Le roi se contente de cette espérance flatteuse ; et, donnant un autre cours à la conversation, il invite Arlequin à lui conter quelque jolie histoire. […] Dona Anna vient demander vengeance au roi. […] “Mais, lui dit Pantalon, suppose que je suis le roi, que je t’interroge : Bonjour, Arlequin. — Serviteur à Votre Majesté. — Sais-tu qui est le meurtrier dont il s’agit ? […] Je vais te dénoncer au roi, t’accuser d’avoir tué le commandeur, je reçois les dix mille écus, et nous partageons.” […] Le roi paraît ensuite ; Arlequin se jette à ses pieds, disant : “Ô prince !
Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir. […] Plaire au roi, servir ses propres amis, assurer un libre essor à leurs talents et au sien, plaire à Montausier même, furent trois succès que Molière me paraît s’être promis d’allier, en faisant le bel ouvrage dont nous parlons ; et j’aime à penser qu’il se proposa une alliance si difficile, parce que l’accomplissement de ce dessein ajoutait le mérite de la difficulté vaincue au mérite du talent le plus élevé.
Mais les ordres d’un roi qui le comblait de faveurs, qui venait, pour ainsi dire, d’embrasser sa querelle au sujet de L’École des femmes, et dont le chef-d’œuvre déjà commencé du Tartuffe devait lui rendre un jour la protection si nécessaire, ne lui permirent pas d’écouter les répugnances de son talent et les craintes de son amour-propre. […] Le roi ayant applaudi l’ouvrage, la cour crut l’avoir admiré. […] Un exemplaire de l’édition de Paris, dont la Bibliothèque du roi a fait, récemment l’acquisition, et dans lequel ne sont point cartonnés la plupart des passages dont on avait exigé la suppression ou l’adoucissement, a servi de copie pour la présente édition. […] On avait cherché à prévenir le roi contre Le Festin de Pierre, en lui représentant que les actions et les paroles de dom Juan étaient de la plus dangereuse conséquence pour les mœurs et pour la religion. […] Peu de temps après, il fit à la troupe de Molière une pension dans le brevet de laquelle elle était qualifiée troupe du roi.