1775, Anecdotes dramatiques, tome III, p. 347 Perrault dit, dans ses hommes illustres 160, que le père de Molière, fâché du parti que son fils avait pris d’aller dans les provinces jouer la comédie, le fit solliciter inutilement par tout ce qu’il avait d’amis, de quitter cette pensée. Enfin, il lui envoya le maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses études, espérant que par l’autorité que son maître avait eue sur lui pendant ce temps là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que ce bonhomme lui persuadât de quitter sa profession, le jeune Molière lui persuada de l’embrasser lui-même, et d’être le docteur de la comédie ; lui ayant représenté que le peu de latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le personnage, et que la vie qu’ils mèneraient serait bien plus agréable que celle d’un homme qui tient des pensionnaires. […] Ce bon Père lui envoya ensuite le Maître chez qui il l’avait mis en pension pendant les premières années de ses Études, espérant que par l’autorité que ce Maître avait eue sur lui pendant ces temps-là, il pourrait le ramener à son devoir ; mais bien loin que le Maître lui persuadât de quitter la profession de Comédien, le jeune Molière lui persuada d’embrasser le même Profession, et d’être le Docteur de leur Comédie, lui ayant représenté que le peu de Latin qu’il savait le rendrait capable d’en bien faire le Personnage, et que la vie qu’ils mèneraient, serait bien plus agréable que celle d’un Homme qui tient des Pensionnaires.
Il n’était pas écrit au livre du Destin, que Plaute ferait tout à coup détonner Sosie dans sa comédie d’Amphitryon. […] Il s’égaie des sots de la comédie et de leurs sottises ; mais il aime dans un exemple particulier toucher une vérité universelle. […] Le sixième jour de la fête, on promit pour le soir une comédie nouvelle de Molière, qui n’était pas encore terminée. […] Il se sentait complice, il faiblit, et défendit « pour le public » la comédie de Tartuffe. […] On se tromperait grossièrement sur la portée de cette comédie, si l’on croyait y voir une cruelle raillerie à l’adresse du mari d’Alcmène.
Supposons pour un moment qu’on nous livre les vices de toutes les professions : supposons que leurs travers, leurs ridicules ne soient pas trop bas pour la bonne comédie : supposons qu’ils soient à la portée de tout le monde : supposons que ceux de chaque profession puissent fournir le comique nécessaire pour une comédie : ce grand fonds, ce fonds immense, se bornera à une comédie par profession, encore faudra-t-il ne pas compter toutes celles qui ont déja été livrées aux coups de la Muse comique. […] Parcourons quelques-unes des comédies anciennes dans lesquelles on a joué des professions, & voyons si, à présent que les choses ont si bien changé, on pourroit remettre avec succès le même sujet sur la scene. […] LE PROCUREUR ARBITRE, Comédie en un acte, & envers, par Poisson. […] D’après cela, supposons que nous voulions mettre un homme de finance sur notre théâtre : si nous ne le présentons que par le bon côté, c’est-à-dire faisant, comme plusieurs de nos Financiers, tout le bien possible, protégeant réellement les talents, soulageant les misérables de leurs terres, nous ne peindrons que l’honnête homme riche ; nous aurons l’air de solliciter un emploi, ou un couvert à une bonne table, & nous ne ferons pas une comédie. […] Diderot ne semble-t-il pas avouer par-là qu’un homme moins gai qu’un autre peut donner la préférence au genre sérieux, par la seule raison qu’il est sérieux lui-même, & qu’il n’a pas cette gaieté nécessaire dans l’imagination & l’esprit pour faire une comédie.
L’Auteur dit dans la Préface : « En lisant les odes d’Anacréon, la troisieme & la trentieme me firent naître l’idée de cette petite comédie ; il me parut que le tableau en seroit riant ». […] Dans la comédie, l’Amour est tout de même enchaîné par des Nymphes au pied d’un arbre avec des fleurs, quand Vénus paroît & fait tomber ses liens ; mais il ne veut pas se séparer des trois Nymphes. […] Dans la comédie des Graces, l’Amour, attaché à un arbre par les Nymphes qu’il veut surprendre, est en butte à leurs railleries, & il les prie en vain de lui laisser un bras libre, comme le héros de l’histoire : il les menace comme lui de s’endormir, & leur dit que cela ne leur fera pas honneur. […] On doit donc, je crois, s’attacher à créer les sujets de ses comédies. […] J’ai encore vu une estampe représentant Ovide enchaîné par les Graces : il semble que le graveur ait copié exactement le tableau de la comédie.
