J’ai rêvé bien souvent à un autre lendemain pour le chef-d’œuvre de Molière. […] C’est dénaturer un chef-d’œuvre que d’en changer le mouvement. […] Il semblait qu’on nous eût tout d’un coup tiré le rideau qui couvrait un chef-d’œuvre inconnu. […] Cette déclaration est dans le poème un chef-d’œuvre de tendresse pudique et passionnée. […] Quel siècle que celui où un divertissement de circonstance devenait un chef-d’œuvre !
Avant de parler en détail de celles des productions de Molière qui sont entièrement à lui, et que l’on reconnaît généralement pour des chefs-d’œuvre, nous ferons encore quelques remarques sur ses pièces imitées du latin. […] Mais rien ne pouvait être mieux imaginé que d’en tirer parti pour la scène, et l’exécution est un véritable chef-d’œuvre. […] Voilà donc ce qui en est de cette philosophie morale que l’on a tant vantée dans le prétendu chef-d’œuvre de Molière. […] La Harpe donne Le Légataire pour le chef-d’œuvre de la gaîté comique. […] Pour ne citer qu’un exemple entre plusieurs, je ne puis m’empêcher de regarder comme un chef-d’œuvre de peinture théâtrale la scène de Raoul sire de Créqui, où les enfants du geôlier ivre, font échapper le prisonnier.
L’éloge est plus grand qu’on ne pense, car on n’a pas vu que former un public à des chefs-d’œuvre, c’était faire une nation. […] C’est ainsi qu’il créa, protégé par le trône, Ces chefs-d’œuvre hardis dont notre esprit s’étonne ; Après les grands seigneurs, il raille tour à tour, Rambouillet, son Cenacle et les Rimeurs de cour. […] Quand vos fonctions vous le permettent, M. le Préfet, vous venez assister à nos représentations, vous applaudisses aux chefs d’œuvre de notre scène ; le vœu que j’exprime doit être compris par vous, et j’espère que vous l’estimerez digne de votre attention. […] Considérant qu’il y a lieu d’approuver notamment le choix de l’emplacement du monument, situé non loin de la maison où naquit Molière, en face de celle où il mourut, dans le voisinage du théâtre sur lequel il fit jouer ses chefs-d’œuvre, et près de celui où ils sont encore représentés chaque jour. […] Considérant, en ce qui concerne la part que la ville de Paris est appelée à prendre dans la souscription du monument de Molière, que ce grand homme, dont les arts n’ont pas encore suffisamment honoré la mémoire, est né à Paris, qu’il y a fait ses études, qu’il y a passé presque toute sa vie, qu’il y a exercé sa profession, qu’il y a écrit ses chefs-d’œuvre, qu’il y est mort, et, qu’en un mot, il n’y a pas un des rayons de sa gloire qui ne brille sur sa ville natale ; Que lorsqu’il est question de lui ériger un monument digne de cette gloire, Paris, qui déjà y a contribué par les souscriptions particulières des chefs et des employés de son administration, de ses conseillers municipaux, d’un grand nombre de ses habitants, et notamment des sociétaires de la Comédie française, et, à leur exemple, des artistes des autres théâtres de la capitale ; Paris, disons-nous, ne veut pas, en tant que commune, rester étranger à cette Œuvre ; Considérant que la souscription de Paris, jointe aux 81,000 f. déjà disponibles, rend possible de commencer, dès à présent, les travaux ; Considérant, en ce qui touche le mode d’exécution de ces travaux, qu’ils ne sont pas de nature à être soumis à une adjudication, et qu’il convient qu’il y soit pourvu au moyen de traités passés avec des entrepreneurs connus ; DELIBERE : 1° Le projet de fontaine monumentale dédiée à Molière, à ériger à l’angle des rues Richelieu et Traversière-Saint-Honoré, est approuvé, sauf les modifications ci-dessus indiquées.
