Après une esquisse rapide de la vie de Molière et un catalogue raisonné, mais court, de ses pièces de théâtre, on développe par la série des faits et anecdotes, toutes les omissions faites à dessein ou par ignorance. […] Molière était original, et son caractère d’originalité perce sur le théâtre comme dans la société.
Tous les Législateurs du Théâtre n’ont pas manqué d’assigner aux Auteurs le point où ils doivent prendre l’action. […] Deux amants qui commencent à se lorgner, à s’agacer, à se parler, à se rendre des soins minutieux, ne peuvent pas aller bien rapidement, ou bien ils ne sont pas honnêtes ; & le Théâtre exige de l’honnêteté & de la rapidité. […] « Après qu’un Auteur aura choisi son sujet, il faut qu’il se souvienne de prendre l’action qu’il veut mettre sur le théâtre à son dernier point, &, s’il faut ainsi dire, à son dernier moment ; & qu’il croie, pourvu qu’il n’ait point l’esprit stérile, que moins il aura de matiere empruntée, plus il aura de liberté pour en inventer d’agréable ; &, à toute extrémité, qu’il se restreigne jusqu’à n’en avoir en apparence que pour faire un acte : les choses passées lui fourniront assez pour remplir les autres, soit par récits, soit en rapprochant les événements de l’histoire, soit par quelques ingénieuses inventions ».
Je répondrai à cela ce que j’ai dit au sujet de la prose & des vers : l’une & l’autre poésie est propre au théâtre quand elle est vraie, précise, sonore. […] Si on s’avise de faire une tragédie en vers blancs, & de la jouer sur notre théâtre, la tragédie est perdue ; dès que vous ôtez la difficulté, vous ôtez le mérite ». Comme M. de Voltaire ne parle que de la tragédie, je puis plus hardiment dire qu’une comédie en vers blancs, bonne d’ailleurs, réussiroit sur notre Théâtre ; & bien des personnes seront, je crois, de mon opinion, si l’on fait attention à la prose de Moliere ; elle est si bien cadencée, on y remarque tant de vers, qu’elle ne s’éloigne guere de la poésie des Anglois. […] On voit par cet exemple que les vers blancs ne seroient pas ridicules sur nos théâtres ; mais je crois aussi qu’ils n’ajouteroient aucun mérite à une comédie.