Molière, poète de la cour de Conti, avait donc beau jeu pour mettre sur le théâtre de Béziers sa comédie des Précieuses ridicules. […] En 1656, l’abbé de Pure fit jouer à Paris une comédie des Précieuses, qui donna lieu à des troubles inattendus. […] Je n’ai pu me procurer la comédie des Précieuses de de Pure. […] Venons à la comédie de Molière. […] Taschereau, veulent que la comédie des Précieuses ait été faite contre l’hôtel de Rambouillet, qu’elle n’ait pas débuté en province cinq ans avant de paraître à Paris.
Louis Veuillot que la comédie de Molière était moralisatrice. […] Il y avait bien longtemps qu’on avait joué cette comédie. […] Jamais Molière n’en fait usage dans ses grandes comédies. […] C’est une comédie, et toute comédie l’amuse. […] Elle a été la joie de cette comédie.
La pièce est écrite de manière à faire voir que Campistron, qui n’a jamais pu s’élever jusqu’au style tragique, pouvait plus aisément s’approcher de la facilité élégante qui convient à la comédie noble. […] Le dénouement est comme celui de presque tontes les comédies de Térence, une reconnaissance de roman, mais cependant mieux amenée que celle de l’Eunuque du même auteur, que Brueys a conservée dans le Muet. […] Une autre épître est adressée à ce même Despréaux, à la tête de la comédie des Ménechmes. […] On peut remarquer que les Français, nation en général plus pensante que les Italiens et les Grecs, sont les seuls qui aient établi la bonne comédie sur une base de philosophie morale. […] La comédie de Regnard eut la plus complète réussite, et l’ouvrage de Dufrény échoua entièrement.
Molière [La Jalousie du Barbouillé, Le Médecin volant] Toutes les personnes un peu versées dans la littérature du théâtre savent que Molière, dans sa jeunesse, et lorsqu’il parcourait la province en jouant la comédie, a composé plusieurs farces dont les titres seuls étaient connus jusqu’ici. […] Ces farces, qui se jouaient à la suite des grandes pièces, avoient principalement pour but d’allonger convenablement la durée du spectacle, et elles ont donné naissance à nos petites comédies en un, deux ou trois actes. […] Ce n’était sûrement pas des farces insipides et abjectes que celles qui contenaient le germe des plus plaisantes scènes du Médecin malgré lui, et de George Dandin, et dont plusieurs traits ont été transportés par Molière lui-même dans ses meilleures comédies.
Ce n’est, comme le dit Molière, qu’un homme de maintenant qui traverse la foule héroïque et pittoresque du drame et de la comédie, et qui vient célébrer pour la première fois, sous la forme directe de la prose, celui qui fut un grand poète de la prose et des vers. […] Il voit aux prises la nature et la société, il devine l’éternel drame des passions mêlé aux passagères comédies de son temps. […] Tout ce monde sort du tumulte bigarré de comédie italienne et de foire du Pont-Neuf où s’ébat sa fantaisie.
Il est très facile de tirer des scenes & des situations plaisantes du nom des personnages ; mais le comique qui en résulte, me paroît tout-à-fait indigne de la grande comédie : je vais le prouver par deux exemples, l’un pris chez les Italiens, & l’autre chez les Grecs. […] Ces deux noms persuadent à tous ses braves camarades que la maréchaussée est à leurs trousses, ils se jettent à terre de frayeur ; Arlequin sur-tout meurt presque de peur, & fait des singeries très plaisantes qui ne sont, comme je l’ai dit, amenées que par des ressorts très indignes de la bonne comédie. […] LES MOTS A LA MODE, Comédie en un acte, en vers. […] La piece n’est pas sans mérite : c’est une folie, une bagatelle qui eut du succès dans le temps : mais ce qui fait réussir une folie, une bagatelle, est ordinairement ce qui nuit à une comédie dans le grand genre. Il est des pieces dans lesquelles les acteurs, à l’aide d’un nom changé, jouent un personnage qui n’est pas le leur : mais il n’est pas question dans cet article de cette espece de comédie, parceque c’est du personnage qu’ils jouent, & non du faux nom, que naissent les situations & les plaisanteries : ces pieces doivent se ranger dans la classe de celles qu’un déguisement intrigue ; il étoit essentiel de faire en passant cette remarque.