C’est à ce profond sentiment populaire que furent dus les chefs-d’œuvre des arts. […] J’ai souvent admiré ce chef-d’œuvre de sculpture, ces saintes femmes soutenant le corps allangui du Christ expiré, et je ne puis m’empêcher d’y retrouver la reproduction de l’une des scènes les plus touchantes du Mystère de Metz. […] Celle qui est donnée comme le modèle du genre, et que les frères Parfait n’osent (tant elle est belle) attribuer à P, Gringore, m’a paru un chef-d’œuvre fort ennuyeux. […] Ce chef-d’oeuvre est anonyme ; mais si l’auteur est inconnu, l’ouvrage n’en a pas moins un nom célèbre, un nom immortel est que vous connaissez tous, Messieurs : c’est Patelin. […] C’est la morale de la pièce, et c’est encore un trait de mœurs à relever dans ce chef-d’œuvre qui en présente tant d’autres.
Ils sont entrés, avec ce dernier sur-tout, dans tous les mysteres de Thalie ; ils ont analysé son Tartufe, son Misanthrope, son Avare, ses Femmes Savantes, & tous ses divers chefs-d’œuvre, pour y puiser l’art si difficile de saisir la nature, & de la peindre par un mot, par un geste, par un silence, pour y apprendre le secret de faire tout concourir au même but, sans que rien ait trop l’air d’y prétendre, & sans nuire à l’illusion. […] Il faut connoître la théorie d’un art, n’en pas ignorer les regles, pour savoir apprécier le mérite des chefs-d’œuvre qu’il enfante ; ou bien on s’expose à la honte de revenir sur son propre jugement ; ou, ce qui est bien pis, à celle de le voir condamner par la voix publique. […] il en est qui seront éternellement un secret entre cet homme inimitable & les Muses : le chef-d’œuvre, le monument existent ; mais le génie qui y présida & qui l’anime encore, ne se manifeste pas tout entier.
Mais, comparativement aux autres pièces de la même époque, L’Étourdi était un chef-d’œuvre ; et, s’il occupe aujourd’hui un rang inférieur parmi tant de beaux ouvrages dont notre scène est enrichie, c’est à Molière lui-même qu’il le faut attribuer ; c’est Molière qui, en créant la véritable comédie de caractère et de mœurs, et, en la portant à sa perfection, a, pour ainsi dire, repoussé à une grande distance les chefs-d’œuvre mêmes de la comédie d’intrigue, et assuré par là une supériorité incontestable à notre théâtre sur celui de toutes les autres nations.
Quel chef-d’œuvre que cette dernière pièce! […] Molière, tu riais bien, je crois, au fond de ton ame d’être obligé de faire une bonne farce pour faire passer un chef-d’œuvre.
L’ignorance et l’erreur à ses naissantes pièces En habit de Marquis, en robes de Comtesses Venaient pour diffamer son chef-d’œuvre nouveau, Et secouaient la tête à l’endroit le plus beau. […] Pradon ne sont pas les seuls qui aient parlé dans leurs écrits du Misanthrope de Molière comme de son chef-d’œuvre.
Le Cocu imaginaire n’est pas et ne doit pas être compté parmi les chefs-d’œuvre de Molière Ce n’est point une pièce de caractère ; la jalousie de Sganarelle n’est qu’accidentelle et momentanée. […] Le public applaudissait à ces compositions monstrueuses : les chefs-d’œuvre qui seuls pouvaient former son goût n’existaient pas encore. […] J’ai noté, dans le commentaire, les rapports et une partie des différences qui existent entre le modèle et l’imitation : celle-ci est, en comparaison de l’autre, un chef-d’œuvre de conduite et de diction. […] Voilà pourtant ce que, chez les Italiens qui nous avaient précédés de plusieurs siècles dans la carrière de tous les arts, était devenu l’art du théâtre à une époque où Corneille avait mis au jour tous ses chefs-d’œuvre et où Molière se préparait à enfanter les siens.
Il fallut que la voix tardive des hommes de goût s’élevât contre cette injuste froideur qui accueillait un chef-d’œuvre, et ramenât le public à la vérité de ses propres impressions. […] Elle forme, avec Le Misanthrope et Tartuffe, la première ligne des chefs-d’œuvre de Molière. […] Le rôle de Bélise est la seule tache de ce chef-d’œuvre. […] La mort de ce grand homme se lie à l’histoire de cette excellente comédie : elle est comme un triste épisode de ce dernier acte de sa vie dramatique et théâtrale ; et l’on est forcé d’en mêler le récit douloureux au compte qu’il faut rendre d’un chef-d’œuvre de gaieté comique. […] Il faut donc attribuer ce succès extraordinaire à l’honorable empressement du public, qui ne se lassait pas de venir admirer le dernier chef-d’œuvre d’un homme qui en avait produit tant d’autres, et qui n’en devait plus produire.
