S’il eût été Molière, il aurait eu, aux yeux du paysan, le tort de se faire jouer trois fois par semaine.
Mais vous avez tort de tirer de ce sentiment si juste des propositions universelles et des règles absolues sur le caractère nécessaire du génie comique, et sur l’essence éternelle de la comédie.
Le ridicule d’Arnolphe ne tient pas, comme celui de tous les tuteurs du théâtre, au contraste de son âge et de ses prétentions en amour ; son tort n’est pas d’aimer une fille de seize ou dix-sept ans, et de vouloir en être aimé son véritable travers est de croire qu’une femme d’esprit est nécessairement une femme infidèle, et que la stupidité est la meilleure caution de la vertu. […] Connaissant tout l’avantage de l’attaque sur la défense, il songe moins à parer les coups de ses ennemis qu’à leur en porter lui-même ; il ne perd pas le temps à prouver froidement qu’ils ont eu tort en le critiquant, il fait voir qu’ils ne pouvaient avoir raison, tant leur esprit est faux, bizarre, inconséquent et rempli d’absurdes préventions ; ils ont voulu chasser L’École des femmes du théâtre, il les y traduit eux-mêmes ; ils n’ont pas voulu rire à cette pièce, il fait rire d’eux, en les peignant au naturel : ce n’est pas la vengeance d’un auteur entêté de son mérite et qui veut en convaincre les autres ; c’est celle d’un artiste, d’un homme de génie, qui peint gaiement ses ennemis ou plutôt ceux de son art, et qui pense que le meilleur argument en faveur de son talent méconnu est d’en donner une nouvelle preuve. […] L’auteur de L’Écossaise, et celui des Philosophes sont ceux qui ont le plus insisté sur le tort de Molière, qui l’ont le plus durement blâmé.