Pastourelle Le persiflage, gamin de Paris153, a jeté bas d’un coup de pied la barrière élevée par la nature entre la comédie et la satire. […] Entrée des domestiques avec les plateaux De toutes les nations lettrées la France est la moins comique et la moins poétique159. — La poésie française réduit tout ce qui est grand dans la nature aux proportions de mets d’apparat servis sur des plats de cristal160.
Mais si dans la piece de Montfleury, Don Maurice, jeune & brave Espagnol, se charge avec plaisir d’accompagner un homme, est-il dans la nature que Damis, un vieillard tout cassé, accepte un semblable emploi ? […] Enfin ces deux pieces seroient tout-à-fait semblables, si l’une n’étoit excellente & l’autre détestable ; si dans la premiere tous les incidents n’étoient naturels, & dans la derniere tout-à-fait contre nature & indécents, révoltants même ; témoin une des gentillesses de Clitandre : il sait que son pere a dessein de le renfermer à Saint-Lazare, il s’amuse à faire répandre dans le monde qu’il a volé des diamants ; Harpin, enchanté d’avoir un si bon prétexte pour se défaire de son fils, est au désespoir lorsqu’il apprend que Clitandre n’est pas un scélérat à pendre. […] Ainsi finit cette espece de piece où tout est exposé & dénoué avec invraisemblance, où le caractere principal se dément sans cesse, où tout est par conséquent d’un bout à l’autre contre nature. […] Ce que nous venons de lire nous rappelle aisément la scene dans laquelle Eraste, feignant de connoître la famille de Pourceaugnac, l’engage à nommer tous ses parents l’un après l’autre ; mais si la scene de Pourceaugnac est forcée, celle-ci est tout-à-fait contre nature, puisque Julien s’apperçoit que l’Epine veut lui tirer les vers du nez, qu’il projette de ne rien dire, qu’il est bien plus intéressé que Pourceaugnac à se taire, & qu’il n’est pas stupide comme le héros de Limoges. […] Je dis les Auteurs, parceque Thomas Corneille, Boisrobert, Montfleury, & mille autres, qui tous avoient du mérite, ont cependant cru enrichir notre scene en traduisant mot à mot des pieces étrangeres ; encore choisissoient-ils bien souvent les plus extravagantes, les plus contraires à nos mœurs, & à la nature telle que nous la voyons ou que nous devons la voir.
Ajoutons que son combat contre tous les ennemis de la « Bonne nature, » contre tous les gêneurs de celte morale humaine qu’il a toujours, dans son théâtre, prêcliée et glorifiée, fut loin d’obtenir un entier succès. […] Renseignés enfin par les divers scandales de 1658-1660, sur la nature d’une concurrence secrète et universelle dont ils pouvaient ressentir depuis 1630 les sourdes atteintes, et auprès de laquelle la concurrence des congrégations régulières, des moines tant détestés par eux, n’était que bien innocente, ceux des évêques et des curés qui n’avaient point fait partie de la Compagnie, — et même peut-être quelques-uns de ceux qui, en ayant fait partie, la connaissaient trop bien pour s’en accommoder, pour peu qu’ils tinssent à honneur d’être les maîtres en leurs diocèses, — ne purent que travailler, plus ou moins ouvertement, à se débarrasser de cette collaboratrice importune. […] Et telle était, dès l’origine, la tendance des « disciples de saint Augustin, »celle de Saint-Cyran lui-même, en dépit des aspirations combatives et réformatrices de sa nature. […] Et si le nom des hommes de Port-Royal figure au premier rang de ceux qui détruisirent une compagnie que, pourtant, plusieurs d’entre eux avaient contribué à fonder et à développer, c’est que Port-Royal détestait dans ces « zélés » les soutiens importuns d’une Eglise dont la rénovation ne pouvait se faire, selon eux, que par une révolution radicale de, l’esprit chrétien, et par la substitution d’une haine raisonnée de la nature et du monde à toutes ces charités empressées, gestes vains, selon eux, d’une piété inintelligente, complaisances détestables d’un paganisme inconscient. […] Sur cette question, Brunetière, que la psychologie de Molière et la nature de ses opinions religieuses passionnait (cf. l’article de la Revue du 1er août 1890) se proposait de revenir (cf. la Revue du 1" juillet 1903, p. 70).