Ce secret de faire passer sur le théâtre des traits un peu hardis, a été trouvé si bon que plusieurs acteurs l’ont mis en usage depuis avec succès.
Quand il fut question d’y mettre une inscription, quelqu’un proposa d’écrire : Molière, de l’académie française, après sa mort ; mais on préféra ce vers de Saurin234 : Rien ne manque à sa gloire, il manquait à la nôtre.
Pour le tirer de sa distraction, Despréaux* et Racine qui étaient naturellement portés à la raillerie, se mirent à l’agacer par différents traits plus vifs et plus piquants les uns que les autres ; mais La Fontaine ne s’en déconcerta point.
Les français rougiront un jour De leur peu de reconnaissance ; Il leur fallut un comédien Qui mit à les polir sa gloire et son étude ; Mais Molière à ta gloire il ne manquerait rien, Si parmi les défauts que tu peignis si bien, Tu les avais repris de leur ingratitude.
Gomment s’y prend il lorsque dans un seul tableau il veut encadrer et mettre en saillie, non seulement les marquis ridicules, les grands seigneurs qui visent au bel esprit, les prudes et les coquettes, mais encore ces hommes à la vertu souple, ces honnêtes gens, selon le monde, dont ils ne blessent pas un préjugé ? […] Il l’est, en effet, à certains égards, et ce qui démontre que l’intention du poète est bien de le rendre tel, c’est celui de l’ami Philinte qu’il met en opposition avec le sien : ce Philinte est le sage de la pièce…»Sans doute l’auteur a rendu Alceste ridicule, et il le devait sous peine de n’en faire qu’une doublure de Philinte.
Vous eûtes de la complaisance ; Mais vous en deviez moins avoir, Et ne vous pas mettre en dépense, Pour ne me donner que l’espoir.
Nous l’avons mis à la suite de l’anecdote.
Son œuvre très considérable et d’une exceptionnelle qualité font de lui le plus grand musicien de son siècle, à mettre pour le moins en parallèle avec Lully.
Celui qui sut vaincre Numance238, (Scipion l’Africain)239 Qui mit Carthage sous sa loi, Jadis sous le nom de Térence* Sut-il mieux badiner que toi ?
L’un, défenseur zélé des bigots mis en jeu, Pour prix de ses bons mots, le condamnait au feu ; L’autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre, Voulait venger la cour immolée au parterre ; Mais sitôt que, d’un trait de ses fatales mains, La parque l’eut rayé du nombre des humains, On reconnut le prix de sa muse éclipsée.
Me mettre au fait d’Eraste & de son caractere : Je ne suis instruit qu’à demi. […] A peine encor majeur, Il accepta son legs comme un très grand honneur, Sans pourtant y mettre de faste.
Si Moliere, par exemple, pour peindre son Harpagon, avoit mis en même temps sous les yeux du spectateur, & les traits d’avarice de son enfance, & ceux qu’il fait lorsqu’il veut sacrifier sa fille à l’amour d’un homme qui la prend sans dot, cette duplicité d’action seroit choquante, parceque l’avarice d’un enfant est tout-à-fait différente de celle d’un homme mûr. […] Si Riccoboni n’avoit pas mis plus d’un fil, plus d’une intrigue, plus d’une action dans ses pieces, il n’auroit surement pas soutenu une aussi mauvaise cause, & auroit encore moins prétendu la défendre avec d’aussi foibles raisons.
Elle prie son frere de lui écrire une lettre ; elle fait mettre dessus, à l’amant voyageur, parcequ’elle pense qu’Arlequin est parti. […] Il lui met les bijoux d’Eléonora.
On rougit des affections les plus douces, on est honteux des liens les plus sacrés, et le Philosophe marié met à cacher son bonheur le soin que Tartuffe prenait pour dissimuler ses vices. […] On parle de modération avec orgueil, de sagesse avec arrogance ; on met tout en doute, et l’on ne souffre pas la contradiction ; la religion avait eu des sectateurs cruels ; la tolérance a des apôtres fanatiques.
