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19. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XII » pp. 100-108

La période de 1650 à 1660 va nous montrer une triple opposition : celle des mœurs dissolues et débordées de la cour et de la capitale, d’un côté, avec les mœurs retenues de la société spirituelle, décente et polie de l’autre, avec les précieuses ridicules. Pour bien saisir cette opposition d’esprit et de mœurs, il est nécessaire de se faire une idée juste des trois partis opposés, à commencer par celui de la cour et de la Fronde qui servirent de modèle à la multitude ; viendra ensuite l’étude de la société d’élite ; et enfin celle des précieuses. […] Ici il ne s’agit que des mœurs d’exception, de la société dite des précieuses, et de la société d’élite que j’appelle la société polie.

20. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE X. Du Père, de la Famille, de l’Etat. » pp. 193-216

Des domestiques si précieux et si rares, s’ils existent, sont produits lentement, à force de soins et d’exemples, par l’esprit de famille : c’est un fruit que les enfants doivent aux vertus des parents, aux traditions d’ordre et de bonté des aïeules et des mères ; et si l’on n’en trouve plus de tels aujourd’hui, c’est que l’esprit de famille s’en est allé de notre société, par notre faute, et aussi par celle de Molière. […] La Jalousie du Barbouillé, le Médecin volant, les Précieuses ridicules, le Cocu imaginaire. […] Les Précieuses ridicules, sc. […] Voir le Récit en prose et en vers de la Farce des Précieuses (Paris, 1660), cité par Aimé Martin. […] Les Précieuses ridicules, sc.

21. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Il est à la fois doux et pénible de succéder à ceux qui nous furent chers : quelque beau que soit l’héritage, il est moins précieux par les jouissances qu’il promet, que par les souvenirs qu’il perpétue. […] Il faut le dire, Messieurs, nous avons un peu négligé ce précieux héritage de la gaieté de nos pères. […] Riche, il avait eu le vrai luxe d’un homme de lettres : il avait placé ses fonds dans sa bibliothèque ; par malheur ses livres les plus précieux étaient couverts d’armoiries, il fut une époque où c’était un grand crime ; et M.  […] La manie de l’analyse succède à l’esprit d’observation ; le précieux, au naturel ; la manière, à la grâce.

22. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE IX. De l’Adultère et des Amours faciles. » pp. 166-192

Peut-être pourrait-on dire que nous sommes plus délicats aujourd’hui qu’on ne l’était il y a deux siècles, et que nous affectons d’être « plus chastes des oreilles que de tout le reste du corps615 ; » il est vrai que le mot grivois ou gaulois, si l’on veut, était alors admis partout, excepté chez les précieuses, et que les dames même ne faisaient point de façon d’en rire : c’était une suite de la licence du seizième siècle616. […] Molière la terreur des précieuses, Molière le peintre d’Henriette, a usé son temps et son génie à collaborer avec Quinault pour chanter ...ces lieux communs de morale lubrique Que Lulli réchauffa des sons de sa musique619. […] On croit inutile d’insister sur celte assimilation des amours des hommes et des amours des bêtes : Molière, d’ailleurs, fait prononcer la moralité de tout cela par l’Egyptienne et les Egyptiens qui chantent à la fin de la Pastorale : Croyez-moi, hâtons-nous, ma Sylvie, Usons bien des moments précieux ; Contentons ici notre envie ; De nos ans le feu nous y convie ; Nous ne saurions, vous et moi, faire mieux. […] Rien peut-il égaler ses charmes précieux ? […] On réprouvera les discours où ce rigoureux cen-seur des grands canons, ce grave réformateur des mines et des expressions de nos précieuses, étale cependant au plus grand jour les avantages d’une infâme to¬lérance dans les maris, et sollicite les femmes à de honteuses vengeances contre leurs jaloux. » Maximes et Réflexions sur la Comédie, chap.

23. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Les Précieuses ridicules. […] Mot de Ménage au sujet de la pièce des Précieuses ; exclamation d’un vieillard au parterre. […] Grand succès des Précieuses. — 1660. […] Ce fut chez M. de Guénégaud, qui demanda L’Étourdi et Les Précieuses. […] Le Tellier ; puis le 4 mars, Les Précieuses « chez madame Sanguin pour M. le Prince » ; puis le 8, Les Précieuses encore chez le chevalier de Gramont ; puis le 10, toujours Les Précieuses, chez madame la maréchale de L’Hôpital.

24. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Entre les sociétés que j’ai citées comme formées de la composition de l’ancienne maison Rambouillet, je n’ai eu garde de citer ni l’hôtel de Nevers, ni l’hôtel de Bouillon, ni l’hôtel de Soissons, qui formèrent une coterie à part, incompatible avec les précieuses, encore plus avec la bonne compagnie, une coterie trop diffamée pour la cour même, et qui appartenait à la classe des sociétés dissolues de la capitale. […] La dixième satire de l’auteur, publiée en 1693 contre les femmes, parle d’une                                                    Précieuse, Reste de ces esprits jadis si renommés, Que d’un coup de son art Molière a diffamés… C’est chez elle toujours que de fades auteurs S’en vont se consoler du mépris des lecteurs ; Elle y reçoit leur plainte, et sa docte demeure. […] Enfin le poète suppose à sa précieuse une docte demeure, toujours ouverte aux beaux esprits, où se tiennent les bureaux du faux bel esprit, où s’étale une école de mauvais sens prêché par une folle ; aucun de ces traits n’est applicable à madame Deshoulières, qui n’était point une folle, qui ne tenait point école, qui n’avait point de maison, point de cercle, qui était fort pauvre, allait dans le monde chercher le monde, et passait une grande partie de son temps à l’hôtel de Nevers. S’il faut absolument adapter un nom propre au portrait peut-être idéal de cette précieuse, pourquoi ne prendrait-on pas celui de mademoiselle de Scudéry ? […] On me dit que je repousse en vain dans les nuages le véritable nom de la précieuse que Boileau avait en vue ; qu’il s’agit de madame de Sévigné dans la satire de 1693.

25. (1882) L’Arnolphe de Molière pp. 1-98

Mais la première du Misanthrope ne fut pas une bataille, elle ne fit pas date dans la vie de Molière, comme celle des Précieuses ou celle de Tartufe, ou celle- enfin de l’École des femmes. […] Le règne des Précieuses n’est pas consommé. […] Ces loges, où sont nos précieuses, sont fort incommodes ; on n’y voit guère ; mais l’important est qu’on soit vue. […] Mais cette similitude ne paraît point goûtée de nos précieuses ; et en voilà qui font des haut-le-corps… La femme un potage ! […] Les précieuses, appuyées des auteurs et des comédiens, essayaient leur revanche ; et les dévots se mirent de la partie ; sous l’étincelante cour du jeune roi, ils creusaient déjà les sapes par où ils devaient plus tard s’introduire dans la place.

26. (1800) De la comédie dans le siècle de Louis XIV (Lycée, t. II, chap. VI) pp. 204-293

Les Précieuses ridicules, quoique ce ne fût qu’un acte sans intrigue, firent une véritable révolution : l’on vit pour la première fois sur la scène le tableau d’un ridicule réel et la critique de la société. […] Il faut sans doute estimer le grand sens de ce vieillard qui, à la représentation des Précieuses, cria du milieu du parterre : Courage, Molière! […] Elle est soutenue d’un de ces marquis turlupins que Molière avait joués déjà dans les Précieuses, en y faisant voir des valets qui étaient les singes de leurs maîtres. […] Il s’étendit même à d’autres objets, et l’on dit depuis, non seulement une femme précieuse, mais un style précieux, un ton précieux, toutes les fois que l’on voulut désigner l’affectation d’être agréable. […] Molière, qui l’avait déjà attaqué dans les Précieuses, l’acheva dans les Femmes savantes.

27. (1775) Anecdotes dramatiques [extraits sur Molière]

L’Étourdi reparut à Béziers avec un nouveau succès ; le Dépit Amoureux et les Précieuses Ridicules y entraînèrent tous les suffrages ; on donna même des applaudissements à quelques Farces, qui, par leur constitution irrégulière, méritaient à peine le nom de Comédies, telles que le Docteur amoureux, les Trois Docteurs Rivaux, etc. […] Le jargon des Précieuses ridicules disparut ; celui des Femmes Savantes devint intelligible. […] Le jargon des Précieuses ridicules disparut ; celui des Femmes Savantes devint intelligible. […] Tome III, p. 467 Somaise*, (Antoine Bodeau de) vivait du temps de Molière, dont il se déclara l’ennemi ; il l’attaqua dans toutes ses Préfaces, et fit contre lui les Véritables précieuses, le Procès des précieuses ; il mit en Vers les Précieuses ridicules. […] Il est l’auteur d’un Dictionnaire français (1680), témoignage précieux sur la langue du XVIIe siècle, notamment sur la langue familière, et d’une Versification française (1671).