Elle s’en va, dites adieu, et pour longtemps, aux plus austères chefs-d’œuvre de Molière ; adieu au Misanthrope, dont elle était la Célimène adorée ; à Tartuffe, dont elle était, non pas l’excuse, mais du moins le plus supportable prétexte ! […] De temps à autre, le chef-d’œuvre reprenait sa puissance, alors la comédie s’indignait et grondait comme eût fait le remords, singulière comédie en effet, dans laquelle le plus horrible et le plus épouvantable des crimes est flagellé par le rire. […] Elle est donc morte tout à fait, cette personne illustre qui était morte une première fois, quand elle nous fit ses derniers adieux dans ses deux rôles qui étaient ses deux chefs-d’œuvre. […] Mademoiselle Mars aimait, à en mourir de joie, les enivrements de la foule, les applaudissements du parterre, l’enthousiasme du poète, la résurrection solennelle des vieux chefs-d’œuvre sauvés par sa parole, les luttes ardentes des premières représentations, s’il fallait imposer à un public rebelle, quelque renommée à son aurore ! […] Est-ce vivre, en effet, que de passer à l’état d’une langue morte, d’un chef-d’œuvre oublié, d’une curiosité littéraire ?
Il faut donc placer Le Festin de Pierre parmi les chefs-d’œuvre de Molière. […] Le Bourgeois gentilhomme, fait pour les tréteaux, est un des chefs-d’œuvre du théâtre. […] Il savait très bien que c’était son œuvre et son chef-d’œuvre, que c’était là son grand coup à porter, et que, ceci fait, il allait se placer un peu plus haut que Pascal, et tout simplement à côté de Bossuet. […] Le détail est digne du sujet ; quand, après cette belle étude d’un chef-d’œuvre très rare, on se retourne vers la comédie que M. […] Bulwer à rompre la négociation ; enfin le théâtre de Covent-Garden, plus aveugle et plus complaisant que les deux autres, non seulement accepta ce chef-d’œuvre les yeux fermés, mais encore il fut assez heureux pour complaire en tout point à l’auteur de la duchesse de La Vallière.
Pouvait-elle manquer d’être l’époque du chef-d’œuvre de notre théâtre ?
La réponse de Préville est une leçon aussi bonne pour les auteurs que pour les acteurs : ils doivent d’ailleurs savoir que Zeuxis, voulant peindre une Helene, ne se contenta pas de prendre une seule belle femme pour modele, qu’il mit pour ainsi dire toutes les beautés d’Agrigente à contribution, qu’il copia ce que chacune d’elles avoit de plus parfait, & qu’il en composa son chef-d’œuvre. […] Moliere a fait un chef-d’œuvre, dans lequel chaque personnage principal est un dévot à sa maniere.
Mais les ordres d’un roi qui le comblait de faveurs, qui venait, pour ainsi dire, d’embrasser sa querelle au sujet de L’École des femmes, et dont le chef-d’œuvre déjà commencé du Tartuffe devait lui rendre un jour la protection si nécessaire, ne lui permirent pas d’écouter les répugnances de son talent et les craintes de son amour-propre. […] Du reste, il a mis dans ces changements toute la discrétion, toute la réserve, toute l’absence de prétention personnelle, que commandait le grand nom de Molière à un écrivain digne de l’admirer ; et, comme ces artistes adroits qui rendent une seconde vie aux chefs-d’œuvre du pinceau, en les transportant sur une toile nouvelle, et en réparant les outrages qu’ils ont reçus du temps, il a, si je l’ose dire ainsi, mis sa versification au ton de celle de Molière, évité soigneusement tout ce qui pouvait déceler une touche trop moderne, et mérité qu’en plus d’un endroit on pût attribuer au maître lui-même l’heureux travail de l’élève. […] La ligue des faux dévots, grossie d’un assez grand nombre de personnes dont la piété sincère s’alarmait des coups portés à l’hypocrisie, travaillait sans relâche à empêcher la représentation publique de ce chef-d’œuvre.