C’est fournir matière à la réflexion et à l’émulation que de rapprocher ainsi le point d’où l’homme est parti et celui qu’il a atteint, de mettre en comparaison, face à face, les circonstances au milieu desquelles s’écoula sa vie humaine et l’apothéose que son mérite lui a valu. […] Il a voulu faire suivre, à chaque face de son édifice, l’alignement des rues : toujours parce qu’il n’a pas su ou n’a pas voulu se pénétrer de l’idée qu’un monument n’est pas un bâtiment bourgeois, et que le mettre en harmonie avec ce qui l’entoure et ce qui sert d’habitation, c’est justement lui ôter son caractère de dignité et de vérité relative.
Espece de drame composé ordinairement par des especes d’Auteurs, joué par des especes de comédiens, trouvé sublime par des especes de connoisseurs, & qui ameute contre les véritables drames, contre les véritables auteurs, contre les véritables acteurs, des censeurs d’autant plus dangereux, qu’ils se mettent en comparaison.
Molière ne fît donc que se conformer au goût du public et à l’usage établi, en composant ces espèces d’atellanes où, sans s’écarter de la trivialité obligée du genre, il mit du moins une bouffonnerie plus ingénieuse que celle des farces tant vantées alors de Guillot-Gorju de Gauthier-Garguille.
Il l’obtint enfin : on le mit dans une pension, et il étudia comme externe chez les Jésuites, ainsi qu’on l’a dit.
En 1609, Henri mit le comble aux ressentiments de la reine, et au scandale de la cour et de la ville, par sa passion effrénée pour Charlotte de Montmorency, qu’il avait mariée au prince de Condé, son neveu, et, selon plusieurs, son fils3. […] Bientôt aussi le talent de converser devînt le but d’une émulation vive et générale : on en vint plus tard à mettre par écrit les conversations des sociétés particulières, on les livra à l’impression : on envoya ses conversations à ses amis et à ses connaissances13.
» Il s’avisa un jour, devant Chapelain, de parler mal de la Pucelle : « C’est bien à vous à en juger, lui dit Chapelain, vous qui ne savez pas lire. » Puy-Morin lui répondit : « Je ne sais que trop lire, depuis que vous faites imprimer », et fut si content de sa réponse, qu’il voulut la mettre en vers.
Il lui en couta la vie ; car s’étant mis au lit en sortant du theâtre, sa toux redoubla, il se rompit une veine, & mourut le même jour dans sa 53. année, ou suivant d’autres, âgé de 51. ans & demi.
Je suis pourtant bien aise de vous l’expliquer mieux, & de vous dire net, que si je vous vois davantage mettre le pied dans ce logis... […] Nous avons vu que Regnard a mis aussi dans son Joueur un Marquis fanfaron, & qu’il l’a rendu tout-à-fait ridicule.
Il se joue une partie terrible pour l’un, indifférente pour l’autre ; Alceste y met pour enjeu son cœur, son sang, sa vie, sou âme ; Célimène, une demi-heure de plaisir ou d’ennui. […] Dans celle grande page de notre histoire, nous voyons le juge qui a mis la coupable au défi de se justifier, nous le voyons la supplier de vouloir bien le faire, et celle-ci refuse, et celui-là lui pardonne et la remercie.
Voulant être distinguée du roi, lui être agréable, parce qu’elle l’aimait, mais voulant son estime et conserver le respect d’elle-même, pouvait-elle employer des moyens à l’usage des femmes ordinaires, mettre en pratique cet art de plaire, cet art de la cour, qui comprend l’art de nuire à tout ce qui n’est pas soi ; à intriguer contre une favorite a qui et le doit sa place ; à lui tendre des pièges, à lui opposer d’autres femmes dont elle pourra avoir bon marché, à rechercher les occasions de s’introduire près du maître, de surprendre ses regards, de les attirer par des soins et des parures qui déguisent son âge ; à se faire vanter, célébrer par des prôneurs ; à se distinguer tantôt par la finesse de la louange, tantôt par son enthousiasme, toujours par l’à-propos ; à rappeler d’une dis tract ion, à faire revenir d’un caprice par des bouderies, par des querelles, par des minauderies ; en un mot, à pratiquer le manège d’une coquetterie subalterne ? […] Les nourrices ne mettaient la main à rien, de peur d’être fatiguées et que leur lait ne fût moins bon.