28. (1788) Molière (Dictionnaire encyclopédique) « article » pp. 588-589

La bonne comédie naît enfin avec les Précieuses Ridicules ; ce n’était pas encore la perfection du genre, mais c’était l’ébauche du genre le plus parfait ; c’était à quelques égards, une farce, mais une farce morale et philosophique ; si le comique était un peu chargé, il était fort, il était vrai. Corneille avait oublié de punir son Menteur, et par là il avait privé sa fable de moralité ; Molière punit ses Précieuses par un affront sanglant qu’elles s’attirent, et par là il a mérité d’être regardé comme l’inventeur du comique de caractère moral.

29. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

M. de Molière a donc fait un grand nombre de comédies, tant en vers qu’en prose que l’on a partagées en sept volumes, dont le premier en comprend 4. savoir, Les Précieuses ridicules, Le C[ocu] imaginaire, ou Sganarelle, L’Étourdi ou Les Contretemps, et Le Dépit amoureux. […] La Précieuse à tes bons mots A reconnu son faux Mérite. […] Tous ces grands défauts à la correction desquels on veut qu’il se soit appliqué, ne sont pas tant des qualités vicieuses ou criminelles que quelque faut goût, quelque sot entêtement, quelques affectations ridicules, telles que celles qu’il a reprises assez à propos dans les prudes, les précieuses, dans ceux qui outrent les modes, qui s’érigent en marquis, qui parlent incessamment de leur noblesse, qui ont toujours quelque poésie de leur façon à montrer aux gens.

30. (1732) Jean-Baptiste Pocquelin de Molière (Le Parnasse françois) [graphies originales] « CII. JEAN-BAPTISTE POCQUELIN. DE MOLIERE, Le Prince des Poëtes Comiques en France, & celebre Acteur, né à Paris l’an 1620. mort le 17. Fevrier de l’année 1673. » pp. 308-320

La Troupe passa en Languedoc, où Moliere fut reçu très-favorablement de M. le Prince de Conti : il y fit representer l’Etourdi, le Dépit amoureux & les Précieuses ridicules. […] Novembre 1659. des Précieuses ridicules de Moliere au petit Bourbon. […]      Ta Muse en jouant l’Hyppocrite,    A redressé les faux dévots ; La Précieuse à tes bons mots,    A reconnu son faux merite. […] Les Précieuses ridicules, Comédie en Prose, un Acte, 1658.

31. (1739) Vie de Molière

Molière joua devant lui l’Étourdi, le Dépit amoureux, et les Précieuses ridicules. Cette petite pièce des Précieuses faite en province, prouve assez que son auteur n’avait eu en vue que les ridicules des provinciales. […] Les provinces, qui outrent toutes les modes, avaient encore renchéri sur ce ridicule : les femmes qui se piquaient de cette espèce de bel esprit s’appelaient précieuses ; ce nom, si décrié depuis par la pièce de Molière, était alors honorable ; et Molière même dit dans sa préface, qu’il a beaucoup de respect pour les véritables Précieuses, et qu’il n’a voulu jouer que les fausses. […] Un certain Antoine Bodeau fit les Véritables Précieuses ; on parodia la pièce de Molière : mais toutes ces critiques et ces parodies sont tombées dans l’oubli qu’elles méritaient. […] L’envie de se distinguer a ramené depuis le style des Précieuses ; on le retrouve encore dans plusieurs livres modernes.

32. (1861) Molière (Corneille, Racine et Molière) pp. 309-514

Telle est la vraie portée de cette réforme du goût, que commencèrent Les Précieuses ridicules. La lutte engagée par Molière contre le faux goût eut un résultat pour nous bien précieux. […] De tous les traits dont il a dessiné la physionomie de Tartuffe, celui-là est le plus précieux; il couronne l’œuvre, il achève ce type immortel. […] Elle a une qualité précieuse, qui en suppose beaucoup d’autres et qui en double le prix : elle est parfaitement naturelle. […] Il a écrit telle pièce qui est une exécution dans les formes, Les Précieuses ridicules, par exemple.

33. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VIII. Le Mariage. » pp. 145-165

Molière, dans la société polie du dix-septième siècle, et dans l’élite même de celte société, vit des roués et des précieuses. Il s’en prit d’abord aux précieuses. […] Les Précieuses ridicules, sc. […] Les Précieuses ridicules, sc.

