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94. (1840) Le foyer du Théâtre-Français : Molière, Dancourt, I pp. 3-112

Cette pièce est écrite et composée avec esprit; on y rencontre beaucoup de vers naturels. […] Les premières lignes du Sicilien ont été arrangées par Cailhava dans un rythme très naturel. […] Molière conservait la tradition réformatrice; il appuyait la morale sur la base des sentiments naturels, et non sur l’incertitude des révélations : là se trouve toute la philosophie. […] Que dites-vous de ce naturel de femme ? […] Nous avons remarqué dans les Fêtes du Cours une intrigue de bal masqué conduite avec beaucoup de charme et de naturel.

95. (1819) Notices des œuvres de Molière (III) : L’École des femmes ; La Critique de l’École des femmes ; L’Impromptu de Versailles ; Le Mariage forcé pp. 164-421

S’il était vieux, imbécile et maussade, l’aversion d’Agnès pour lui serait toute naturelle, et il n’en résulterait aucune leçon ; mais il est dans la force de l’âge ; il est homme d’esprit et homme du monde : son infortune alors ne provient que de son faux calcul, et elle en est la juste punition. […] Agnès est simple ; mais elle n’est point idiote ; elle manque d’instruction, mais non pas de dispositions pour en acquérir ; elle laisse échapper quelques vives lueurs d’un esprit naturel que tous les soins d’Arnolphe n’ont pu étouffer ; elle s’aperçoit de son ignorance, en rougit, s’en indigne, et n’en trouve que plus odieux celui qui, au lieu de l’en tirer, s’est plu à l’y entretenir. […] Ce sont deux systèmes d’éducation également absurdes ; ils ont également pour résultat de tromper les vues de l’instituteur, puisqu’ils le rendent odieux à son élève, et précipitent celui-ci dans les écarts mêmes qu’on veut lui faire éviter ; ici, en excitant, par la privation, son ardeur naturelle pour le plaisir ; là, en le mettant à la merci de tous les dangers, faute de lui en faire connaître aucun. […] Connaissant tout l’avantage de l’attaque sur la défense, il songe moins à parer les coups de ses ennemis qu’à leur en porter lui-même ; il ne perd pas le temps à prouver froidement qu’ils ont eu tort en le critiquant, il fait voir qu’ils ne pouvaient avoir raison, tant leur esprit est faux, bizarre, inconséquent et rempli d’absurdes préventions ; ils ont voulu chasser L’École des femmes du théâtre, il les y traduit eux-mêmes ; ils n’ont pas voulu rire à cette pièce, il fait rire d’eux, en les peignant au naturel : ce n’est pas la vengeance d’un auteur entêté de son mérite et qui veut en convaincre les autres ; c’est celle d’un artiste, d’un homme de génie, qui peint gaiement ses ennemis ou plutôt ceux de son art, et qui pense que le meilleur argument en faveur de son talent méconnu est d’en donner une nouvelle preuve. […] Jusqu’au temps du célèbre Baron, les plus grands acteurs de l’hôtel de Bourgogne, excepté Floridor, n’eurent pas un débit naturel.

96. (1747) Notices des pièces de Molière (1670-1673) [Histoire du théâtre français, tome XI] pp. -284

Ces esprits justes, ces esprits vrais ne souffrent qu’avec peine que l’on préfère aujourd’hui des comédies composées simplement de saillies et d’épigrammes aux comédies qui n’ont qu’une intrigue soutenue d’une diction simple et naturelle. […] Cette espèce de ridicule ne se trouve point dans des princes, ou dans des hommes élevés à la Cour, qui couvrent toutes leurs sottises du même air et du même langage ; mais ce ridicule se montre tout entier dans un bourgeois élevé grossièrement, et dont le naturel fait à tout moment un contraste avec l’art dont il veut se parer. C’est ce naturel grossier qui fait le plaisant de la comédie ; et voilà pourquoi ce n’est jamais que dans la vie commune qu’on prend les personnages comiques. […] « Au mois de novembre de la même année 1670, que l’on représenta Le Bourgeois gentilhomme à Paris, le nombre prit le parti de cette pièce ; chaque bourgeois y croyait trouver son voisin peint au naturel ; et il ne se lassait point d’aller voir ce portrait. […] L’auteur de Cinna fit à l’âge de 67 ans (il fallait dire 65 ans, car Corneille était né en 1606) cette déclaration de l’Amour à Psyché qui passe encore pour un des morceaux les plus tendres et les plus naturels qui soient au théâtre.

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