Le Malade Imaginaire, comédie ballet, en trois actes, en prose, comparée avec plusieurs scenes italiennes ; le Médecin volant de Boursault ; le Paysan qui avoit offensé son Seigneur, Conte de la Fontaine ; la Foire des Poëtes, comédie. […] Cette comédie-là est de fort mauvais exemple. […] La même idée a été depuis assez heureusement renouvellée dans une comédie intitulée La Foire des Poëtes. […] ne sont-elles pas sublimes pour la comédie ? […] Pantalon de la comédie italienne.
On eut soin même de lui faire obtenir la survivance de la charge de valet de chambre tapissier chez le roi ; mais son aversion pour sa profession, et son penchant pour l’étude l’engagèrent à solliciter son grand-père qui le menait quelquefois à la comédie à l’hôtel de Bourgogne, de porter son père à le faire étudier. […] À son retour à Paris, sa passion pour la comédie qui l’avait déterminé à faire ses études, se réveilla, et il résolut de la satisfaire en devenant en même temps comédien et auteur. […] Poquelin qui prit alors le nom de Moliere faisait de petites comédies pour les provinces, Le docteur amoureux, Les trois docteurs rivaux, Le maître d’école, et quelques autres qui n’ont point été imprimées.
On comprend qu’un homme ainsi bâti n’ait jamais pu s’imposer au public dans les amoureux tragiques ; mais, mieux fait et avec des traits plus fins, aurait-il réussi complètement dans la comédie et dans la farce ? […] D’autre part, si l’on trouve ici la vérité choquante, c’est que, le plus souvent, lorsque l’on songe à Molière, on ne considère que le grand écrivain et pas du tout l’acteur, quoique la comédie jouée ait tenu autant de place dans son existence que la comédie écrite ; on ne veut voir l’auteur du Misanthrope que sous de nobles traits. […] Donneau de Visé, dans sa comédie de Zélinde, fait ainsi parler un marchand de la rue Saint-Denis : « Élomire n’a pas dit une parole. […] Lorsque, dans la Critique de l’École des femmes, il instituait son fameux parallèle entre la comédie et la tragédie, il y avait pas mal de rancune dans le dédain qu’il affectait pour celle-ci. […] Cette nature d’esprit, non-seulement se conciliait très bien avec celle de la comédie, mais elle y était jusqu’à un certain point nécessaire.
Comment la comédie peut-elle exciter l’intérêt et la gaîté? […] En faisant de l’exposition de la vertu le but des comédies, le spectacle, manquant d’attrait, serait déserté. […] Et cependant, en travaillant à ses comédies, il ne se doutait probablement pas plus qu’il faisait de la psychologie que M. […] La marche qui m’a paru la plus naturelle à suivre dans cette étude consiste à montrer ces effets dans ses principales comédies. […] Ce sont ces compléments indispensables que Molière a su mettre en relief dans ses comédies.
Je défie le Philosophe le plus grave, l’homme le plus ami du bon genre, de ne pas s’amuser aux représentations de cette comédie, toute monstrueuse qu’elle est ; il sourira du moins lorsque la plus grande partie des spectateurs sera dans l’admiration. […] J’ai entendu dire à l’inimitable Carlin un mot bien précieux, que je rapporterai : c’étoit après la représentation d’une comédie à grand spectacle, dans laquelle il avoit joué le premier rôle. […] Nous n’avons pas fait mention dans le Chapitre précédent de la Princesse d’Elide de Moliere, ni de sa Psyché, quoique ces deux pieces soient héroïques : nous n’en dirons rien dans celui-ci, quoique toutes les deux soient des pieces à spectacle : nous en parlerons dans le Chapitre suivant, parceque l’Auteur les a rangées dans la classe des Comédies-Ballets : ce qui prouve suffisamment que nos pieces à spectacle, nos Comédies-Ballets, ainsi que nos Comédies héroïques, ont toutes pris naissance, comme je l’ai dit, des Comédies héroïques des Espagnols.
