de Molière. […] On juge de son trouble, de son désespoir, de l’horreur qu’elle se fait à elle-même ; mais elle appuie si fortement sur la nature du crime, elle en développe si complaisamment toutes les circonstances, que ses remords finissent par devenir presque aussi scandaleux que l’action même qui les a produits. […] On va voir maintenant ce que La Fontaine disait de Molière à une époque où les meilleurs juges ne le considéraient peut-être encore que comme un auteur de farces, un peu plus divertissant que les autres.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIV. Des Tableaux. » pp. 422-425

Il est bon de mettre sous les yeux de mes juges la fin de la scene qui précede le tableau dont il est question.

27. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XX » pp. 215-219

L’imputation fut reconnue fausse par la suite ; mais personne à la cour n’était juge des preuves sur lesquelles le roi se décida au renvoi de madame de Navailles ; bien d’autres y auraient été trompés, et, certes, le fait était grave.

28. (1706) Lettre critique sur le livre intitulé La vie de M. de Molière pp. 3-44

Peut-être ne serez-vous point content de mon jugement ; car le Livre sur lequel vous voulez que je le porte, a ses Partisans, les Journaux en ont dit du bien ; mais tout cela ne m’impose point, et je juge, selon l’effet qu’un Ouvrage fait sur mon esprit. […] Pour moi, je n’en juge que par le bruit public : on accuse l’Auteur de n’avoir pas dit tout ce qu’il devait, ou du moins tout ce qu’il pouvait dire : et dès que je suis prévenu sur cela, je ne saurais être content de l’Auteur, qui devait tout dire ou se taire.

29. (1705) La vie de M. de Molière pp. 1-314

On en jugea dans ce temps-là, comme on en juge en celui-ci. […] À Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] Quelque succès qu’eût le Tartuffe pendant qu’on le joua après l’ordre du Roi, cependant la Femme juge et partie de Montfleury fut jouée autant de fois au moins dans l’Hôtel de Bourgogne. […] Tout le monde sait combien les bons Juges, et les gens du goût délicat se récrièrent contre ces deux pièces. […] La Femme Juge : 203 Les Femmes savantes : 270 et suiv.

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VI. Des Prologues. » pp. 118-138

Plaute, dans quelques-uns de ses prologues, sollicite pour les acteurs la bienveillance des Juges, la faveur du Peuple, tel que celui du Pseudole : dans les autres, il parle pour son intérêt, en exposant aux auditeurs le sujet de la piece ; c’est même sa méthode la plus ordinaire, & celle qu’il a mise en usage dans le prologue des Captifs, du Pænulus, des Menechmes, &c. […] Le parterre est une assemblée de gens d’esprit, qui sont les juges nés de toutes les pieces nouvelles.

31. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE II. Des Comédies Héroïques. » pp. 9-29

Vous êtes notre juge, il faut vous adoucir. […] Je m’en recuse donc, afin de vous donner Un juge que sans honte on ne peut soupçonner ; Ce sera votre épée & votre bras lui-même.

32. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

Cet ouvrage, où la prose et les vers, la narration et le dialogue sont mêlés, est véritablement une apologie ; il a bien aussi la forme d’une dispute où L’École des femmes est alternativement louée et critiquée ; mais Apollon, pris pour juge du différend, prononce un arrêt en faveur de la pièce. […] On a oublié depuis longtemps La Critique du Légataire, par Regnard ; La Critique du Philosophe marié, par Destouches ; Le Procès de la Femme juge et partie, par Montfleury ; on lira toujours avec plaisir La Critique de l’École des femmes, monument ingénieux d’une juste vengeance, image piquante et vraie d’une conversation où la raison et la folie, l’esprit et la sottise, l’instruction polie et le savoir pédantesque, semblent étaler à l’envie leurs grâces et leurs ridicules, et se faire mutuellement valoir par le contraste. […] Son fils, Antoine-Jacob Montfleury, auteur de La Femme juge et partie, a laissé de meilleurs titres. […] Montfleury fils, qui n’avait point encore fait La Femme juge et partie, donna L’Impromptu de l’hôtel de Condé 7, comédie en un acte et en vers, où un personnage, nommé Alcidon, contrefait Molière, à son tour, dans le rôle de César, de La Mort de Pompée.

33. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Lorsque Pascal écrivait aux jésuites : « Vous avez bien mis ceux qui suivent vos opinions probables en assurance du côté des confesseurs, mais vous ne les avez point mis en assurance du côté des juges, de sorte qu’ils se trouvent exposés au fouet et à la potence en suivant vos probabilités » ; lorsqu’il ajoutait : « Obligez les juges d’absoudre les criminels qui ont une opinion probable, à peine d’être exclus des sacrements, afin qu’il n’arrive pas, au grand mépris et scandale de la probabilité, que ceux que vous rendez innocents dans la théorie, soient Fouettés ou pendus dans la pratique9 » ; quand Pascal flagellait ainsi les jésuites, il s’armait d’une sanglante ironie, mais certes il n’y mettait pas de gaieté ; il n’y a donc point là de comique. […] Ces pédantes, parce qu’elles savent « citer les auteurs et dire de grands mots, » prétendent être, « par leurs lois, les juges des ouvrages » ; elles font des « règlements » nouveaux et des « remuements » dans la littérature. […] Je serai pour Molière un juge sans faiblesse ; je saurai voir et montrer ses défauts ; mais je ne veux fermer ni mes yeux ni ma bouche sur ses qualités. […] Mais il n’y en a pas du tout dans ses discussions interminables avec l’ennuyeux Philinte84, et, pour citer encore une fois, une dernière fois, Les Femmes savantes, il n’y en a pas davantage dans ce programme où elles affichent trop naïvement leur ridicule : Nous serons par nos lois les juges des ouvrages.

34. (1821) Notices des œuvres de Molière (VI) : Le Tartuffe ; Amphitryon pp. 191-366

Dans l’impossibilité de les distinguer, les juges ordonnent qu’ils soutiendront, l’un après l’autre, contre la femme, objet de leur contestation, un certain genre de combat dans lequel le vrai mari passe pour être d’une valeur peu commune. […] Celui qui fit l’annonce, la veille que cette pièce devait être représentée, dit au parterre : Messieurs, Le Juge (c’était le nom de la pièce) a souffert quelques difficultés. […] Les auteurs si exacts de l’Histoire du Théâtre-Français n’osent l’assurer ; mais Voltaire l’affirme, et il prétend même que La Critique du Tartuffe était donnée, sur le théâtre de l’Hôtel de Bourgogne, à la suite de La Femme juge et partie, comédie de Montfleury, dont le succès, dit-il, balançait celui du Tartuffe.

35. (1874) Leçon d’ouverture du cours de littérature française. Introduction au théâtre de Molière pp. 3-35

La seconde partie de la pièce, le second acte, si l’on veut, nous montre l’avaricieux drapier aux prises cette fois avec son berger qui lui a dérobé ses moutons ; il le fait citer devant le juge. C’est alors qu’a lieu cette incomparable scène de l’affolement du drapier, qui, retrouvant à l’audience, en robe d’avocat, ce Patelin qu’il a laissé à l’agonie et délirant, perd la tête, confond ses moutons et son drap, interpelle Patelin et le berger, brouille tout, met le juge en confusion et finalement se fait envoyer hors de cour avec dépens. […] Le lieu de l’action doit être supposé à trois compartiments juxtaposés : d’un côté la chambre de Patelin avec le lit, de l’autre la boutique du drapier, au milieu la place publique avec le tribunal du juge.

36. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

Mais les premiers étaient trop contemporains pour être juges, et Saint-Marc Girardin a heureusement répondu au dernier (Cours de Littérature dramatique, tome I, XIX). […] Ces hommes, qui avoient abusé de la vertu même, quoiqu’elle soit le plus grand don des dieux, étoient punis comme les plus scélérats de tous les hommes… Les trois juges des enfers l’avoient ainsi voulu, et voici leur raison : c’est que les hypocrites ne se contentent pas d’être méchants comme le resta des impies ; ils veulent encore passer pour bons, et font, par leur fausse vertu, que les hommes n’osent plus se fier à la véritable. » (Télémaque, liv.

37. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Et, comme la comédie est de sa nature critique et satirique, on juge, quand elle y reste fidèle, quand elle réfléchit les mœurs avec vérité, subissant sous ce rapport leur action, combien à son tour elle peut réagir efficacement sur les mœurs. […] Ne demandez pas à notre second comique, non plus qu’à Dancourt, de se constituer le juge des mœurs de son temps pour les immoler en des peintures fortes et morales à la risée des spectateurs; il n’avait pas une ambition si haute ; la sienne était surtout de faire rire, et l’on doit avouer qu’il sut parfaitement y réussir. […] C’est qu’il juge ce raffinement de scélératesse nécessaire pour tromper Orgon. […] Que l’on juge combien la scène où, jetant le masque, il se déclare maître de la maison et menace son bienfaiteur de sa vengeance, eût été plus dramatique et d’un effet plus terrible si, dès son apparition, le public avait pu être un instant sa dupe, et se trouver pris au théâtre comme Orgon l’a été à l’église. […] Que l’on juge si, dans la situation où se trouve Tartuffe, plus fin que lui ne se fût pas laissé prendre à ses discours : TARTUFFE.

38. (1845) Œuvres de Molière, avec les notes de tous les commentateurs pp. -129

Qu’on juge par ce seul exemple des choses qui doivent nous échapper à la lecture de Plaute et de Térence ! […] Ses bons mots amusent la foule, corrigent la société ; mais quand il s’agit d’en pénétrer la profondeur, il ne lui reste plus qu’un petit nombre de juges. […] Chapelle s’échauffe, et criant du haut de la tête pour convertir son juge, il ébranla son équité par la force de son raisonnement. […] J’en juge par ce qui leur arriva à l’occasion d’Alexandre. […] Vous savez si Molière était un bon juge en ces sortes de matières.

39. (1843) Épître à Molière, qui a obtenu, au jugement de l’Académie française, une médaille d’or, dans le concours de la poésie de 1843 pp. 4-15

Jadis tes ennemis, dévotement profanes, Te repoussant loin d’eux comme un de ces maudits Qu’une austère consigne exclut du Paradis, D’une tombe à regret t’accordèrent l’aumône, Tandis que le Seigneur, qui juge et qui pardonne, Tel qu’un père indulgent t’accueillait dans ses bras, Et réparait là-haut tes affronts d’ici-bas.

40. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXV. De l’Illusion Théâtrale. » pp. 426-433

Outre le tort considérable qu’un Auteur se fait en interrompant l’illusion, je crois qu’il est malhonnête à lui de dire des injures à ses juges.

41. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE III. Des Pieces à spectacle. » pp. 30-36

L’amante de ce même Officier se déguise en homme pour le suivre : il est accusé de rapt par les parents de la demoiselle ; il est cité devant un Tribunal qui va le condamner à perdre la vie, quand Arlequin change le Tribunal en moulin à vent : les quatre Juges paroissent attachés aux quatre voiles, & tournent avec elles.

42. (1739) Vie de Moliere (Réflexions sur les ouvrages de litérature) [graphies originales] « Chapitre » pp. 252-262

Cependant il cache sous cette fausse vertu tout ce que l’insolence a de plus effronté ; & c’est sur le Théatre une Satire, qui, quoique sous des images grotesques, ne laisse pas de blesser tous ceux qu’il a voulu accuser : il fait de plus le Critique, il s’érige en Juge, & condamne à la berne les Singes, sans voir qu’il prononce un Arrêt contre lui, en le prononçant contr’eux ; puisqu’il est certain qu’il est Singe en tout ce qu’il fait, & que non-seulement il a copié les Précieuses de M. l’Abbé de Pure, jouées par les Italiens ; mais encore qu’il a imité par une singerie, dont il est seul capable, le Médecin volant, & plusieurs autres Pieces des mêmes Italiens qu’il n’imite pas seulement en ce qu’ils ont joué sur leur Théatre ; mais encore en faisant leurs postures, contrefaisant sans cesse sur le sien, & Trivelin & Scaramouche.

