On n’était pas dans l’habitude de porter au spectacle de la comédie ce degré d’attention nécessaire pour saisir les détails et les rapports délicats que l’on a depuis admirés dans cette pièce ; le comique noble qui y règne ne fut point senti ; enfin, malgré la pureté et l’élégance du style, elle fut reçue froidementa. […] « Ces deux pièces, dont le genre même était inconnu à l’Antiquité, sont celles que le public a reçu avec le moins d’empressement : et cependant celles dont il attendait l’immortalité, et qui, ainsi que L’École des femmes et Le Tartuffe la lui assurent ; l’art, caché sous des grâces simples et naïves, n’y emploie que des expressions claires et élégantes, des pensées justes et peu recherchées, et une plaisanterie noble et ingénieuse pour peindre et pour développer les replis les plus secrets du cœur humain. […] « Toute cette pièce est traitée de la même sorte que le sieur Molière a de coutume de faire ses autres pièces de théâtre, c’est-à-dire qu’il y représente avec des couleurs si naturelles le caractère des personnes qu’il introduit, qu’il ne se peut rien voir de plus ressemblant que ce qu’il a fait, pour montrer la peine et les chagrins où se trouvent souvent ceux qui s’allient au-dessus de leur condition ; et quand il dépeint l’humeur et la manière de faire de certains nobles campagnards, il ne forme point de traits qui n’expriment parfaitement leur véritable image. […] Les intermèdes se ressentent du ton peu noble de toute la pièce. » « [*]On n’écrivit point contre Pourceaugnac, on ne cherche à rabaisser les grands hommes que quand ils veulent s’élever. […] Le monde ne connaissait guère alors le genre de comique noble qui commet ensemble des caractères vrais, mais différents, de manière qu’il en résulte des incidents divertissants, sans que les personnages aient songé à être plaisants.
L’auteur expose le plus gravement du monde, dans la dédicace, l’analogie qu’il aperçoit, d’abord entre la partie supérieure et noble de ses personnages et la dédicace qu’il présente à Sa Majesté, puis entre la partie basse et monstrueuse de ses héros et l’œuvre qu’il dépose aux pieds de la reine. » Après avoir passé en Italie l’été de 1623, les Comici Fedeli revinrent en France et y représentèrent pendant l’année 1624 et le commencement de l’année 1625.
Nous ne savons pas si, comme le voulait un commentateur de l’avant-dernier siècle, les Pocquelin descendaient d’un noble écossais ; ou plutôt cette généalogie fabuleuse, qu’on ne peut étayer d’aucune preuve, ressemble fort à la généalogie des Colbert. […] En voici le sujet : un vieux barbon, cacochyme, couvert de gale et d’emplâtres, s’est mis en tête d’épouser une jeune fille aussi pauvre que noble dont le père, enchanté de l’alliance, l’a accepté pour gendre. […] Molière est « honnête homme », aussi lui, beaucoup plus « honnête homme » que son ami La Fontaine ; et, s’il n’a jamais rien enseigné de très haut et de très noble, du moins n’a-t-il rien enseigné qui ne soit, en apparence, sage et raisonnable. […] On a le droit, aussi, de la trouver vulgaire, et, en effet, du fond de ces existences médiocres, où ne s’agitent généralement que des préoccupations assez mesquines, comment ramènerait-elle rien de très noble ou de très généreux ? […] On le verra bien si on compare ses vers «à ceux de La Fontaine, qui est poète, qui l’est dans ses Fables, et même dans ses Contes, où pourtant on ne dira point qu’il soit préoccupé de sentiments très nobles.— En résumé, nous dirons que la versification de Molière, telle qu’elle est, facile, « chevillée », prosaïque, est exactement adaptée aux nécessités de sa comédie.