Il semble que, chez Racine comme à la cour de Louis XIV, les qualités viriles ne soient plus de mise. […] La Bruyère, qui écrivit ses Caractères vers la fin de la première moitié du règne (1687), peintre admirable de détails, n’est d’ailleurs mis par personne, je suppose, sur la même ligne que les grands moralistes qui l’ont précédé. […] Aussi depuis ce temps n’ai-je jamais dit du bien de lui. » Rapprochez de ce fait l’aventure de Fréret, mis sous Louis XV à la Bastille pour avoir avancé que les Francs pourraient bien ne pas descendre de Francus, petit-fils d’Hector, comme on l’enseignait officiellement, et vous saurez ce que pouvait être l’histoire sous l’ancien régime.
La Précieuse de Chappuzeau n’a que le ridicule de parler science ; la Madelon & la Cathos de Moliere poussent l’affectation jusques dans les conversations les plus familieres, & la façon de se mettre.
Il n’y manque point, puisqu’Isidore a pris le voile de Zaïde, & que c’est elle-même que Don Pedre met entre les mains de son rival.
Vos livres éternels ne me contentent pas ; Et, hors un gros Plutarque à mettre mes rabats, Vous devriez brûler tout ce meuble inutile, Et laisser la science aux docteurs de la ville ; M’ôter, pour faire bien, du grenier de céans Cette longue lunette à faire peur aux gens, Et cent brimborions dont l’aspect m’importune ; Ne point aller chercher ce qu’on fait dans la lune, Et vous mêler un peu de ce qu’on fait chez vous, Où nous voyons aller tout sens dessus dessous.
La pâle est aux jasmins en blancheur comparable, La noire à faire peur, une brune adorable : La maigre a de la taille & de la liberté ; La grasse est, dans son port, pleine de majesté : La mal-propre sur soi, de peu d’attraits chargée, Est mise sous le nom de beauté négligée : La géante paroît une déesse aux yeux ; La naine, un abrégé des merveilles des Cieux : L’orgueilleuse a le cœur digne d’une couronne : La fourbe a de l’esprit, la sotte est toute bonne : La trop grande parleuse est d’agréable humeur, Et la muette garde une honnête pudeur.
Mais sans nous amuser à comparer des bagatelles échappées à deux grands hommes, que la distance de leurs genres met hors de toute comparaison, remarquons plutôt que les deux scenes rapportées dans ce chapitre sont les plus charmantes des ouvrages dont elles font partie : preuve incontestable que nous ne devons rien négliger pour recueillir des richesses étrangeres, lorsque nous aurons l’art de les fondre avec adresse dans nos productions.
Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la Profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser la même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représente que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires.
Les sociétés formées des débris de l’hôtel Rambouillet, les femmes de bonne compagnie, voient sans déplaisir Molière ramener au naturel les affectations de pruderie et de bel esprit ; mais elles continuent à mettre en honneur l’honnêteté, la décence des mœurs, la pureté et l’élégance du langage, et elles parviennent à en assurer le triomphe.
Vous verrez de quelle manière se tournera cette amitié. » Le 28 juin, « Vous jugez très bien de Quantova (madame de Montespan) ; si elle peut ne point reprendre ses vieilles brisées, elle poussera sa grandeur au-delà des nues ; mais il faudrait qu’elle se mît en état d’être aimée toute l’année sans scrupule111 ; en attendant, sa maison est pleine de toute la cour ; les visites se font alternativement, et la considération est sans bornes. » Une autre lettre, du 3 juillet, porte : « Ah ! […] Une de nos folies a été de souhaiter de découvrir tous les dessous de cartes des choses que nous croyions voir et que nous ne voyions point, tout ce qui se passe dans les familles où nous trouverions de la haine, de la jalousie, de la rage, du mépris, au lieu de toutes les belles choses qu’on met au-dessus du panier ; et qui passent pour des vérités115.