. — Cette donnée, toute personnelle, s’élargit, se féconda dans la tête puissante de Molière, et devint le chef-d’œuvre de l’artiste et du penseur; ici Molière saisit à la fois l’individu dans tous ses détails et la société dans son ensemble. […] Au siècle de Louis XIV, le chef-d’œuvre de Molière était considéré comme une leçon donnée à la vertu.
L’ignorance et l’erreur à ses naissantes pièces, En habits de marquis, en robes de comtesses, Venaient pour diffamer son chef-d’œuvre nouveau ; Et secouaient la tête à l’endroit le plus beau.
Il eût fallu un chef-d’œuvre pour déjouer le complot. […] Il reprochait un jour à Boileau d’avoir ri seul à une des premières représentations de ce chef-d’œuvre. […] Il composa sur ce chef-d’œuvre une lettre apologétique assez mal écrite, mais mieux pensée, qui fut imprimée à la tête de la première édition. […] Cette généalogie d’un mot pourrait paraître minutieuse en toute autre occasion ; mais rien de ce qui concerne le chef-d’œuvre de notre scène ne saurait manquer d’intérêt. […] Elle était précédée d’une satire contre le même chef-d’œuvre, adressée à l’auteur par un de ses amis.
Il fallut du temps pour que cette excellente comédie triomphât du préjugé, et prît, parmi les chefs-d’œuvre de l’auteur, la place qu’elle a toujours conservée depuis. […] Des traits épars qui circulent dans le monde, ou qui sont enfermés dans les livres, sont peu de chose pour l’écrivain, pour le poète : c’est l’art de la composition qui de ces traits fait un ouvrage, et c’est le génie qui de cet ouvrage fait un chef-d’œuvre. […] Il en est une qui passe justement pour un chef-d’œuvre, c’est celle où Éraste persuade à Pourceaugnac qu’il a demeuré deux ans à Limoges, et qu’il y a fréquenté toute sa famille et lui-même. […] Si l’on jugeait du mérite d’un ouvrage d’après le nombre des imitations qu’il a produites, Pourceaugnac serait le chef-d’œuvre de Molière. […] C’est en 1775 qu’a paru ce chef-d’œuvre de hardiesse et de sottise, dont l’auteur se nommait Mailhol.
Elle, cependant — tant elle a poussé loin l’admirable et inépuisable coquetterie de son talent — elle redouble de grâce, d’esprit, de vivacité, de jeunesse ; elle accable ses amis et ses ennemis de toutes ses qualités charmantes ; elle ranime d’un souffle puissant les vieux chefs-d’œuvre qui vont disparaître avec elle ! […] il n’y a qu’elle pour comprendre les grands artistes, pour les aimer, pour les applaudir, pour se prosterner aux pieds des chefs-d’œuvre !
Elles voient une nuance, elles cherchent un titre ; & quand leur imagination a arrangé deux ou trois mauvaises scenes à peine propres à faire un proverbe 39, elles pensent avoir enfanté un chef-d’œuvre.
C’est là qu’il fit représenter Le Dépit amoureux, ouvrage que quelques situations charmantes, et des scènes du premier ordre, assurent contre l’oubli : la brouille et la réconciliation des deux amants (incident qu’il a depuis reproduit dans deux de ses chefs-d’œuvre) ont servi de type à une multitude de scènes dans le même genre ; mais personne n’a trouvé ce naturel exquis, cette délicieuse naïveté, qui caractérisent le dialogue de Molière. […] Dimanche peut être présentée comme un chef-d’œuvre de vérité et de comique. […] Jourdain, ses bizarres prétentions, ses études tardives pour devenir homme de qualité, le gros bon sens de sa femme et de Nicole, la dispute des trois professeurs, enfin la manière adroite dont le marquis traite sa maîtresse aux dépens du bourgeois, tout se réunirait pour élever Le Bourgeois gentilhomme au rang des chefs-d’œuvre, si les deux derniers actes n’étaient sacrifies aux charges trop grotesques de la cérémonie. […] Cette pièce prouve que le génie de Molière était encore dans toute sa vigueur, et que sa mort a sans doute privé la littérature de nouveaux chefs-d’œuvre. […] Venaient pour diffamer son chef-d’œuvre nouveau, Et secouaient la tête à l’endroit le plus beau : Le commandeur voulait la scène plus exacte ; Le vicomte indigné sortait au second acte ; L’un, défenseur zélé des bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots le condamnait au feu : L’autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, Voulait venger la cour immolée au parterre.