Je demande encore ce que c’est que la comédie ? […] Accoutumons-nous donc à juger de toutes les parties de la comédie, eu égard à l’action, à la scene seulement, & oublions tout-à-fait le spectateur. […] On appelle cela montrer la comédie. […] Il surprit un soir à la comédie des signes d’intelligence qui lui firent soupçonner un rendez-vous : pour s’en assurer tout-à-fait il se retira, il donna ordre à un de ses gens d’attendre le Marquis à la porte, & de ne pas le perdre de vue. […] Quelques jours après son combat, déja guéri de sa blessure, il va à la comédie ; il voit dans le foyer mon héroïne entourée d’un essaim de jeunes gens, qui soupiroient après la pomme de discorde.
Térence, Plaute ont puisé les sujets de leurs comédies dans le Théâtre grec, & l’ont avoué dans leurs prologues. […] Nous avons assez parlé des parties de la comédie & de ses différents genres, pour savoir apprécier les changements heureux ou malheureux que notre guide fera, & pour nous instruire en même-temps dans l’art de l’imitation, art si difficile, que lui seul l’a connu supérieurement : c’est ce que nous prouverons encore en plaçant quelquefois Moliere imité à côté de Moliere imitateur, & en mettant sous les yeux du public les imitations de tous nos Auteurs, depuis Moliere jusqu’à nous. […] Il est singulier que notre théâtre doive à l’Espagne la premiere tragédie intéressante & la premiere comédie de caractere.
Les Auteurs doivent toujours, par préférence, faire choix des caracteres principaux, parcequ’ils sont plus frappants & bien plus propres à fournir l’action nécessaire à une Comédie que les caracteres accessoires, puisque ceux-ci ne sont qu’un diminutif des autres dont ils émanent : la chose est bien facile à prouver. […] Imitons Moliere : tous les héros de ses pieces à caractere ont des caracteres principaux, témoins son Misanthrope, son Imposteur, son Avare, ses Femmes savantes, son Prince jaloux même ; aucun héros de ces différentes comédies n’est caractérisé par des demi-teintes, & des nuances seulement. […] LE SAGE ÉTOURDI, Comédie en vers, en trois actes. […] LE JALOUX HONTEUX, Comédie en prose, & en cinq actes. […] Collé, si connu par des comédies charmantes, n’auroit pas été forcé de la réduire en trois actes pour en conserver les beautés.
Enfin j’ai vu semel & bis La perle, la fleur des Marquis, De la façon du sieur Moliere, Si plaisante & si singuliere : Tout est, dans ce sujet follet De comédie & de ballet, Digne de son rare génie, Qu’il tourne certe & qu’il manie Comme il lui plaît incessamment, Avec un nouvel agrément, Comme il tourne aussi sa personne, Ce qui pas moins ne nous étonne, Selon les sujets, comme il veut. […] De toutes les imitations, celles qu’on fait d’après la nature même sont les meilleures & les plus flatteuses pour l’Auteur ; mais dans celle-ci Moliere s’est borné sans doute à copier l’habit ou l’allure de son Limousin, puisque tout ce qui arrive au héros de la piece est imité de deux autres comédies, & d’un roman de Scarron. […] Je n’ai pu me procurer la comédie italienne, parcequ’elle est fort rare, on en verra la raison dans l’article du Bourgeois Gentilhomme ; mais j’ai parlé à plusieurs acteurs qui la connoissent parfaitement, qui l’ont même représentée. […] La fausse reconnoissance est beaucoup mieux filée dans la comédie que dans le roman ; mais si Mendoce mourant de faim se laisse trop facilement persuader par l’offre qu’Ordogno lui fait de le régaler, il est encore moins naturel que Pourceaugnac accepte un logement chez Eraste.
