Molière, le Sage, Dancourt, Dalainval, après avoir d’abord montré ce qu’avait de plus saillant le vice ou le ridicule qu’ils ont exposé à nos regards, ont su attacher à la contexture de leurs pièces plusieurs personnages dont ils ont peint à grands traits la physionomie. […] Le but de Molière a été de dépouiller la vertu de son austérité, de lui marquer ses véritables limites, de la pénétrer de cette grande vérité, que l’excès en tout peut devenir répréhensible ; que, fait pour vivre avec ses semblables, le sage, pour son propre bonheur et la tranquillité de la société, doit être indulgent pour les fautes des autres hommes.
D’avoir commis ce crime de lèse-majesté divine qui va à renier la religion catholique « en blâmant et en jouant sa plus religieuse et sainte pratique qui est la conduite et direction des âmes et des familles par de sages guides et conducteurs pieux ». […] Nous ne savons ; mais à le voir débarquer, suivi de son Laurent, dans certaine hôtellerie borgne du voisinage, il nous semble voir les frères quêteurs de Le Sage, cachant sous la bure Raphaël, le fils de la comédienne, et son fidèle Ambroise de Lamela. […] La sage Elmire se retire ; voilà les trois hommes en présence. […] Tout le monde est bon dans la maison d’Orgon ; le père est plein de faiblesses humaines ; le frère, sage sans égoïsme, s’emploie pour les enfants qu’il chérit.
En sorte que la morale des sages et la morale de la vie sont également satisfaites, quand on le voit puni des travers innocents de l’honnête homme par une contrariété vive mais passagère, et récompensé de sa vertu par l’avantage d’échapper à un malheur certain. […] Le plus modéré, le sage de la pièce, Cléante, est toujours près de perdre patience ; Damis éclate dès le commencement ; Dorine, pour dire trop haut ce qu’elle a sur le cœur, risque à chaque instant de se faire chasser. […] Et s’il y en a moins qu’il n’en a prévu, c’est autant de gagné22. » Cela est sage, mais froid. […] Déméa, qui est fort en colère, mais qui en a sujet, devient Sganarelle, qui est dur et ne se croit que sage ; et Micion, dont la faiblesse n’est que l’effet du manque de caractère, se change en Ariste, dont l’indulgence n’est que de la raison.