Rapin1 n’ont que des valets pour les plaisants de leur théâtre ; et les plaisants du théâtre de Molière sont les marquis et les gens de qualité : les autres n’ont joué dans la comédie que la vie bourgeoise et commune ; et Molière a joué tout Paris et la Cour. […] C’est par ce moyen qu’il a su réformer, non pas les mœurs des chrétiens, mais les défauts de la vie civile, et de ce qu’on appelle le train de ce monde, et c’est sans doute tout ce qu’a voulu louer en lui le P. […] Il prétend au contraire que l’on n’a bien reconnu son mérite qu’après qu’il eut joué le dernier rôle de sa vie, et que l’on a beaucoup mieux jugé du prix de ses pièces en son absence, que lorsqu’il était présent.
Nous avons foi, nous Français, dans l’un et dans l’autre de ces principes, et armés de ce double instrument de critique, nous ouvrons le premier théâtre comique venu, le théâtre d’Alfred de Musset, je suppose, et nous raisonnons ainsi : un poète comique peut paraître derrière ses personnages de deux manières : soit en faisant une allusion complaisante à lui-même, à sa vie, à son caractère, à ses goûts, soit en déployant avec coquetterie les grâces de son imagination et de son esprit. […] Est-il impossible de concevoir un genre de comédie où le poète, loin de peindre la réalité comme elle est, transporterait l’action dans un monde fantastique, donnerait à des idées abstraites une existence réelle, aux êtres réels une vie, en quelque sorte, idéale, un corps, une voix à des nuages, une constitution politique aux habitants de l’air ? […] Tout fait a sa cause, et toute littérature, toute œuvre d’art est un fait dont il suffît de chercher, dont il faut sans passion chercher la cause dans les mœurs, les idées et les goûts de la société qui l’a produite, dans l’esprit du siècle qui l’a inspirée, dans le génie de la nation qui lui a donné son caractère général, dans le tempérament, les habitudes et la vie de l’auteur original qui lui a imprimé son cachet particulier.
Ses gendres & ses filles qui mouroient d’impatience de le voir à la fin de sa carriere, parcequ’ils convoitoient ses trésors, lui persuaderent de s’en dépouiller : vous ne devez, lui-dirent-ils, songer qu’à vivre tranquillement, & à mettre un espace entre le temps & l’éternité ; votre vie achevera de s’user par les soucis que votre bien vous cause. Vous n’avez qu’à nous le remettre, nous vous sauverons toutes vos inquiétudes, & nous travaillerons de concert à vous donner toutes les commodités de la vie, & à vous sauver des embarras des richesses. […] Le pere, aveuglé par sa tendresse, excuse ses enfants, ne se repent pas de sa libéralité ; il est seulement fâché de n’être plus assez riche pour faire un sort heureux à la belle Angélique, fille d’un homme auquel il doit lui-même sa fortune & la vie.