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94. (1739) Vie de Molière

Du moins c’est ce que l’on trouve dans le Ménagiana ; et il est assez vraisemblable que Chapelain, homme alors très estimé, et cependant le plus mauvais poète qui ait jamais été, parlait lui-même le jargon des Précieuses ridicules chez madame de Longueville, qui présidait, à ce que dit le cardinal de Retz, à ces combats spirituels dans lesquels on était parvenu à ne se point entendre. […] Un poète anglais nommé Shadwell, aussi vain que mauvais poète, la donna en anglais du vivant de Molière. […] Fielding, meilleur poète et plus modeste, a traduit L’Avare, et l’a fait jouer à Londres en 1733. […] La meilleure satire qu’on puisse faire des mauvais poètes, c’est de donner d’excellents ouvrages ; Molière et Despréaux n’avaient pas besoin d’y ajouter des injures. […] Mais avec tous ces défauts-là, il sera toujours le premier de tous les poètes comiques.

95. (1867) La morale de Molière « CHAPITRE VII. De l’Amour. » pp. 121-144

L’amour, chez eux, ne sera point un entraînement des sens seulement, ni une fantaisie de l’imagination exaltée par quelque circonstance romanesque ; il ne sera pas une affaire de mode, ni un marché d’intérêt, ni une alliance fondée froidement par la raison, non : il sera l’amour, cette inexplicable et toute-puissante attraction d’une âme vers une autre âme, non point nue et abstraite, mais vivante, revêtue d’un corps et d’un sexe, joignant la grâce physique aux charmes de l’esprit et aux caresses du cœur ; enfin ce je ne sais quoi 421, matière infinie des poètes, mystère inexplicable pour Platon, si l’on n’y admet quelque chose de divin422. […] Ces ressorts aident le poète à hâter sans invraisemblance la liaison des cœurs qu’il est obligé d’unir en quelques scènes ; et pourtant, ce court espace lui suffit aussi.pour montrer que l’amour vrai est l’amour des âmes, faites par Dieu avec le tendre et noble penchant de se donner tout entières à des âmes dignes d’elles. […] Sans doute tous les instincts de notre âme, qui sont les invariables points de départ de la morale, peuvent être égarés de leur voie et détournés vers les aberrations les plus funestes ; mais ils existent quand même, et vivent immortels au milieu des erreurs et des misères, même des dégradations de l’humanité : le philosophe qui les décrit, le poète qui les peint, sont des hommes utiles. […] Et quand, après avoir passé en revue toute la littérature amoureuse, on revient aux amoureux de Molière, on demeure convaincu que nul poète n’a jamais conçu ni représenté l’amour d’une manière plus vraie, plus touchante, plus morale.

96. (1732) Jean-Baptiste Pocquelin de Molière (Le Parnasse françois) [graphies originales] « CII. JEAN-BAPTISTE POCQUELIN. DE MOLIERE, Le Prince des Poëtes Comiques en France, & celebre Acteur, né à Paris l’an 1620. mort le 17. Fevrier de l’année 1673. » pp. 308-320

Quand il a voulu imiter les anciens, on voit qu’il les a sur-passez ; l’on en peut juger par son Amphitrion d’avec celui de Plaute, qui est pourtant une des meilleures Comédies de ce Poëte Latin. […] Ornement du Théatre, incomparable Acteur, Charmant Poëte, Illustre Auteur, C’est toi, dont les plaisanteries Ont guéri des Marquis l’esprit extravagant ; C’est toi, qui par tes momeries, As reprimé l’orgueil du Bourgeois arrogant. […] Voyez encore les belles Stances que ce même Poëte adresse à Moliere sur sa Comédie de l’Ecole des Femmes.

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