34. (1759) Moliere (Grand Dictionnaire historique, éd. 1759) [graphies originales] « article » pp. 604-605

Il fit aussi en province, & y joua, le Dépit amoureux & les Précieuses ridicules, en présence du prince de Conti qui tenoit les états de Languedoc à Béziers. […] Les Précieuses, les Petits maîtres & les Médecins, ont été les principaux objets de sa satyre.

35. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

Il est toujours naturel quand il écrit au marquis de Salle, depuis duc de Montausier, à mademoiselle de Rambouillet, à la marquise sa mère, au marquis de Pisani son frère : ses lettres sont l’opposé, quand elles s’adressent à des précieuses 23. […] On trouve même dans une de celles qu’il écrit à Costar24, une critique du style précieux, lettre qui est fort remarquable sous sa plume.

36. (1892) Vie de J.-B. P. Molière : Histoire de son théâtre et de sa troupe pp. 2-405

L’abbé de Pure avait composé un roman, La Précieuse ou le Mystère de la ruelle. […] La royauté des précieuses était donc menacée ; il y avait des ferments de révolte. […] Le 18 novembre 1659, la troupe de Monsieur joua Les Précieuses Ridicules. […] Antoine Baudeau, sieur de Somaize, se mit à composer coup sur coup Le Grand dictionnaire des précieuses, Les Véritables précieuses, Le Procès des précieuses, La Pompe funèbre d’une précieuse, et cela tout en injuriant Molière, qu’il exploitait, copiait, travestissait, et bien plus, qu’il traduisait en vers pour le maltraiter plus sûrement. […] Aussitôt qu’il en trouva l’occasion, il eut soin d’établir avec une nouvelle insistance la distinction qu’il avait indiquée dans sa pièce entre les véritables précieuses et les précieuses ridicules.

37. (1769) Éloge de Molière pp. 1-35

Le mélange ridicule de l’ancienne barbarie et du faux bel esprit moderne avait produit le jargon des Précieuses. […] Celui que Molière attaqua dans les Précieuses fut anéanti ; mais l’ouvrage survécut à l’ennemi qu’il combattait. […] Le prodigieux succès des Précieuses, en apprenant à Molière le secret de ses forces, lui montra l’usage qu’il en devait faire. […] Mais en même temps l’Auteur montre, par la supériorité constante d’Alceste sur tous les autres personnages, que la vertu, malgré les ridicules où son austérité l’expose, éclipse tout ce qui l’environne ; et l’or qui a reçu l’alliage n’en est pas moins le plus précieux des métaux. […] Il étudiait l’homme dans toutes les situations ; il épiait surtout ce premier sentiment si précieux, ce mouvement involontaire qui échappe à l’âme dans sa surprise, qui révèle le secret du caractère, et qu’on pourrait appeler le mot du cœur.

38. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope. Et cependant on nous assure aujourd’hui qu’il en voulait à la société de l’hôtel de Rambouillet, dissoute depuis près de quinze ans, quand Les Précieuses ridicules ont paru.

39. (1919) Molière (Histoire de la littérature française classique (1515-1830), t. II, chap. IV) pp. 382-454

La Notice que La Grange plaça en 1682 à la tête de son édition des œuvres de Molière, nous est infiniment plus précieuse, en ce qui concerne les pérégrinations en province et les dates surtout des représentations. […] Précieuses en épurant la langue, fondateurs d’ordres religieux, jansénistes, tous ont combattu « Physis » ou en ont proclamé l’insuffisance. […] Je passe rapidement sur ses premières pièces  : l’Etourdi, le Dépit Amoureux, les Précieuses ridicules, Sganarelle, l’Ecole des Maris. […] C’est qu’aussi bien faire des métaphores qui se suivent était le lot et le privilège des Précieux. […] Et puisque rien n’est plus « précieux » que de vouloir faire un sort à chaque mot, on conçoit que rien n’ait répugné davantage au grand ennemi de la préciosité.

40. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Les véritables précieuses ne furent pas dupes du détour ; elles se tinrent pour averties, et elles renoncèrent du mieux qu’il leur fut possible, au platonisme hypocrite et au jargon quintessencié qui venait de faire rire tout Paris à leurs dépens. […] Débusquées, pour ainsi dire, du genre précieux, elles se retranchèrent dans le genre pédant. […] Descartes avait mis à la mode la physique transcendante, et nos précieuses réformées n’avaient pas été les moins ardentes à se perdre dans les spéculations de la philosophie corpusculaire. […] Ni Clitandre, ni Henriette ne sont indiqués dans Les Précieuses ridicules ; mais ils le sont l’un et l’autre dans La Critique de l’École des femmes. […] A l’appui de cette vaine supposition, on a rappelé que la mort de madame de Montausier, la grande maîtresse de l’ordre des précieuses, avait précédé d’un an la représentation des Femmes savantes.