La farce amusait alors les gens de la meilleure compagnie ; alors, sur la même scène où l’on représentait les premiers chefs-d’œuvre de Corneille, des acteurs enfarinés faisaient rire les spectateurs de leurs quolibets et de leurs équivoques souvent licencieuses.
On a toujours très mauvaise grâce à censurer les chefs-d’œuvre, et certes Turcaret en est un; mais puisque, parmi les chefs-d’œuvre même, on en trouve de supérieurs les uns aux autres, il faut bien dire en quoi cette supériorité consiste. […] Pourquoi faut-il que cette scène, vrai chef-d’œuvre d’exécution, offre, sans motif, un tableau d’une volupté si licencieuse ! […] Le chef-d’œuvre de Molière et de la scène, Tartuffe, est mis à l’index. […] Il apprendrait de Molière lui-même qu’il a changé jusqu’à trois fois la disposition de son chef-d’œuvre, et sacrifié deux actes entiers à préparer l’entrée de son scélérat, afin que personne ne se méprît sur l’homme qu’il mettait en scène. […] Cette passion extrême de Tartuffe, si difficile à bien rendre, et dont nous nous occuperons tout à l’heure, a rencontré des aristarques fort sévères, fort orgueilleux, s’imaginant avoir trouvé en défaut l’auteur de tant de chefs-d’œuvre.
Le personnage d’Arnolphe est un chef-d’œuvre de passion et de ridicule. […] C’est que L’École des femmes fit époque comme Le Cid ; c’est que chacun de ces deux ouvrages était en France le premier chef-d’œuvre du genre et de l’auteur ; c’est que tous deux ils eurent un égal succès, comme ils se voient avoir une égale influence, et que par là ils excitèrent également la haine jalouse des beaux esprits qui osaient se croire, ceux-ci les rivaux de Corneille, ceux-là les émules de Molière. […] N’est-ce pas là montrer dans le lointain, mais bien distinctement, le chef-d’œuvre des femmes savantes, qu’on intitulerait presque aussi bien Les Auteurs ridicules ? […] Ce qui n’est pas une bouffonnerie plus ou moins agréable, mais un chef-d’œuvre de vérité comique, c’est la première scène de la pièce, celle où Sganarelle demande à Géronimo son avis sur un mariage auquel il s’est résolu d’avance ; lui fait jurer d’en dire franchement sa pensée, tandis que lui-même il a déjà juré de conclure l’affaire ; et, quand ce sage ami finit par approuver en riant une sottise qu’il ne voit pas moyen d’empêcher, le remercie bien sérieusement de son excellent conseil, et lui promet de le suivre avec docilité. On ne peut guère lire la scène entre Sganarelle et Géronimo, sans penser à une autre scène de Molière, qui est un autre chef-d’œuvre, celle où un autre Sganarelle, consultant ses parents et ses amis au sujet de sa fille, ne reçoit d’eux que des avis intéressés.
Quel chef-d’œuvre que cette dernière pièce ! […] Molière, tu riais bien, je crois, au fond de ton âme, d’être obligé de faire une bonne farce pour faire passer un chef-d’œuvre. […] Chaque scène est un chef-d’œuvre : c’est une suite d’originaux supérieurement peints. […] Il attaque une comédie regardée comme une des plus morales dont la scène puisse se vanter, bien sûr que, s’il abat le Misanthrope, ce chef-d’œuvre entraînera tout le reste dans sa chute. […] L’histoire du Misanthrope se renouvela par un autre chef-d’œuvre, et ce fut encore le temps qui fit justice.
— Ce bel esprit ressuscité est un des chefs-d’œuvre du docteur Blanche ! […] Il a fait bien d’autres miracles, il a accompli bien d’autres chefs-d’œuvre ! […] Ce rôle d’Henriette était son chef-d’œuvre ! […] C’est un chef-d’œuvre que d’avoir inventé un habit sérieux qui ne fût pas noir, et je le donne, en six coups, aux faiseurs les plus éclairés. […] » Les siècles, plus que les hommes, ne veulent pas vieillir, ils aiment bien mieux dire : — Voilà mon chef-d’œuvre qui est mort !
