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16. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE II. La Débauche, l’Avarice et l’Imposture ; le Suicide et le Duel. » pp. 21-41

Cette leçon n’est pas la seule : on voit encore, dans don Juan, la représentation du bandeau funeste qui vient fermer l’esprit du méchant à tous les avertissements d’un valet57, d’un père58, d’une amante59, de Dieu même60. […] Je ne parle pas des filles mises à mal, c’est d’une vérité trop évidente ; mais ce valet, qui croit en Dieu au fond, qui voudrait avertir et retenir son maître, et à qui sa faible raison ne permet de défendre que ridiculement la cause de la vérité61 ; qui est forcé à mentir62, à insulter63, à cacher comme une honte les moindres bons sentiments64, à partager enfin toute la vie et tous les crimes de don Juan, « parce qu’un grand seigneur méchant homme est une terrible chose : il faut qu’on lui soit fidèle, en dépit qu’on en ait, et la crainte réduit d’applaudir bien souvent ce que l’âme déteste65 ; » ce valet, nous le voyons se gâter, s’endurcir, imiter l’escroquerie du maître66, engager le Pauvre à jurer un peu 67 ; et enfin, après le châtiment de don Juan, n’avoir d’autre sentiment en face de cette mort effrayante, que le regret des gages qu’il perd68 : ah ! […] Ces hommes, qui avoient abusé de la vertu même, quoiqu’elle soit le plus grand don des dieux, étoient punis comme les plus scélérats de tous les hommes… Les trois juges des enfers l’avoient ainsi voulu, et voici leur raison : c’est que les hypocrites ne se contentent pas d’être méchants comme le resta des impies ; ils veulent encore passer pour bons, et font, par leur fausse vertu, que les hommes n’osent plus se fier à la véritable. » (Télémaque, liv.

17. (1850) Histoire de la littérature française. Tome IV, livre III, chapitre IX pp. 76-132

Tartufe ment pour mieux tromper l’imbécile Orgon ; c’est un méchant homme qui se sert du mensonge. […] C’est le vin qui attendrit les méchantes gens. […] Une mère bel esprit veut marier sa fille à un méchant poète dont elle est entichée ; le père veut qu’elle soit à l’amant à qui on l’a promise : voilà l’intrigue. Ce méchant poète est un cupide qui convoite la dot plus que la fille : il est découvert ; voilà le dénouement. […] Tout ce que Cléante dit du faux dévot, Alceste des méchants, Chrysale du bel esprit, Célimène, qui a son bon côté, des sots qui lui font la cour ; tout ce qui sent la haine des méchants, le mépris des gens à la fois malhonnêtes et ridicules, l’amour du bien, du naturel, du vrai ; tout ce qui est, soit une maxime de devoir, soit un conseil de bienveillance, tout cela est sorti du cœur de Molière ; et tel est, sous ce convenu de l’art des vers, le tour naïf, la facilité, le feu, l’entraînement de ce langage, qu’il semble entendre Molière lui-même, et qu’au plaisir de voir des personnages peints au vrai, se joint je ne sais quelle affection tendre pour celai qui les a créés.

18. (1801) Moliérana « [Anecdotes] — [46, p. 78-80] »

Mais le prodige de l’art, pour se tirer d’une situation difficile, c’est ce trait du caractère du Tartuffe : Oui, mon frère, je suis un méchant un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.

19. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V. Des Vers & de la Prose dans les Comédies. » pp. 103-117

Non, elle est générale, & je hais tous les hommes ; Les uns, parcequ’ils sont méchants & malfaisants, Et les autres, pour être aux méchants complaisants, Et n’avoir pas pour eux ces haines vigoureuses Que doit donner le vice aux ames vertueuses.

20. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXVI. Des Caracteres nationaux. » pp. 268-283

Il ne doit voir dans tout l’Univers que deux peuples, les hommes bons & les hommes méchants ; donner les vertus des uns pour exemple, faire la guerre aux vices des autres, mais toujours sans égard à la distance des lieux & aux circonstances qui les séparent de lui. […]  Crois-moi, Milord, j’ai parcouru le monde :  Je ne connois sur la machine ronde   Rien que deux peuples différents : Savoir, les hommes bons & les hommes méchants.

21. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIX. Des Caracteres propres aux personnes d’un certain rang seulement. » pp. 312-327

méchant que tu es ! […] Crispin, donne à mon mari, à ce méchant homme, une paire de soufflets.

22. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXIII. De ce que nous entendons par caractere. » pp. 259-260

« Selon Aristote, les mœurs dans la tragédie, qui est une imitation des meilleurs, doivent être plus nobles & plus élevées que l’original ; & dans la comédie, qui est une imitation des plus méchants, les portraits doivent être plus chargés que les modeles, en sorte (dit ce grand maître) qu’elles nous donnent un exemple de la difformité qui fait rire.

23. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Il ne voit pas que le prodige de ton art est d’avoir montré le Misanthrope de manière qu’il n’y a personne, excepté le méchant, qui ne voulut être Alceste avec ses ridicules. […] II introduit sur la scène une Précieuse, qui en arrivant se jette sur un fauteuil, prête à s’évanouir d’un mal de cœur affreux, pour avoir vu cette méchante rapsodie de l’Ecole des Femmes. […] Je les trouve méchants. […] Je suis le méchant, disait-il; je suis le pécheur; je suis celui qui n’a jamais rien fait d’agréable aux yeux de Dieu. […] Oui, mon frère, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur tout plein d’iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.

24. (1852) Molière, élève de Gassendi (Revue du Lyonnais) pp. 370-382

Qui vaut le mieux de cette noble et vertueuse indignation de ces haines vigoureuses d’Alceste contre les méchants, ou de cette indifférence morale de Philinte que Molière nous représente comme le plus haut degré de la sagesse ? Cette indifférence morale parait d’autant plus grave qu’elle se fonde sur ce que l’homme serait naturellement méchant, comme s’il n’avait pas la raison pour voir le bien et la liberté pour le faire.

25. (1884) Tartuffe pp. 2-78

Je suis … « un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur… » Ce malheureux pécheur , quel trait de génie comique ! […] Avec Damis, il tomberait en de méchantes mains ; avec Tartuffe il tombera en main morte. […] La lettre, d’ailleurs, ajoute plus loin cette très belle parole, digne de Molière même et qu’il a certainement inspirée : « La Providence de la nature a voulu que tout ce qui est méchant eût quelque degré de ridicule. » Voilà le secret du Tartuffe. Molière veut qu’on en rie, parce qu’il est méchant. […] Le fils est la jeunesse même, généreuse et fougueuse, avec cette pointe de don quichottisme qui nous fait tous à vingt ans grands redresseurs de torts et grands abatteurs de méchants.

26. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XI. Du Dialogue. » pp. 204-222

Ses cheveux étoient en désordre, ses pieds nus ; la douleur étoit peinte sur son visage, un torrent de larmes couloit de ses yeux, elle n’avoit que de méchants habits ; enfin elle étoit faite de maniere, que si elle n’avoit eu un fond de beauté à toute sorte d’épreuves, tant de choses n’auroient pas manqué de l’éteindre & de l’effacer. […] Une autre auroit paru effroyable en l’état où elle étoit ; car elle n’avoit pour habillement qu’une méchante petite jupe, avec des brassieres de nuit, qui étoient de simple futaine ; & sa coeffure étoit une cornette jaune, retroussée au haut de sa tête, qui laissoit tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules : & cependant, faite comme cela, elle brilloit de mille attraits ; & ce n’étoit qu’agréments & que charmes que toute sa personne.

27. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XIX. » pp. 397-410

Les freres, outrés de ce qu’ils venoient d’entendre, qu’ils ne croyoient que trop véritable, font allumer des flambeaux, & se mettent en devoir d’aller chez leur sœur, résolus de lui faire un méchant parti. […] ou avez-vous envie de passer pour méchant mari, ne l’étant point ?

28. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE X. M. DIDEROT. » pp. 317-332

Clairville, instruit par André, vient s’opposer aux desseins de Rosalie, il veut la fléchir ou mourir à ses pieds : Rosalie lui dit que d’Orval est un méchant, & qu’il le trompe. […] Une autre auroit paru effroyable en l’état où elle étoit, car elle n’avoit pour habillement qu’une méchante petite jupe, avec des brassieres de nuit qui étoient de simple futaine, & sa coeffure étoit une cornette jaune retroussée au haut de sa tête, qui laissoit tomber en désordre ses cheveux sur ses épaules : & cependant, faite comme cela, elle brilloit de mille attraits ; ce n’étoit qu’agréments & que charmes que toute sa personne, &c. » Nous ne rapporterons pas la scene, parceque, dans le premier volume de cet Ouvrage, Chapitre XI du Dialogue, nous l’avons mise à côté de la deuxieme du premier acte du Phormion de Térence dont elle est imitée.

29. (1820) Notices des œuvres de Molière (V) : L’Amour médecin ; Le Misanthrope ; Le Médecin malgré lui ; Mélicerte ; La Pastorale comique pp. 75-436

Il pourrait presque passer pour méchant, car il souhaite que ses juges commettent une iniquité, pour avoir le plaisir de les détester et de les maudire. […] Un procès pour vingt mille francs, une querelle pour un méchant sonnet, et une folle passion pour une coquette, voilà ce qui suffit pour mettre en mouvement la bile d’Alceste, et en jeu le caractère des autres personnages, en un mot, pour animer toutes les parties de cette grande composition. […] Dans la distribution des madrigaux que Benserade adressait aux nobles acteurs de son ballet, Molière eut pour sa part ce méchant quatrain : Le célèbre Molière est dans un grand éclat ; Son mérite est connu de Paris jusqu’à Rome.

30. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVI. » pp. 294-322

Un jour qu’ils sortoient d’une église ensemble, environnés d’un grand nombre de personnes qui baisoient leurs vêtements, & les conjuroient de se souvenir d’eux dans leurs bonnes prieres, ils furent reconnus de ce gentilhomme dont je viens de parler, qui, s’échauffant d’un zele chrétien, & ne pouvant souffrir que trois si méchantes personnes abusassent de la crédulité de toute une ville, fendit la presse, & donnant un coup de poing à Montufar : Malheureux fourbe, lui cria-t-il, ne craignez-vous ni Dieu ni les hommes ? […] « Je suis le méchant, disoit-il à ceux qui le voulurent entendre : je suis le pécheur, je suis celui qui n’ai jamais rien fait d’agréable aux yeux de Dieu. […] Oui, mon frere, je suis un méchant, un coupable, Un malheureux pécheur, tout plein d’iniquité, Le plus grand scélérat qui jamais ait été.

31. (1885) La femme de Molière : Armande Béjart (Revue des deux mondes) pp. 873-908

De petites tirades, pas trop longues, sont ménagées pour elle, et Molière, en distribuant ses conseils, lui a fait le même compliment qu’à La Grange et à Mlle du Parc, les deux parfaits comédiens : « Pour vous, je n’ai rien à vous dire. » L’actrice que sera Mlle Molière se laisse déjà voir avec ses traits essentiels dans ces deux rôles de début ; la femme y est aussi, ce me semble, avec son caractère : bon sens net, mais un peu étroit ; humeur railleuse, par suite un peu méchante ; assez d’esprit ; peu de bonté. […] Toutefois, de ce qu’il y a beaucoup de Molière et de sa femme dans le Misanthrope, on ne saurait conclure autre chose sinon qu’Armande était une fort méchante coquette ; il faut renoncer à en tirer une présomption contre sa conduite. […] En vain, sa famille, celle de Molière, leurs amis communs essaient de l’apaiser : « Elle conçut dès lors une aversion terrible pour son mari, elle le traita avec le dernier mépris ; enfin, elle porta les choses à une telle extrémité que Molière, commençant à s’apercevoir de ses méchantes inclinations, consentit à la rupture qu’elle demandoit incessamment depuis leur querelle ; si bien que, sous arrêt du parlement, ils demeurèrent d’accord qu’ils n’auroient plus d’habitude ensemble. » Il y eut donc non pas séparation judiciaire, comme l’a cru Tralage, mais séparation à l’amiable. […] Comme elle étoit jeune quand je l’épousai, je ne m’aperçus pas de ses méchantes inclinations, et je me crus un peu moins malheureux que la plupart de ceux qui prennent de pareils engagemens. […] Je pris dès lors la résolution de vivre avec elle comme un honnête homme qui a une femme coquette, et qui est bien persuadé, quoi qu’on puisse dire, que sa réputation ne dépend point de la méchante conduite de son épouse.

32. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE VII. » pp. 125-143

Il est vrai que le Roi fait cette grace extrême ; Mais, par ce même excès de ses rares bontés, Tant de méchants placets, Monsieur, sont présentés, . . . . . . . . . […] Aussi n’en est-ce pas : ce sont de méchants vers.

33. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Mais à l’aspect de cette ingénue, de cette jeune fille riante, et de ces beaux yeux qui brillent si doucement, je me mets inévitablement à songer combien de méchants vers, combien d’horribles parodies, combien d’affreux quolibets, combien de sales équivoques deviendront la pâture quotidienne de cette jeunesse honnête et florissante ! […] J’enrage de voir de ces gens qui se conduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et parlent hardiment de toutes choses, sans s’y connaître ; qui dans une comédie se récrieront aux méchants endroits et ne branleront pas à ceux qui sont bons… Eh ! […] Vous avez aussi dans L’Impromptu un méchant poète, un marquis ridicule, un homme raisonnable comme Philinte.

34. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XXXI. Des Caracteres de tous les siecles, & de ceux du moment. » pp. 331-336

combien j’en connois qui, par ce stratagême, Après avoir vécu dans un désordre extrême, S’armant du bouclier de la Religion, Ont r’habillé sans bruit leur dépravation, Et pris droit, au milieu de tout ce que nous sommes, D’être, sous ce manteau, les plus méchants des hommes !

35. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVII. De l’Art de prévenir les Critiques. » pp. 309-313

Tiens-toi un peu, enfonce ton chapeau en méchant garçon, campe-toi sur un pied, mets la main au côté, fais les yeux furibonds, marche un peu en roi de théâtre.

36. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

Et parce que Tartuffe est méchant, faut-il qu’il soit infaillible ? […] Reste enfin le dénouement que Molière peut invoquer en sa faveur ; car, en définitive, c’est le méchant qui est puni ; l’athée est foudroyé. « Mais ce foudre, répond l’accusateur, n’est qu’un foudre en peinture qui n’offense pas le maître et qui fait rire le valet. » Les mêmes reproches, les mêmes accusations se retrouvent dans la lettre du prince de Conti sur la comédie : « Y a-t-il, disait ce prince de l’ancien camarade dont il avait encouragé les premiers essais, y a-t-il une école d’athéisme plus ouverte que Le Festin de Pierre, où après avoir fait dire toutes les impiétés les plus horribles à un athée qui a beaucoup d’esprit, l’acteur confie la cause de Dieu à un valet à qui il fait dire pour la défendre toutes les impertinences du monde ? […] Cependant il s’est rencontré, au xviie  siècle, d’assez bons juges pour trouver après tout que don Juan n’est pas si méchant qu’on le dit, que le terme de scélérat dont il est appelé souvent est bien fort pour quelques péchés de jeunesse, et qu’enfin il est foudroyé pour bien peu de chose. […] … Apprenez de moi qui suis votre valet que le ciel punit tôt ou tard les impies, qu’une méchante vie amène une méchante mort et que… — Don Juan.

37. (1885) Revue dramatique. Le répertoire à la Comédie-Française et à l’Odéon (Revue des deux mondes) pp. 933-944

Disons que volontiers nous aurions vu, au moins une fois dans notre vie, Le Glorieux, Le Chevalier à la mode, Turcaret, Le Méchant, La Métromanie, La Gageure imprévue, mais disons-le vite : de pires privations, dénoncées plus haut, nous consolent de celles-ci. […] Est-ce le méchant goût du public, enfin, qu’il faut charger de tout le péché ?

38. (1848) De l’influence des mœurs sur la comédie pp. 1-221

Il ne se borne pas à peindre nos vices et nos travers, il peint l’humanité tout entière, c’est-à-dire les individus bons et raisonnables, aussi bien que les méchants et les ridicules. […] Le caractère du méchant, plus que celui du métromane, prêtait à la peinture des mœurs. […] Si, en effet, le ridicule est ce que les hommes redoutent surtout, plus encore que d’être reconnus pour méchants, la loi suprême du poëte doit être, sans contredit, de faire rire aux dépens des vicieux. […] Et les autres, pour être aux méchants complaisants. […] Je ne me dédis pas de ce que j’en ai dit, Je les trouve méchants.