41. (1812) Essai sur la comédie, suivi d’analyses du Misanthrope et du Tartuffe pp. 4-32

Par ce moyen, ils ont ménagé le peu d’étendue de leur sujet principal, par la richesse, la variété de leurs portraits ; ils ont racheté les développements si précieux de la comédie de caractère, et ont instruit et amusé en même temps leurs spectateurs. […] Quel talent, quelle force comique Molière n’a-t-il pas déployé dans les Précieuses ridicules ! […] Le peuple a perdu son caractère primitif, il n’a plus ce naturel si précieux qui seul peut distinguer le faux du vrai ; seulement l’éducation ne l’ayant pas poli, il a conservé quelque chose du langage grossier de ses pères. […] gloire à ce génie immortel qui, d’un seul effort renversant tous les obstacles que l’art semblait avoir accumulés, donne une des leçons les plus intéressantes que présente la scène, crée un chef-d’œuvre rempli de beautés du premier ordre, et qui, réunissant les qualités les plus précieuses, offre ce que l’éloquence a de plus sublime, l’intérêt de plus pathétique, le comique de plus vrai et de plus naturel, et inspire enfin l’horreur et le mépris que l’on doit avoir pour l’hypocrisie !

42. (1663) Nouvelles nouvelles pp. 210-243

Mais comme il n’était encore ni assez hardi pour entreprendre une satire, ni assez capable pour en venir à bout, il eut recours aux Italiens, ses bons amis, et accommoda les Précieuses au Théâtre Français, qui avaient été jouées sur le leur et qui leur avaient été données par un Abbé des plus galants. […] Et de fait, après que l’on eut joué Les Précieuses, où ils étaient et bien représentés et bien raillés, ils donnèrent eux-mêmes, avec beaucoup d’empressement, à l’Auteur dont je vous entretiens, des mémoires de tout ce qui se passait dans le monde et des portraits de leurs propres défauts et de ceux de leurs meilleurs amis, croyant qu’il y avait de la gloire pour eux que l’on reconnût leurs impertinences dans ses Ouvrages et que l’on dît même qu’il avait voulu parler d’eux. […] Il fit, après Les Précieuses, Le Cocu imaginaire, qui est, à mon sentiment et à celui de beaucoup d’autres, la meilleure de toutes ses pièces et la mieux écrite.

43. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE III. L’Honnête Homme. » pp. 42-64

Il n’y a pas une de ses pièces où ce défaut ne soit mis en scène : « C’est l’amour propre qui a engendré les précieuses affectant un jargon inintelligible, et les savantes engouées de sciences qu’elles ne comprennent pas ; les pédants si orgueilleux de leur érudition indigeste, et les beaux esprits si vains de leurs fadaises rimées ; le manant qui épouse la fille d’un gentilhomme, et le bourgeois qui aspire à passer pour gentilhomme lui-même ; les prudes qui affichent une sévérité outrée, et les coquettes qui étalent les conquêtes faites par leurs charmes ; les marquis qui se vantent des dons de la nature, des bontés du roi et des faveurs des dames ; et ce misanthrope lui-même dont il faut estimer la vertu, mais dont l’orgueil bourru fronde la vanité de tous les autres154. » Si l’amour propre est le défaut le plus universel, il n’est pas le seul qui règne dans la bonne société : Molière a frappé avec non moins d’autorité sur l’habitude qu’ont les gens riches ou inoccupés, de médire sans cesse du prochain, et de trouver à blâmer partout155. […] Les Précieuses ridicules, les Fâcheux, la Critique de l’École des Femmes, l’Impromptu de Versailles, le Misanthrope, le Bourgeois gentilhomme. […] Les Précieuses ridicules, sc. […] Les Précieuses ridicules, sc.

44. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Mascarille dans Les Précieuses ridicules. […] Lacroix nous dit que c’est là un ouvrage fade, précieux, avec une dédicace qui peut passer pour un chef-d’œuvre de flagornerie. […] Combien a-t-il fait changer de langages précieux, aboli de turlupinades ? […] Joua Gorgibus dans Les Précieuses ridicules et Chrysale de L’École des femmes. […] Le dossier où cette précieuse trouvaille a été faite était autrefois classé dans les archives des trésoriers des États provinciaux.