C’est dans ce milieu aussi, libre à outrance, où la commune gaieté corrigeait les déboires, que se développa le génie de Molière, et qu’il conçut le plus grand nombre des canevas dont plus tard il tira ses chefs-d’œuvre. […] La leçon que Molière s’est proposé de donner dans son chef-d’œuvre, nous la chercherons tout à l’heure : mais il parait évident, tout d’abord, qu’il a voulu y peindre la société, disons même la bonne société : et son génie d’auteur comique l’a tout naturellement porté à jeter dans cette société, pour en mettre en relief les côtés bons ou mauvais, l’homme le moins capable d’y vivre ; ce caractère insociable, c’est Alceste. […] Certes, Alceste n’a pas pour ses semblables la haine sauvage de ce Timon d’Athènes, dont Shakespeare a fait un drame, — espèce de monomane qui passe en un clin d’œil, parce qu’on a exploité sa déraisonnable faiblesse, d’une absurde philanthropie à une misanthropie d’anthropophage ; et il n’y a aucune comparaison à faire entre le chef-d’œuvre de Molière et la pièce de Shakespeare, qui est loin d’être une de ses meilleures. […] Telles sont, je crois, les leçons qui ressortent du chef-d’œuvre de Molière ; elles sont dignes du grand comique, dignes du génie sociable et bon de notre race, et il les donne à Alceste, comme don Juan fait l’aumône au pauvre, — pour l’amour de l’humanité. […] Je ne veux point lutter d’érudition avec M. de La Pommeraye : je crois cependant qu’en 1666, dix ans après les Provinciales, sept ans après les Précieuses ridicules, un an après la mort de Mme de Rambouillet, lorsque florissaient Molière, Corneille, Pascal, Despréaux, et tant d’autres, la veille d’Andromaque et de Racine, je crois, dis-je, que la langue française pouvait être considérée comme assez eh sûreté pour n’avoir pas besoin de défenseurs aussi intempérants qu’Alceste, et je demande si oui ou non, la chanson de ma mie, o gué est écrite dans le style de Port-Royal et si M. de La Pommeraye la revendique comme un chef-d’œuvre de saine littérature et de goût délicat.
Je réponds que, dans mon étude de ces deux chefs-d’œuvre, je marchais sur le terrain le plus uni, le plus certain, le plus solide : l’œuvre même de Molière, pleine, entière et sortie d’un seul jet. […] Puis le temps s’écoule ; de nouveaux chefs-d’œuvre sortent des mains de Molière ; il donne le Misanthrope, le Médecin malgré lui (1666), le Sicilien (1667), il ne donne point Tartuffe. […] En somme donc, cinq ans de lutte et trois révisions successives, voilà l’histoire de notre chef-d’œuvre. […] Il se dit qu’après tout, pour faire passer un chef-d’œuvre, on peut bien faire au temps des sacrifices ; que l’avenir retrouverait son bien ; qu’ Il est avec le ciel des accommodements ; et il accommoda Tartuffe de façon que le XVIIe siècle put l’avaler. […] Je suppose une espèce de jugement dernier des races, où chacune, appelée à la barre, soit invitée, pour se voir adjuger là-haut une place selon ses mérites, à déposer l’ouvrage où son esprit se reflète le mieux — son chef-d’œuvre, et la représentation de sa plus haute action sur le monde.
Au spectacle ou à la lecture d’un chef-d’œuvre, prétendent-ils, l’image de quelque chose de plus parfait surgit dans notre esprit ; nous comparons la réalité à ce modèle divin, et nous avons trouvé le principe de la critique littéraire. […] Que s’ils imaginent, sous une forme positive, un dénouement plus naturel, et un personnage aussi méprisable, mais plus gai, leur imagination n’est qu’un souvenir : ce dénouement, c’est celui de quelque autre chef-d’œuvre, et ce drôle, ce sera Falstaff, par exemple. […] Mais Le Roi de Cocagne n’en resterait pas moins une platitude, Le Misanthrope une merveille, et William Schlegel un profane, pour n’a voir point dit à genoux291 que ce chef-d’œuvre n’est pas à proprement parler une comédie. […] Ne disons pas que nous comparons les chefs-d’œuvre de Molière à une certaine idée du beau qui existe dans notre esprit. […] Car on rit plus aux bouffes, si goûtés de notre excellent Marquis, qu’aux chefs-d’œuvre de Molière, et un homme d’esprit319 a constaté qu’à la représentation du Tartuffe, le public ne rit pas plus de deux ou trois fois.