39. (1877) Molière et Bourdaloue pp. 2-269

L’humanité, sous son scalpel, paraît petite, ridicule, flétrie, pleine de corruptions incurables ; une œuvre manquée ou grotesque, ou même méchante, qu’il faut railler pour toute consolation et tout refuge. […] Me voilà bien avancé de savoir que les hommes sont ou fourbes ou fous ; d’avoir vu sur la scène leurs ridicules, leurs vices et les miens mêmes, lorsque vous ne m’apprenez ni à corriger ces fous, ni à guérir ces méchants, ni à devenir pour mon compte plus sage et meilleur ! […] On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule. » Assurément, l’argument est faible, et il le paraît surtout après ce que l’on vient d’entendre ! […] L’âme a un autre rire que les sens, et la passion, qui n’est en fait qu’une entreprise hardie contre le droit et la personnalité d’autrui, et plus haut encore contre les droits de Dieu, ne peut amuser que l’ignorant qui va devenir méchant. […] Qui aime Dieu s’offense de le voir offensé, qui aime la justice s’offense de la voir méprisée, qui aime les hommes gémit de leur aveuglement sur Dieu et sur la justice, souffre avec ceux qui souffrent, s’offense des entreprises des méchants.

40. (1884) La Science du cœur humain, ou la Psychologie des sentiments et des passions, d’après les oeuvres de Molière pp. 5-136

« Cet animal est fort méchant : quand on l’attaque, il se défend. » (La Fontaine.) […] Non seulement Don Juan éprouve du plaisir à faire le mal, mais encore il éprouve une jouissance à faire commettre le mal par autrui, pour le méchant plaisir de le lui voir commettre. […] La passion du bien le rend méchant et la passion de la justice le rend injuste. […] Rien ne saurait leur être plus odieux que les gens ridicules et méchants qui compromettent par leurs simagrées les choses qu’ils vénèrent. […] Pour être méchant, inconvenant, criminel, il faut donc non seulement être animé de mauvais instincts qui fassent désirer les actes pervers, mais encore il faut absolument que les sentiments moraux qui inspirent la réprobation pour ces actes soient muets dans la conscience.

41. (1843) Épître à Molière, qui a obtenu, au jugement de l’Académie française, une médaille d’or, dans le concours de la poésie de 1843 pp. 4-15

En contrastes fécond, le siècle où tu naquis, S’il eut ses grands héros, eut ses petits marquis, Ses faux savants gonflés de leurs minces mérites, Ses méchants écrivains, ses dévots hypocrites.

42. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE PREMIER. Des différents Genres en général. » pp. 1-8

Méchants !

43. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIX » pp. 207-214

Il était sage conseiller du roi quand il lui montrait ses flatteurs à La Cour du Lion, leur lâcheté envers Le Lion devenu vieux, leur bassesse dans Les Animaux malades de la peste ; le danger des maîtresses dans Le Lion amoureux ; l’esprit des courtisans, les uns à l’égard des autres, dans Le Lion, le Loup et le Renard ; le danger des petits ennemis dans Le Moucheron et le Lion ; la dissimulation des gens prudents à la cour des rois méchants, dans La Cour du Lion.

44. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Que peut-on trouver dans toutes ces maisons-là, que des gens forcés de vivre en commun par la loi et l’usage, les uns bons, les autres méchants, la plupart ridicules, sans qu’ils aient les uns ni les antres aucun sentiment des obligations et des tendresses du sang, ou que nulle part, dans leur intimité, on sente le souffle d’affection qui rassemble et réchauffe les cœurs autour du père ? […]   On objectera en vain qu’au dix-septième siècle il avait des abus d’autorité paternelle consacrés par les lois et par les mœurs, et que Molière a entrepris une réforme utile en attaquant et en ridiculisant ces abus : ce n’est pas en détruisant qu’on réforme, et je ne pense pas que personne puisse aujourd’hui accepter cette mauvaise excuse, qui est celle de tous les méchants quand ils déclarent la guerre aux bons, de tous les tyrans quand ils étouffent la liberté.