Il n’entre pas dans mon sujet d’examiner si le fond de cette comédie est moral. […] La reine-mère, malgré sa dévotion, à la vérité de fraîche date, mais qui ne devait en être que plus sévère, permit que cette nouvelle comédie lui fût dédiée. […] Racine, celui des quatre amis dont le caractère avait le plus d’élévation, celui à qui les autres étaient le moins nécessaires, celui dont la marche était la plus sûre à la cour, n’aidait de son talent, ni même n’accréditait par une approbation éclatante, ni la satire directe, ni la comédie satirique ; mais s’il n’était pas celui qui se fît le plus craindre de l’ennemi, c’était celui qui flattait le plus noblement le maître, celui dont l’éloge avait le plus de poids, et qui donnait à l’agrégation des quatre amis le plus de sûreté et de stabilité, parce qu’il était celui qui affectionnait le plus les autres et avait au plus haut degré leur confiance. […] On est ravi de découvrir ce qu’il y peut avoir à redire ; et, pour tomber dans l’exemple, il y avait l’autre jours des femmes à cette comédie, vis-à-vis de la loge où nous étions, qui, par les mines qu’elles affectèrent durant toute la pièce, leurs détournements de tête, et leurs cachements de visage, firent dire de tous côtés cent sottises de leur conduite, que l’on n’aurait pas dites sans cela ; et quelqu’un même des laquais cria tout haut, qu’elles étaient plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps 59. » L’autorité que je reconnais à Molière ne m’empêchera pas de dire qu’il y a peu de bonne foi à reprocher aux critiques d’avoir donné un sens criminel aux plus innocentes paroles et de s’offenser de l’ombre des choses.
La comédie de l’Étourdi est la première des pièces imprimées et connues de Molière ; mais auparavant il avait fait quelques farces, telles que Le Docteur amoureux, Les trois Docteurs rivaux, le Maître d’Éole, dont il ne reste que le titre ; Le Médecin volant et La jalousie de Barbouillé, que quelques curieux ont conservé, et dont Molière a employé quelques traits dans d’autres pièces. […] La bonne comédie naît enfin avec les Précieuses Ridicules ; ce n’était pas encore la perfection du genre, mais c’était l’ébauche du genre le plus parfait ; c’était à quelques égards, une farce, mais une farce morale et philosophique ; si le comique était un peu chargé, il était fort, il était vrai. […] Si l’on considère Molière comme acteur, si l’on veut savoir quels furent ses talents pour la déclamation, l’auteur répond assez du comédien ; on sent qu’il n’a pu lui manquer que les avantages extérieurs ; on dit qu’en effet ils lui manquèrent ; qu’une voix sourde, des infléxions dures, une volubilité désagréable le forcèrent d’abandonner la déclamation tragique, dont sa seule présence, en rappellant si vivement la comédie, devait trop affaiblir l’impression.
Pour le peintre et le sculpteur, l’art est une belle tête sur la toile, qui nous fasse penser, ou un beau corps de marbre, qui nous émeuve ; pour le comédien, une bonne comédie qui fasse rire. […] Qui ne condamnera, au point de vue moral, toute la longue comédie de l’Etourdi 232, où, d’un bout à l’autre, l’auteur étale la conduite d’un fils débauché, doublé d’un valet digne des galères233, travaillant ensemble, de la façon la plus plaisante du monde, à duper et à voler un vieux père et son vieil ami234 ? […] La comédie s’ouvre sur cette belle déclaration, prononcée doctoralement par l’admirable Mascarille : D’un censeur de plaisirs ai-je fort l’encolure, Et Mascarille est-il l’ennemi de nature ? […] Quand on se demande quel est l’honnête homme de Molière, on se dit qu’en somme c’est celui qui fuit tous les vices, qui évite tous les travers condamnés et flagellés dans tant de comédies excellentes ; et qui sait, comme le Clitandre des Femmes savantes, à toutes les qualités de la fortune270, de l’esprit271, de la naissance272, joindre des mœurs pures, une probité intacte273, une franchise pleine d’honneur274, une bienveillance indulgente275, une tendresse de cœur élevée276, un dévouement et un désintéressement absolus277. […] V des Maximes et Réflexions sur la Comédie de Bossuet : Si la comédie d’aujourd’hui purifie l’amour sensuel en le faisant aboutir au mariage : « Encore que vous ôtiez en apparence à l’amour profane ce grossier et cet illicite dont on auroit honte, etc. » Ce n’est que par convenance que la belle marquise finit par épouser Dorante.
