Parbleu, s’écria Chapelle*, voilà un jugement qui vous fera honneur dans le monde : tenez, Molière, vous n’avez jamais donné une marque d’esprit si brillante.
Il ne nous a pas dit cela ; il a trop d’esprit, de jugement ; il connoît trop bien le théâtre. […] Ma fille a de l’esprit, de la beauté..... […] Son esprit défiant, son humeur soupçonneuse Doit la croire en hymen beaucoup plus dangereuse Que vous ne vous l’imaginez...
Aussi le public se prêteroit-il bien moins à l’illusion dans la derniere piece que dans la premiere, si Dufresny, en homme d’esprit, n’avoit supposé le véritable Damis mort. […] Les yeux du spectateur seront plus satisfaits, à la vérité, parceque Préville ne peut que ressembler parfaitement à Préville ; mais son esprit le sera moins, parcequ’il ne pourra point se faire illusion aussi facilement, & qu’il ne s’interessera plus aux embarras que Préville pourra causer à Préville.
La Forsennata prencipessa (la Princesse qui a perdu l’esprit) est seule qualifiée de tragédie. […] Isabelle dit à Cinthio qu’il jouira de la beauté de son esprit et lui souhaite le bonsoir ; elle dit à Oratio qu’il jouira de l’autre beauté et sera son mari.
Il semblait qu’il eût travaillé vingt années, tant il était assuré dans ses tons ; ses gestes étaient ménagés avec esprit, de sorte que Molière vit bien que ce jeune homme avait reçu une excellente éducation.
Quelquefois dans sa course un esprit vigoureux Trop resserré par l’art, sort des règles prescrites, Et de l’art même apprend à franchir les limites.
Molière est l’esprit le plus original et le plus utile qui ait jamais honoré et corrigé l’espèce humaine, et Boileau même en jugeait à peu près ainsi ; car Louis XIV lui ayant demandé quel était le génie qu’il devait regarder comme ayant le plus illustré son règne, il nomma sans balancer Molière.
Nulle vraisemblance, une complication d’incidents bizarres, une exagération, une caricature presque continuelle, un dialogue étincelant de verve et d’esprit, mais où l’auteur paraît plus que le personnage ; voilà le fond de ses comédies267.
S’il étoit juste qu’un chétif esclave eût plus d’esprit que deux hommes consommés, tels que vous êtes, Messieurs, j’indiquerois un bon moyen, & qui, à ce que je crois, loin de vous déplaire, auroit l’approbation de l’un & de l’autre. . . . . . . . . […] La mouche tout d’un coup à la tête vous monte ; Et, sans considérer s’il a raison ou non, Votre esprit contre moi fait le petit démon.
Il lui dit sur-tout que l’intérêt doit seul guider les gens d’esprit, & que tous les biens sont communs. […] Il faut qu’en écoutant j’aie eu l’esprit distrait, Ou bien que le lecteur m’ait gâté le sonnet.
Une lecture attentive de la comédie M. de Pourceaugnac laisse dans l’esprit 1’idée d’une chose incomplète, mal finie, soit dès 1’origine, soit par suite d’un remaniement ; il y a des hésitations dans la marche de l’intrigue, dans l’enchaînement de certains dialogues, dans l’ordre de quelques scènes. […] Nous laissons la confirmation ou la condamnation de cette dernière à des esprits plus éclairés ou munis de pièces plus probantes, de documents plus certains, par exemple, d’une relation manuscrite et inédite des fêtes de Chambord en 1669. […] Après avoir parlé du talent merveilleux de Molière et de la hâte apportée par lui à son travail, l’auteur de la Relation s’exprime ainsi à propos de la Bergerie-Bachique mêlée à Georges Dandin, « Il semble que ce soit deux comédies que l’on joue en mesme temps, dont l’une soit en prose et l’autre en vers; elles sont pourtant si bien unies à un mesme sujet qu’elles ne font qu’une mesme pièce et ne représentent qu’une seule action. » Il y avait donc ici fusion complète des deux œuvres ; l’ouverture était faite par quatre bergers, et quatre autres, jouant de la flûte, faisaient une danse « où ils obligent d’entrer avec eux un riche païsan qu’ils rencontrent, et qui, mal satisfait de son mariage, n’a l’esprit remply que de fâcheuses pensées : aussi l’on voit qu’il se relire bientôt de leur compagnie, où il n’a demeuré que par contrainte. » Evidemment, ici, Georges Dandin était en scène.