45. (1802) Études sur Molière pp. -355

C’est un trait de caractère si précieux, que je ne comprends pas comment Molière ne l’a pas saisi ; cet excès de prudence, ménagé avec art, eût plaisamment mis fin aux étourderies de Lélie. […] Les Précieuses ridicules. […] une précieuse en dirait-elle plus ? […] J’ai assisté, chez quelques actrices, à des soupers précieux pour un observateur. […] Comment feriez-vous, avec votre voix discordante, pour ne pas nuire à ce précieux unisson, jadis le charme de la comédie française, et que nous voulons rétablir ?

46. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

Ses amoureux sont autant d’heureux exemples du cœur humain suivant naturellement un de ses plus précieux penchants ; et, de tous ces tableaux vivants, ressort doucement la figure de l’amour vrai, naturel, partant moral. […] IV-VII. — Il y avait alors de la coquetterie jusque dans la dévotion : la préciosité avait envahi le ciel même, et véritablement les quiétistes étaient des précieuses dévotes ; elles parlaient un style incroyable :   Le contemplatif sent et comprend ce qu’il dit ;   Mais la chair n’entend pas la langue de l’esprit. […]   Boileau, Satire X, v. 533. — On alliait très-bien la débauche avec le quiétisme précieux :   Tout ce que le corps fait ne se compte pour rien ;   Ce corps n’est qu’une aveugle et sensible matière,   Qu’un amas agité de boue et de poussière,   Dont tous les mouvements, que la cupidité   Produit sans la raison et sans la volonté,   Sont actes sans aveu, sans malice, sans blâme,   Et ne peuvent salir la pureté de l’âme,   Qui, jouissant an ciel de solides plaisirs,   Laisse vivre le corps an gré de ses désirs. […] Les Précieuses ridicules, sc.

47. (1901) Molière moraliste pp. 3-32

Ce comédien intrépide, dont la vie fit un penseur, eut sur les gens de lettres et sur les intellectuels de son temps une influence moins aisée à déterminer que celle de Descartes ; mais cette influence dut être considérable sur l’ensemble du public, pour qu’elle liguât contre lui des catholiques convaincus, d’esprit aussi différent que le prince de Conti, la duchesse de Longueville, le docteur janséniste Arnauld et le jésuite Bourdaloue, et lui valût d’autre part cette précieuse protection du roi Louis XIV, qui, selon l’expression de Comte, « ne résulta pas seulement des goûts personnels d’un dictateur alors progressif, mais aussi de la tendance d’une telle critique à seconder rabaissement de l’aristocratie et même du clergé ». […] La nature et la préciosité La violence avec laquelle Molière condamne les précieuses nous choque aussi tout d’abord. Quel brutal, quel grossier personnage que ce Gorgibus, reprochant aux « précieuses ridicules », sa fille et sa nièce, leur parure et leurs caprices ! […] » Nous serions portés à condamner un tel langage, si la vanité, l’affectation, la sécheresse de cœur des deux précieuses ne nous semblait bientôt plus insupportables que le lourd bon sens de Gorgibus. […] Je croyais Jeanneton plus douce qu’un mouton, etc… Alceste, en substituant à un sonnet précieux une chanson quelconque, ne sort d’un excès que pour se jeter dans l’autre ; et la vérité, aux yeux de Molière, est entre les deux.

48. (1847) Le Don Juan de Molière au Théâtre-Français (Revue des deux mondes) pp. 557-567

Il était bien temps, en effet, de restituer à l’auteur du Misanthrope ce précieux joyau de sa couronne dramatique, vendu par sa veuve et soustrait, depuis cent soixante-dix ans, aux applaudissements de la foule. […] « Ce n’est pas, ajoute-t-il, qu’il ne valût beaucoup mieux que tous les autres ; mais il était en prose, et c’était alors une nouveauté sans exemple. » Le critique oublie le théâtre entier de La Rivey, le Pédant joué de Cyrano, les Précieuses, et tant d’autres exemples. […] pendant que le texte original d’un des chefs-d’œuvre du xviiie siècle périssait en France sous les exigences de l’amitié et les rigueurs d’une censure inepte, tous ces précieux débris nous étaient conservés dans les hâtives et méprisables reproductions des contrefacteurs étrangers !

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