Il est dans la Coquette de Baron, comédie en prose, en cinq actes. […] Un homme animé par l’esprit de la vraie comédie, les différencie avec art, & sait jetter de la variété même dans un seul ; témoin celui-ci qui est dans l’Andrienne. […] Dans le Babillard, comédie en un acte, en vers, de Boissy, Léandre impatiente par son caquet six femmes auxquelles il ne donne pas le temps de placer un seul mot dans la conversation. […] Voilà, je crois, tout ce qu’on peut dire pour & contre les monologues ; & s’il étoit permis de plaisanter dans un ouvrage qui traite de la comédie, on pourroit ajouter, comme la bonne casse est bonne 37, de même les bons monologues sont bons : il est question de les bien faire. […] Il nous reste vingt comédies de lui.
Les Auteurs qui ont traité de l’art de la comédie, ont presque tous fait de grands raisonnements pour expliquer ce que signifie le mot de catastrophe ; pour moi, je dirai tout uniment, d’après Scaliger 66, que la catastrophe, dans la comédie, est une révolution aussi heureuse que prompte dans les affaires des personnages. […] Il est question dans les deux comédies de rompre un hymen projetté par l’intérêt, pour en faire un plus heureux & mieux assorti : dans les deux comédies on en vient à bout par une fausse nouvelle qu’on annonce. […] Il nous resteroit encore à décider dans quelle occasion les maîtres ou les valets peuvent faire le dénouement ; mais comme cela dépend du Genre de la piece, nous raisonnerons là-dessus dans le volume suivant que nous destinons tout entier aux divers Genres de la Comédie.
Les Précieuses ridicules, comédie en un acte & en prose, comparée pour le fond & les détails avec le Cercle des Femmes, ou le Secret du Lit nuptial, & l’Académie des Femmes, Pieces de Chappuzeau. […] Je sais qu’à la représentation des Précieuses, un vieillard, frappé par la vérité des portraits qu’on lui présentoit, s’écria : Courage, Moliere, voilà la bonne Comédie : je sais que Ménage, en sortant de la premiere représentation, dit à Chapelain : « Nous approuvions, vous & moi, toutes les sottises qui viennent d’être critiquées si finement & avec tant de bon sens ; croyez-moi, il nous faudra brûler ce que nous avons adoré, & adorer ce que nous avons brûlé » : je sais enfin que Moliere a si fort ridiculisé ses originaux, qu’ils ont disparu, & que cependant nous voyons la piece avec plaisir10. […] L’Abbé de Pure a fait aussi une piece intitulée les Précieuses ; mais en parlant de cette comédie on ne pourroit que répéter ce que Boileau disoit d’Agésilas : Hélas !
Projet d’un traité sur la comédie La Comédie représente les mœurs des hommes dans une condition privée. […] Despréaux, que Molière, qui peint avec tant de beauté les mœurs de son pays, tombe trop bas, quand il imite le badinage de la Comédie italienne : Dans ce sac ridicule, où Scapin s’enveloppe,Despr.
La comédie de l’art recouvra une partie de ses droits sous ce directeur, qui était un acteur excellent. […] « Parmi les soggetti, les sujets, sortis de mon débile cerveau, dit-il, c’est celui qui a été le plus généralement accepté par les comédiens, le plus applaudi du roi de France, des princes de Savoie et d’Italie et de tout le monde. » Elle continua à servir de canevas pour la comédie improvisée, ainsi qu’on peut s’en assurer, du reste, par une analyse de ce canevas, différent de la pièce en plus d’un point, que Cailhava a publiée25 et qu’il a donnée à tort pour l’analyse de l’œuvre même de Beltrame. […] Mais dans ses autres compositions il fut moins fidèle aux traditions de la comédie de l’art ; il céda, à son tour, à la tendance qui emportait le théâtre italien vers les complications extravagantes et les spectacles fantastiques. […] L’Art de la Comédie, tome II, page 6.
