Vers 1650, en passant par une ville du Languedoc, Nîmes peut-être, où le seul vrai portrait d’Armande Béjard fut longtemps conservé, Madeleine, sa mère, l’avait reprise des mains de l’excellente dame qui l’avait jusqu’alors gardée, et la petite avait dès lors fait partie des bagages de la caravane. […] En ce temps même, s’il fallait en croire une tradition transmise par Grimarest, à l’époque de la première représentation du Bourgeois gentilhomme, qui fut, on le sait, donnée à Chambord en 1670, à l’heure où Molière apportait, comme gage de quelque réconciliation nouvelle, ce joli portrait d’Armande, Armande le trompait plus cruellement que jamais. […] Quand on jouait le Misanthrope, à la cour, il n’était personne qui ne nommât tout bas M. de Montausier, l’honnête censeur des mœurs, mis en scène sous le nom d’Alceste ; et le ridicule d’Oronte, le métromane, faisait rire en même temps tous les familiers du duc de Saint-Aignan, tous ses bons amis, heureux de se venger des ennuis du personnage, en s’amusant de son portrait. […] « Il a, dit-il, il a donc fait son portrait, cet illustre peintre, et il a même promis plus d’une fois de l’exposer en vue et sur le même théâtre où il avait exposé les autres. […] Peut-être la pièce où il assignait une si grande place à son propre portrait était-elle cette comédie des Philosophes, dont l’ébauche ne fut pas retrouvée après sa mort, et dans laquelle, en effet, lui, le contemplateur, lui, le philosophe profond, lui, le sage à la sagesse pratique et humaine, il avait le droit de se donner un si beau rôle.
Le grand Rousseau a fait les quatre vers suivants pour mettre au bas de son portrait : Du vrai, du pathétique il a fixé le ton.
Dans les Fâcheux, Moliere devoit peindre nécessairement plusieurs importuns, & soutenir l’attention du public par la variété autant que par la vérité de ses images ; il eût manqué son but si l’un de ses portraits eût été assez fort pour dominer sur les autres d’une façon sensible : aussi tous les caracteres qu’il introduit dans cette piece ont-ils à-peu-près la même force, la même valeur ; ce qui devoit être nécessairement, puisque l’Auteur les destine tous à la même chose : l’un ne doit pas faire plus qu’un autre, les coups qu’ils portent doivent donc être également frappés.