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87. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

. — Ils étaient cependant les maîtres absolus de ce monde en proie à leur caprices ; il en étaient les arbitres, les héros, les demi-dieux, les gardes-du-corps ; ils touchaient, de très près, les Princes Lorrains, les Rohan, les Foix, les Châtillon, les Montmorency — ces dieux ! […] Tant qu’elle a touché le bois de son théâtre, mademoiselle Mars s’est sentie vivre ; elle vivait dans le passé, elle vivait dans le présent. — C’était elle encore ! […] Afin que leur joie eût un long souvenir dans l’âme des pauvres gens, le roi et la reine avaient constitué une pension de douze cents livres sur la tête de chaque enfant, venu au monde le même jour que la princesse royale, et cette pension de douze cents livres, qui avait été la fortune de son enfance et de sa jeunesse, mademoiselle Mars l’a touchée jusqu’à la fin de ses jours. […] Peut-être on devrait reconnaître au fond de cette obstination à toucher cette faible somme, qu’elle devait trouver si chèrement payée, maintenant qu’elle était riche et âgée, une certaine reconnaissance envers ce roi et cette reine, si misérablement traînés à l’échafaud !

88. (1825) Notice sur Molière — Histoire de la troupe de Molière (Œuvres complètes, tome I) pp. 1-

Baron a toujours été un de ces sujets heureux qui touchent à la première vue. […] Ce fut cette fâcheuse situation qui toucha Molière ; il s’applaudit d’être en état de faire du bien à un jeune homme qui paraissait avoir toutes les qualités nécessaires pour profiter du soin qu’il voulait prendre de lui ; il n’avait garde d’ailleurs, à le prendre du côté du bon esprit, de manquer une occasion si favorable d’assurer sa troupe, en y faisant entrer le petit Baron. […] Mais il y a tout lieu de croire que la retraite de Baron ne fut pas une disgrâce, puisque, outre la pension de mille livres qu’il touchait aux termes du règlement de sa société, il en avait une de trois mille livres qu’il devait à la munificence de Louis XIV. […] Il y mourut, et le curé en fut si touché, qu’il n’eut pas le courage de l’enterrer ; il pria un autre curé de ses amis de faire les cérémonies à sa place.

89. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

L’amour et l’honneur, les plus personnelles des passions, à peine touchées par l’art antique, font dans notre monde chrétien l’intérêt fondamental de la plupart des tragédies. […] Or la tragédie sort par là de sa véritable nature, et touche aux confins du comique. […] Mais ici je touche au point le plus délicat du problème moral de la comédie, et à l’essence même de cet art. […] L’amour de Roméo et de Juliette me touche, sans doute, bien davantage que la rivalité des Capulet et des Montaigu ; la personne de Wallenstein m’intéresse plus encore que son entreprise, bien que l’ambition de ce héros poursuive un grand but : cependant il faut que cet ambitieux et que ces amants se brisent contre la puissance générale et solide, malgré laquelle ils veulent parvenir à leurs fins particulières ; Wallenstein ira sombrer contre le roc de l’autorité impériale, et j’ai vu Juliette et Roméo périr dans leur résistance active à la volonté de leurs familles. — Ce caractère classique et substantiel, l’action comique ne le réclame pas aussi impérieusement que l’action tragique, puisque, dans la comédie, c’est la personnalité de l’homme qui doit conserver la haute main.

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