Au-dessous, de chaque côté du piédestal, sont deux figures en marbre blanc, qui tiennent des légendes où sont inscrites, par ordre chronologique, les pièces de Molière ; ces deux figures représentent la comédie grave et la comédie enjouée ; enfin en bas se trouve un bassin octogone dans lequel trois têtes de lion crachent l’eau. […] Pradier ; il en a encore donné une preuve dans ces deux figures de muses qui décorent la fontaine Molière, la Comédie grave et la Comédie enjouée. […] Pradier ; la tête de la Comédie enjouée, copiée sur la tête de l’Ariane antique, est par cela même d’un meilleur caractère que celle de sa compagne, qui manque d’esprit et d’élévation.
Il semble, à l’entendre parler, que le Jeu de la Comédie soit aussi difficile à acquérir que l’Art de Prêcher. […] L’Auteur détaille assez la Comédie du Tartuffe pour ceux qui ne savent pas ce qui se passa à l’occasion de cette Pièce. […] La Scène du Courtisan Extravagant n’est point un morceau à mettre dans un Livre, elle n’est bonne que pour une Comédie ; elle est toute écrite, il n’y aurait qu’à la placer. […] Roselis, très honnête homme, lui conseilla, sans balancer, de se faire Jésuite, Mais le jeune homme, qui croyait que ses talents pour la Comédie détermineraient son conseil de ce côté-là, fut fort étonné de le trouver opposé à sa passion. […] Et supposé qu’il ait jamais parlé aussi étourdiment, l’Auteur devait sauver [cette peinture mortifiantea] à une troupe de gens qui ne lui ont rien fait, que de le divertir quand il a voulu aller à la Comédie.
Est-ce par nécessité de comédie, et pour fournir un dénouement que tous ces beaux amours aboutissent au mariage496 ? […] Cette triple leçon est reprise sans cesse, de cent manières diverses, et il n’y a, pour ainsi dire, pas une comédie où elle ne se trouve plus ou moins accentuée. […] On est encore ici en contradiction avec Bossuet, Maximes et réflexions sur la comédie, chap. V, Si la comédie d’aujourd’hui purifie l’amour sensuel en le faisant aboutir au mariage, et chap. VI, Ce que c’est que les mariages du théâtre : « On commence par se livrer aux impressions de l’amour sensuel ; le remède des réflexions ou du mariage vient trop tard ; déjà le faible du cœur est attaqué, s’il n’est vaincu ; et l’union conjugale, trop grave et trop sérieuse pour passionner un spectateur qui ne cherche que le plaisir, n’est que par façon et pour la forme dans la comédie… Toute comédie, selon l’idée de nos jours, veut inspirer le plaisir d’aimer ; on en regarde les personnages, non pas comme gens qui épousent, mais comme amants ; et c’est amant qu’on veut être, sans songer à ce qu’on pourra devenir après (chap.
L’Abbé Pellegrin dit dans un Mercure de ce temps-là « qu’on la revit à la reprise comme une farce pleine de gaieté, au lieu que l’Auteur l’avoit donnée comme une comédie dans les formes ». […] LE RETOUR IMPRÉVU, comédie en un acte, en prose. […] Pierre de Larivey, dans sa comédie intitulée les Esprits, & Montfleury, dans le premier acte du Comédien poëte, en avoient fait usage avant Regnard. […] Quant au fond de la comédie, Regnard n’a fait que mettre en action une aventure arrivée dans le Languedoc. […] Cette comédie ressemble à la fausse Agnès & à la finta Pazza.
Les scenes les plus plaisantes sont prises de l’Ecole des Filles, comédie de Montfleury. […] Cette comédie eut sept représentations. […] Quant au dénouement de la comédie, comment MM. […] Cette comédie eut vingt-trois représentations. […] Il est aisé de voir que les deux histoires rapportées en abrégé sont fondues dans cette comédie.