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100. (1856) Molière à la Comédie-Française (Revue des deux mondes) pp. 899-914

Lors même qu’on arriverait à me prouver que les comédiens d’aujourd’hui ont reçu les révélations de leurs devanciers immédiats, et qu’on remonterait ainsi, preuves en main, par une suite non interrompue de confidences, jusqu’aux dernières années du règne de Louis XIV, il resterait à établir que le secret, en passant de bouche en bouche, est demeuré ce qu’il était au premier jour, que les acteurs qui ont joué pour la première fois les ouvrages de Corneille, de Racine et de Molière, qui ont reçu leurs conseils et profité de leurs leçons, ont pu les transmettre sans les altérer. […] Au premier aspect, je n’en disconviens pas, ce que j’avance peut paraître singulier ; mais pourtant, si j’arrive à le prouver, si je démontre que dans l’École des femmes, dans le Misanthrope, dans Tartuffe, dans les Femmes savantes, plus d’un rôle est complètement dénaturé, que répondront mes contradicteurs ? […] En parlant du premier, nous sommes forcé de blâmer avec une égale sévérité Elmire et Orgon. […] Si Armande prenait garde à la voix, à la pantomime de l’amant qui se dit affranchi de sa première affection, elle ne s’emporterait pas contre sa sœur.

101. (1870) La philosophie dans le théâtre de Molière (Revue chrétienne) pp. 326-347

et qu’Aristote a bien raison, quand il dit qu’une femme est pire qu’un démon (26). » Et cet autre, que nous a conservé la rare science de Gros-René : La tête d’une femme est comme la girouette Au haut d’une maison, qui tourne an premier vent, C’est pourquoi le cousin Aristote souvent La compare à la mer. […] Pourquoi, comme on l’a dit spirituellement, a-t-il engagé contre elle cette longue lutte aux nombreux épisodes, lutte qui va de sa première pièce, le Médecin volant, jusqu’à sa dernière, le Malade imaginaire, sinon par haine de l’école, de cette école qui semblait avoir caché tout son amour de l’autorité, et toute la susceptibilité du moyen âge, sous la robe de Gui Patin et de ses confrères ? […] Mais pour rester fidèle à la vérité, j’aime mieux avouer que, dans cette attaque générale, personne ne porta à l’ennemi commun des coups plus directs que le rival de Descartes, et conclure cette première discussion en confessant que Molière est ici le disciple de Gassendi. […] J’emprunte, dans ces premières pages, la plupart de mes exemples historiques aux annales de la faculté de médecine. […] Et la conclusion de notre second travail ne fait que confirmer la conclusion du premier.

102. (1772) De l’art de la comédie. Livre premier. De ses différentes parties (1re éd.) [graphies originales] « PRÉFACE. Du Genre & du Plan de cet Ouvrage. » pp. 1-24

La Peinture, la Sculpture & l’Architecture ont des principes surs, bien établis, bien détaillés, généralement avoués, dont tout le monde connoît les effets, & qui n’égarent jamais ceux qui les suivent ; aussi les inculque-t-on aux jeunes éleves avec le plus grand soin ; ceux-ci se les rendent tous familiers avant d’avoir la témérité de les mettre en usage : de là vient que leurs premiers ouvrages, s’ils n’ont pas ces beautés délicates, cette vigueur mâle qui caractérisent les grands hommes & qui sont le fruit d’un travail assidu ou d’une longue expérience, n’offrent du moins rien de révoltant. […] Qu’il se trouveroit heureux si, dispensé de passer les trois quarts de sa vie dans des recherches & des irrésolutions qui mettent des entraves à son génie & qui l’égarent souvent, il trouvoit, comme les jeunes Artistes, des guides surs, propres à diriger ses premiers pas, à lui indiquer les routes avouées par Thalie, & battues par ses favoris. […] Quel doit être notre premier soin ?

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