43. (1856) Les reprises au Théâtre-Français : l’Amphitryon, de Molière (Revue des deux mondes) pp. 456-

Les négligences qu’un œil exercé découvre sans peine dans cet ouvrage peuvent servir à expliquer un juge ment de La Bruyère qui serait pour nous une énigme impénétrable, si nous ne consultions que le Misanthrope et les Femmes savantes.

44. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE XII. Réflexions Générales. » pp. 241-265

Quand, arrivé au terme de cette délicate et intéressante étude, on désire.mettre en ordre toutes les idées qui se sont agitées dans l’esprit, la première impression qu’on éprouve est un étonnement profond que Molière ait été, au point de vue moral, si peu compris ou si incomplètement apprécié par des juges illustres à divers titres : l’autorité de leur génie et de leur nom est impuissante à faire accepter leurs étranges conclusions. […]   Fénelon se contente de reprocher à Molière, d’une manière générale, « qu’il a donné un tour gracieux au vice, avec une austérité ridicule et odieuse à la vertu ; » et il lui fait ce reproche aussi légèrement qu’il l’accuse de parler « souvent mal, d’approcher du galimatias, » et d’avoir été « gêné par la versification française812. » Il semble n’avoir lu qu’en courant, et pour pouvoir dire qu’il les connaissait, les ouvrages qu’il juge avec une autorité si absolue et si brève.

45. (1725) Vie de l’auteur (Les Œuvres de Monsieur de Molière) [graphies originales] pp. 8-116

Grimarest juge avoir été inventé par les personnes qui l’ont fourni à Mr.  […] On en jugea dans ce temps-là, comme on en juge en celui-ci. […] A Dieu, mon cher ami, tu juges mieux qu’homme de France. […] Chapelle s’échauffe, & criant du haut de la tête pour convertir son Juge, il ébranla son équité par la force de son raisonnement. […] J’en juge par ce qui leur arriva à l’occasion de B...

46. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Geffroy comprend le mieux, et s’il pouvait corriger l’âpreté de sa voix, chose plus facile à souhaiter qu’à réaliser, il contenterait je crois, les juges les plus difficiles. […] Il y a dans les conceptions de cet heureux génie tant de simplicité, tant de clarté, que tout homme de bonne foi, qui juge par lui-même sans s’inquiéter de l’opinion de son voisin, est à peu près sûr de ne pas se tromper en donnant son avis sur ces œuvres ; mais juger par soi-même est de nos jours une chose assez rare : pour le plus grand nombre, le point important est de ne pas contredire l’opinion reçue.

47. (1862) Molière et ses contemporains dans Le Misanthrope (Revue trimestrielle) pp. 292-316

Écoutez les deux, interlocuteurs mis en scène pour éclairer un public toujours trop avide d’allusions : « — Juge-nous, un peu sur une gageure que nous avons, faite. […] — Et moi je juge que ce n’est ni l’un ni l’autre.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. De la Gradation. » pp. 342-351

Dans la même piece, à la fin du premier acte, la scene de toilette que Pasquin fait en présence de Marton, est bien insipide après les scenes de toilette de Moncade qui sont charmantes : j’en fais juge le lecteur.

49. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVIII. Les Caracteres des hommes n’ont pas plus changé que ceux des professions. » pp. 303-311

Elle ne dira pas comme Armande, Nous serons par nos loix les juges des ouvrages : Par nos loix prose & vers, tout nous sera soumis : Nul n’aura de l’esprit, hors nous & nos amis.

50. (1769) Idées sur Molière pp. 57-67

Il est dangereux en tout genre d’être trop au-dessus de ses juges, et Racine s’en aperçut dans Britannicus.

51. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Esclave de cette nécessité du métier qui attache le soldat au champ de bataille, le juge à son banc, le peintre à sa palette, l’écrivain à sa plume, le marin à son banc de quart, Molière se sentait lié par le devoir à ses planches poudreuses qui chaque jour lui donnaient un peu plus de fièvre et consumaient en lui un peu plus de vie. […] Non, en vérité, je ne connais pas de juges plus injustes pour les gens de génie que les contemporains. […] Il tenait les harangueurs pour peu de chose, si j’en juge par le mot qu’il dit, un jour que l’avocat Fourcroi, bruyant et infatigable, discutait devant lui avec Boileau-Despréaux, dont la voix était faible et aiguë : « Ah ! […] En effet, dans ce livre précieux, lorsque Éaque et Radamante, les juges infernaux, devant qui tous les personnages de Molière, entre autres un Limosin, viennent se plaindre et réclament contre le malheureux un bannissement de six cents ans aux Enfers, et que les juges demandent où loge Molière : — « À l’auberge des Poëtes, est-il répondu, avec Térence et Plaute !  […] Louis par la grâce de Dieu roy de France et de Navarre à nos amis et feaux les gens tenans nos cours de Parlement, Maistres des requestes ordinaires de nostre hostel, baillifs, senechaux, prevosts, juges, lieutenans et tous autres nos justiciers et officiers qu’il appartiendra, salut.

52. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Il était le juge même du goût public, sauf à voir, lui aussi, son arrêt cassé par les maîtres. — À Dieu ne plaise, que Votre Majesté se connaisse en vers mieux que moi, disait Despréaux. […] Mais quel blâme ne serait pas racheté et au-delà, par l’opinion de ce juge illustre disant de Molière : « Encore une fois, je le trouve grand !  […] Seulement, il a sur Alceste cet avantage, il sait vivre avec les hommes, il sait comme on parle aux femmes du grand monde, et comment on juge les vers de ses amis de la cour. […] Orgon à Tartuffe ; il faut maintenant que la victime se protège et se défende elle-même, dans les formes : le ministre n’y peut rien Heureusement, Alceste a du cœur ; il est éloquent comme Mirabeau ; il parle aux juges et il est écouté ; il arrache à ce vil faussaire le billet qui ruinait Philinte ; il sauve Philinte de sa ruine, et lui-même il se sauve de la prison. […] À l’instant même, autour de cet homme heureux, tout prend un autre aspect, un autre esprit, un autre visage ; il trouve que Philinte est le meilleur et le plus indulgent des hommes ; il admire le sonnet d’Oronte ; il va visiter ses juges pour son procès ; il n’y a pas jusqu’à son pauvre valet Dubois qui ne profite de la bonne humeur de son bon maître.

53. (1882) Molière (Études littéraires, extrait) pp. 384-490

On le sait honnête homme et véridique, et les poètes de tout temps sont friands de tels juges, parce que leur éloge a plus de prix, et qu’on les croit gagnés quand on les consulte. […] Pour ce qui est du style, disons seulement qu’un attique comme Fénelon est mauvais juge d’une verve comique à laquelle répugnent les aptitudes natives d’un délicat. […] Nulle d’ailleurs ne saurait être plus accommodante, si j’en juge par la façon dont elle dégage ses prétendants supposés de la parole qu’ils ne lui ont jamais donnée : douces illusions qui suffisent à son bonheur ! […] Pour se défendre, il invita, dit-on, ses juges à l’entendre prêcher ; et il parait qu’il gagna sa cause, comme Sophocle lisant Œdipe à Colone. […] Pour se défendre, il invita, dit-on, ses juges à l’entendre prêcher ; et il parait qu’il gagna sa cause, comme Sophocle lisant Œdipe à Colone.

54. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Aussi peut-on dire qu’il se souciait peu d’Aristote et des autres maîtres, pourvu qu’il suivît le goût de ses spectateurs qu’il reconnaissait pour ses uniques juges.

55. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Des Pieces intriguées par un Valet. » pp. 125-134

Si l’Auteur juge ces pieces dignes de nos premiers treteaux, nous n’avons pas le plus petit mot à lui répondre.

56. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. Des Pieces intriguées par des noms. » pp. 204-215

Dans Arlequin Larron, Prevôt & Juge, canevas en cinq actes, Arlequin, banni de la ville, se retire dans une forêt, & devient le chef d’une bande de voleurs.

57. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVIII. Du Comique, du Plaisant, des Causes du rire. » pp. 463-473

C’est ce qu’il vous plaira ; Mais juge, de ses jours, ne m’interloquera : Le mot est immodeste, & le terme me choque ; Et je ne veux jamais souffrir qu’on m’interloque.

/ 135