Personne plus que cet homme d’esprit, le plus aimable et le plus abominable des directeurs, ne s’entendait à éconduire un solliciteur. « Je vous conseille, monsieur, répondait-il un jour à Maillart, d’aller, en sortant d’ici, vous jeter par la fenêtre d’un cinquième étage, vous et votre partition.
N’eût-il que de l’esprit, son zele, encouragé par des distinctions aussi flatteuses, doit lui tenir lieu de génie.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable, La noire à faire peur, une brune adorable : La maigre a de la taille & de la liberté ; La grasse est, dans son port, pleine de majesté : La mal-propre sur soi, de peu d’attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée : La géante paroît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des Cieux : L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne : La fourbe a de l’esprit, la sotte est toute bonne : La trop grande parleuse est d’agréable humeur, Et la muette garde une honnête pudeur.
Voilà donc votre esprit devenu grand terrien. […] Qu’à l’envi cependant, donnant dans l’épopée, Et mon épouse & moi nous ne lâchions par an, Moi, qu’un demi-poëme, elle, que son roman : Vers nous, de tous côtés, nous attirons la foule : Voilà, dans la maison, l’or & l’argent qui roule, Et notre esprit qui met, grace à notre union, Le théâtre & la presse à contribution.
Ils ont l’esprit le mieux fait du monde, & je les ai mis sur le pied de prendre les brocards des gens de Cour pour des compliments. […] Stukéli, seul, dévoile son infame caractere : il aimoit Madame Béverley avant son mariage : elle l’a dédaigné : il veut, pour s’en venger, ruiner son mari, le perdre dans l’esprit de sa femme, & la séduire.
Aussi ai-je rencontré plus d’un esprit sérieux et impartial qui, tout en s’inclinant devant l’évidente supériorité de l’original, était loin de condamner absolument, et sur tous les points, le travail du traducteur. […] D’autres sans doute y ont ajouté des traits exquis et nouveaux ; niais c’est Molière qui le premier a fait de ce libertin, jusque-là vulgaire, quelque chose de formidable, de séduisant et de rare, en mêlant quelques gouttes de philosophie à beaucoup de vices, à beaucoup d’esprit et à beaucoup d’élégance.
L’héroïque renonciation à la cour, attribuée par La Beaumelle à l’esprit de pénitence dont madame de Montespan se trouva si subitement et si complètement animée, les encouragements dont il prétend que madame de Maintenon fortifia son amie, sont des fables démenties par une lettre de madame de Maintenon à Gobelin, au moment que la résolution du roi éclata. […] C’était dans cette honnêteté, toute morale, que résidait la grande puissance qui devait ramener un roi dissolu à des mœurs décentes ; car la religion n’agit sur Louis XIV qu’après l’ascendant de la morale, aidée par les charmes de l’esprit et de la raison.
Une aventuriere, nommée Madame Artus, s’introduit chez Madame Argante, & s’empare de son esprit en affectant beaucoup de vertu. […] Après cette déclaration maussadement calquée sur celle que Tartufe fait à Madame Elmire, elle promet à Dorante de ménager si bien l’esprit de sa mere, qu’ils la dépouilleront de tous ses biens : elle est d’accord pour cela avec un Notaire. […] Dedans l’esprit il me vint aussi-tôt De l’étrangler & lui manger la vue : Il tint à peu ; je n’en fus retenue Que pour n’oser un tel cas publier : Même à dessein qu’il ne le pût nier, Je fis semblant d’y vouloir condescendre ; Et cette nuit, sous un certain poirier, Dans le jardin je lui dis de m’attendre. […] D’Ancourt a même craint que le faux témoignage de Charlot & d’Agathe ne laissât une impression désagréable dans l’esprit du spectateur ; il a soin de le rassurer sur le sort de Julienne.
C’est ainsi que l’on peut, dans le siecle où nous sommes, Profiter sagement des foiblesses des hommes, Et qu’un esprit bien fait, s’il craint les mécontents, Se doit accommoder aux vices de son temps.
Sganarelle la voit entrer dans la maison du jeune homme ; mais Isabelle a si bien préparé l’esprit de son tuteur, qu’il la prend, dans l’obscurité, pour Léonor. […] Léandre paroît comme un fantôme : il dit au Capitan qu’il est l’esprit du meilleur de ses parents, qu’il est venu pour garder son honneur pendant son absence : il embrasse la femme en présence du mari qui ne le trouve pas mauvais, & disparoît.