45. (1772) De l’art de la comédie. Livre troisième. De l’imitation (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XVIII. » pp. 357-396

c’est donc toi, méchant, filou, traîne-potence ! […] C’est de cela, j’en suis très sûr, c’est de cela que ce méchant voisin veut me parler : il va me proposer un partage & un accommodement. […] Vous, monsieur le bœuf, me voyant couché si mollement, vous commencerez à me lancer des œillades de mépris, & vous n’aurez pas plus de considération pour mon ânerie que pour un ânon encore à naître : vous deviendrez rude & méchant à mon égard ; & les gens de ma sorte viendront me rire au nez.

46. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

à l’heure où il t’est permis de ramasser dans ces poussières, dans ce néant, dans ce vide, quelques méchants fragments de ton esprit d’autrefois ! […] Il découvrit, lui qui voyait tout, en tête d’une méchante comédie de Boursault, une dissertation littéraire et religieuse, signée d’un théatin nommé le P.  […] Coquette, spirituelle, et frivole, et méchante, elle a des griffes ! […] Et cette bile, ce feu, cet esprit, vous les réserveriez uniquement pour un méchant vaudeville à quoi nul ne songe au bout de huit jours ! […] Elle a voulu nous tenter, la méchante !

47. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Comme elle était encore fort jeune quand je l’épousai, je ne m’aperçus pas de ses méchantes inclinations, et je me crus un peu moins malheureux que la plupart de ceux qui prennent de pareils engagements. […] Je pris dès lors la résolution de vivre avec elle comme un honnête homme qui a une femme coquette, et qui en est persuadé, quoiqu’il puisse dire que sa méchante conduite ne doive point contribuer à lui ôter sa réputation. […] Iago est un homme méchant, Tartuffe est un homme vil. […] Armande, sœur de Henriette, est une femme jalouse, haineuse, vindicative, méchante. […] Le châtiment, qui s’embusque toujours quelque part pour surprendre le méchant au passage, ne l’attend parfois que dans un autre monde.

48. (1772) De l’art de la comédie. Livre second. De ses différents genres (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE XLIII. Du But Moral. Philosophie de Regnard comparée à celle de Moliere. » pp. 504-548

C’étoit là que Moliere l’attendoit pour pulvériser en même temps l’ouvrage & ses admirateurs par la bouche d’Alceste, qui ne se pique pas d’écrire, mais qui n’a besoin que du simple bon-sens & d’un bon goût naturel, pour dire : Franchement, il est bon à mettre au cabinet : Vous vous êtes réglé sur de méchants modeles, Et vos expressions ne sont point naturelles. […] Le méchant goût du siecle en cela me fait peur : Nos peres, tout grossiers, l’avoient beaucoup meilleur : Et je prise bien moins tout ce que l’on admire, Qu’une vieille chanson que je m’en vais vous dire. […] Lorsqu’on a, comme moi, épousé une méchante femme, le meilleur parti qu’on puisse prendre, c’est de s’aller jetter dans la riviere la tête la premiere.

49. (1855) Pourquoi Molière n’a pas joué les avocats pp. 5-15

La procès il faut rien, il coûter tant t’archant La procurair larron, l’afocat pien méchant.

50. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Surpris pour ainsi dire à l’improviste, par révocation de son Don Juan, et rencontrant un vrai démon, à la place de quelque méchant petit marquis de l’Œil-de-Bœuf, le grand poète ne dit pas au démon : — « Va-t’en ! […] Pensez-vous donc que je sois naturellement si méchant, et que je vous dise des sornettes pour me menacer ainsi ? […] C’est ce méchant petit Italien, arrivé on ne sait d’où, dans les cuisines de la grande Mademoiselle, et qui déjà se faisait remarquer par le bruit harmonieux qu’il savait rencontrer dans le choc de deux casseroles de cuivre et de leurs deux couvercles ! […] Le rôle de madame de Montespan est beaucoup trop odieux dans ce drame ; on fait une trop méchante femme de cette reine altière, et voisine de la Majesté. […] Dès que paraît Don Juan, le rire s’arrête ; ce séducteur n’a rien qui séduise, même au premier abord : froid sourire, méchant regard, tête insolente, sa raillerie est la raillerie méprisante d’un homme fatigué qui obéit, même à ses vices, plutôt par habitude que par plaisir.

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