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48. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Troisième partie. — L’école historique » pp. 253-354

Je ne sais si l’histoire de l’esprit humain offre un spectacle plus curieux que celui de notre longue et universelle aberration au sujet de la Poétique, comme de tous les autres ouvrages de ce grand homme. […] Parmi les prédicateurs de ce lieu commun, les seuls qui puissent être encore originaux, ce sont les philosophes orthodoxes décidés d’avance à opérer au milieu de leurs phrases compromettantes le sauvetage impossible de l’absolu ; ceux-là resteront toujours divertissants par le spectacle héroï-comique de leurs efforts désespérés pour échapper à la terrible loi du relatif, que cette contradiction des goûts nationaux proclame avec une évidence accablante. […] D’abord, le vulgaire en aucun pays ne se connaît en beaux vers, et partout il aime passionnément les spectacles. […] Mais qu’on ne se hâte pas trop de dire qu’aucune portion du genre humain ne saurait être intéressée par un pareil spectacle. […] Ce spectacle plaît aux Espagnols, ou leur a plu à un certain moment de leur histoire.

49. (1825) Notices des œuvres de Molière (IX) : La Comtesse d’Escarbagnas ; Les Femmes savantes ; Le Malade imaginaire pp. 53-492

Mais, pour combien d’actes, cette dernière pièce était-elle comprise dans les sept actes qui formaient l’ensemble du spectacle ? […] Quelle que fût, au juste, la distribution du spectacle, on peut dire que Molière en fit seul tous les frais ; car le prologue et tous les intermèdes furent tirés de ses propres pièces, Les Amants magnifiques, Psyché, George Dandin, Le Bourgeois gentilhomme, et cette Pastorale comique qu’il avait composée pour le Ballet des Muses. Ce spectacle, uniquement destiné pour la cour, fut donné une seule fois, sur le théâtre de Saint-Germain-en-Laye, dans le courant du mois de décembre 1671 ; et, le 8 juillet de l’année suivante, Molière fit jouer sa comédie, telle que nous la voyons aujourd’hui, sur le théâtre du Palais-Royal, où elle eut quatorze représentations consécutives. […] Le vendredi 17, jour de la quatrième représentation, Molière, qui remplissait le rôle d’Argan, se sentant plus incommodé qu’à l’ordinaire de son inflammation de poitrine, mais ne voulant pas priver sa troupe d’une recette qui paraissait devoir être considérable, demanda seulement que le spectacle commençât à quatre heures précises. […] Mais d’un accessoire hideux et nécessaire, il serait peut-être imprudent de faire le principal sujet d’un tableau destiné plutôt à corriger les esprits par la peinture du ridicule, qu’à révolter les âmes par le spectacle de la perversité.

50. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « PRÉFACE. Du Genre & du Plan de cet Ouvrage. » pp. 1-24

On va souper ; ceux des convives qui n’ont pu aller au spectacle, s’informent du succès de la nouveauté. […] Indépendamment du mauvais personnage qu’un homme, peu instruit des regles de la comédie, doit faire nécessairement dans un temps où tout le monde parle spectacle, où les cercles, les toilettes, les boudoirs même retentissent des mots pompeux de comédie larmoyante, comédie bourgeoise, comédie sérieuse, haut & bas comique, &c. indépendamment, dis-je, du rôle insipide qu’il joue en se voyant forcé de se taire ou de montrer son ignorance, je crois très agréable pour la propre satisfaction d’un homme, quel qu’il soit, de connoître toutes les finesses d’un art que nous faisons contribuer à notre amusement, puisque notre plaisir suit nécessairement le progrès de nos connoissances.

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