Notice historique et littéraire sur Le Tartuffe Le Tartuffe n’est pas seulement un chef-d’œuvre, le chef-d’œuvre peut-être de la scène comique : ce fut aussi un événement mémorable qui agita et divisa l’opinion ; où prirent parti les différentes puissances qui dominent la société ; où l’activité persévérante et courageuse d’un homme eut à lutter, pendant plusieurs années, contre des obstacles, que lui opposaient la magistrature et le sacerdoce ; où le monarque le plus absolu fut longtemps indécis entre les plaintes d’un poète et les alarmes de la religion, entre les penchants de son esprit et les scrupules de sa conscience, et dont enfin l’issue, favorable au théâtre, a eu sur la morale publique une influence qu’on peut qualifier diversement, mais que tout le monde est forcé de reconnaître. […] Mais les preuves morales pourraient ne pas suffire à quelques esprits. […] Et voilà, chrétiens, ce qui est arrivé lorsque des esprits profanes et bien éloignés de vouloir entrer dans les intérêts de Dieu, ont entrepris de censurer l’hypocrisie, non point pour en réformer l’abus, ce qui n’est pas de leur ressort, mais pour faire une espèce de diversion dont le libertinage pût profiter, en concevant et faisant concevoir d’injustes soupçons de la vraie piété, par de malignes représentations de la fausse.
Il y a cinq ans déjà, cette maison a fêté le deux-centième anniversaire de sa fondation ; elle est, parmi nos institutions publiques, une des plus anciennes et des plus vénérables : un écho y répète, selon l’ordonnance royale du 21 octobre 1680, des paroles inspirées par le plus pur esprit de notre race et disposées par l’art théâtral le plus parfait que le monde ait connu. […] Est-ce, d’aventure, que MM. les sociétaires, égarés par l’esprit de curiosité ou par le faux goût, sacrifient Corneille et Racine à des classiques secondaires, à des primitifs ou à des épigones ?
Dans un roman, l’esprit seul juge ; sur le théâtre, les yeux se mêlent de la partie, & ils ne sont pas des juges indulgents.
Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation.
L’autre, dans son allure et libre et familière, Du vieil esprit français pétulante écolière, L’œil ardent, le pied leste, et l’air toujours dispos, Amuse les passants de ses joyeux propos, Transforme chaque scène en plaisante querelle, Confond George Dandin, tourmente Sganarelle, Enveloppe en riant Géronte dans un sac, Lance la pharmacie au dos de Pourceaugnac, Et, se moquant d’Argan sous sa robe d’hermine, Dans un patois latin berne la Médecine.
On baille à leur Pantalon avare, à leur Cabinet, à leur Femme jalouse, &c. qui sont des pieces très bonnes, & l’on s’amuse aux représentations du Turban enchanté, d’Arlequin cru Prince, de Camille Magicienne, & du Prince de Salerne, qui ne parlent pas à l’esprit, mais qui amusent les yeux, les surprennent même, & qui malheureusement ne sont que trop faites pour en imposer au grand nombre.
Néron, s’ils en sont crus, n’est point né pour l’Empire : Il ne dit, il ne fait que ce qu’on lui prescrit : Burrhus conduit son cœur, Séneque son esprit.
Il joue alternativement le rôle de Campagnard, de Veuve, de Géronte lui-même ; aussi devient-il un personnage conséquent dans l’esprit du public : le gré qu’on lui sait de sa peine rejaillit sur la piece & sur l’Auteur.
Le Comte a la manie des gens d’esprit : il meurt d’envie de lire ses Ouvrages, & la satisfait tout en plaisantant ses pareils.
Les esprits s’échaufferent ; on fit imprimer des réponses, dans lesquelles on cria à l’injustice, & l’on s’efforça de prouver que M.
Magnin, est une extravagante féerie dans laquelle apparaissent la Mort et les Esprits follets.
À parler franchement, je ne crois pas que Molière, en écrivant Amphitryon, ait voulu faire un tableau d’histoire, ou présenter, sous des noms païens, une leçon philosophique ; je ne vois dans cette comédie qu’un pur jeu d’esprit.
Il s’en servit pour révéler une préoccupation de l’esprit, un état de l’âme, un sentiment, une passion ; pour faire éclater un caractère du premier mot et du premier geste.
Molière a donc cette fois la véritable initiative, il aborde la critique des mœurs contemporaines, il y exerce son propre esprit d’observation, il est lui-même et doit fort peu aux autres. […] En revanche, rien n’est plus français que l’esprit qui anime d’un bout à l’autre le dialogue ; on y trouve le tour naïf et des réminiscences nombreuses de nos conteurs du seizième siècle.
Elle ne dira pas comme Armande, Nous serons par nos loix les juges des ouvrages : Par nos loix prose & vers, tout nous sera soumis : Nul n’aura de l’esprit, hors nous & nos amis.