Cette transformation nous a valu un chef-d’œuvre, et il y reste assez du Molière authentique pour sauvegarder les droits de la vérité. […] Prenez, par exemple, ses épîtres dédicatoires, dont il n’est pas prodigue, bien qu’elles fussent alors de règle : une seule, adressée à Monsieur, en tête de l’École des maris, est vraiment à regretter, car il y a forcé les deux règles du genre : l’humilité et la flatterie ; en revanche, il y en a une, celle de la Critique de l’École des femmes, à la reine mère, qui est un chef-d’œuvre de tact et d’habileté. […] Soyons franc, et reconnaissons que, si c’est là un chef-d’œuvre de l’esprit humain, c’est un chef-d’œuvre obscur, comme beaucoup d’autres chefs-d’œuvre ; que, pour une pièce comique, il excite un rire assez court et, pour une pièce sérieuse, il déroute l’émotion ; que, malgré la scène du sonnet et celle des portraits, malgré les deux petits marquis, malgré Basque, il est un peu froid à la représentation ; que, si les lettrés l’applaudissent avec un enthousiasme réfléchi, le parterre est pour lui aussi tiède qu’au premier jour. […] Former d’excellents comédiens et leur donner des chefs-d’œuvre à interpréter ne suffit pas à la fortune d’un théâtre.
C’est en perfectionnant toujours qu’il s’élève par dégrés jusqu’au Misanthrope, jusqu’aux Femmes Savantes, jusqu’au Tartuffe, jusqu’à cette pièce aprés laquelle il ne faut plus rien nommer et qui est non seulement le chef-d’œuvre du théâtre comique, mais un grand bienfait envers l’humanité.
Et qu’on ne dise pas que Molière s’est laissé aller à cette indulgence dans les débuts de sa carrière, aveuglé par l’exemple de ses prédécesseurs et de ses contemporains, entraîné par la nécessité de nourrir sa troupe et de faire rire à tout prix : c’est en 1669, quand il a donné le Misanthrope, le Tartuffe, l’Avare, après Amphitryon, que l’imitation antique peut excuser un peu ; c’est enfin quand il est maître et roi de la scène, qu’il joue devant le roi la désopilante farce de M. de Pourceaugnac, chef-d’œuvre comique où, par malheur, les deux personnages intéressants, spirituels, actifs, les deux chevilles ouvrières de la pièce, sont la Nérine et le Sbrigani, qui se font réciproquement sur la scène cette apologie digne des cours d’assises : NÉRINE Voilà un illustre. […] C’est en 1671, dans toute la force de son génie, quand il ne manque plus à ses chefs-d’œuvre que les Femmes savantes et le Malade imaginaire, que Molière donne les Fourberies de Scapin, et qu’il exalte un héros de la même volée que Mascarille et Sbrigani, roi de la pièce d’un bout à l’autre, qui dresse les fils de famille à courir les filles258 et à insulter leurs pères259, qui vole plus effrontément que tous ses prédécesseurs260, avec un entrain si victorieusement comique qu’il est impossible à l’âme la plus ferme de résister au fou rire causé par le mulet et la galère 261, et de n’être pas, malgré tous les principes, enchantée de voir réussir ces admirables fourberies.
Moliere opposa ses protections au crédit des faux dévots, & son chef-d’œuvre reparut enfin sans interruption le 5 Février 166934. […] Mais cette imitation, ainsi que celles que nous avons déja remarquées, n’enlevera rien, je crois, à la gloire de Moliere ; au contraire, le Tartufe n’en sera pas moins le chef-d’œuvre de la scene françoise, ou, pour mieux dire, le chef-d’œuvre de tous les théâtres.