Qu’on se figure, dans la position de madame de Maintenon, une femme d’un autre caractère : elle mettra en jeu tout ce que l’art de la galanterie aura de plus raffiné, d’abord pour nuire à sa rivale, ensuite pour plaire toujours plus qu’elle-même : elle disputera sa possession autant qu’il faudra pour en exalter le désir jusqu’à la passion. […] sur quel pied l’épouse légitime, la mère de l’héritier de la couronne, sera-t-elle obligée à vivre avec la femme coupable qu’un double adultère met dans les bras du roi ? […] Elle écrit à sa fille, le 29 avril 1676 : « La reine a été deux fois aux Carmélites avec Quanto (madame de Montespan).Cette dernière se mit à la tête de faire une loterie ; elle se fit apporter tout ce qui peut convenir à des religieuses ; cela fit un grand jeu dans la communauté. […] Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer117. […] Enfin, sans rien demander de positif, elle lui fil voir les horreurs de son état, et la confiance qu’elle avait en sa bonté, et mit à tout cela un air qui ne peut venir que de Dieu.
Cette foule d’amans qui l’entoure, et dont le poète ne met en scène que le nombre nécessaire à l’action, se retrouvait certainement autour d’Armande. Quelle que pût être la conduite de celle-ci, — grosse question qu’il faudra bien aborder, — les adorateurs affluaient autour d’elle, attirés par une profession qui la mettait si en vue. […] » Cette fois, elle y met une indifférence de cœur, une régularité et une âpreté au gain qui la rangent parmi les femmes galantes de profession. […] Il ne faut donc pas chercher dans sa conduite, ou plutôt y mettre les yeux fermés une régularité bourgeoise qui n’y est pas et n’y saurait être. […] D’autant plus qu’elle avait bien besoin d’un homme pour la protéger et mettre fin par sa seule présence à une situation des plus pénibles.
Qu’à l’envi cependant, donnant dans l’épopée, Et mon épouse & moi nous ne lâchions par an, Moi, qu’un demi-poëme, elle, que son roman : Vers nous, de tous côtés, nous attirons la foule : Voilà, dans la maison, l’or & l’argent qui roule, Et notre esprit qui met, grace à notre union, Le théâtre & la presse à contribution. […] de l’Empyrée amoureux d’une beauté imaginaire qui l’a charmé par les vers ingénieux qu’elle met dans le Mercure ; lorsqu’il croit les Muses attristées parcequ’il a perdu ses tablettes ; lorsqu’il se déclare malgré lui pour l’Auteur de la piece nouvelle ; sur-tout lorsqu’il seche dans l’impatience d’apprendre le succès de son ouvrage. […] Le dernier est fier d’un avantage qu’il possede réellement, & qu’il met au-dessus de tout ; les premiers, d’un avantage qu’ils croient posséder, & qui leur fait tout oser : l’un le soutient avec une fierté noble qui lui sied ; les autres, avec une impertinence qui ajoute un ridicule à leurs prétentions. […] Harpagon met à la porte la Fleche, parceque ses yeux furetent par-tout pour voir s’il y a quelque chose à voler : il lui ordonne de montrer ses deux mains, ensuite les autres ; il le fouille, & le congédie en mettant sur sa conscience ce qu’il lui a pris. […] Il vaut mieux sans contredit n’en pas mettre, que de l’animer par le secours de personnages subalternes, comme dans le Dissipateur, dans le Philosophe marié, le Glorieux, &c. ou par des traits qui n’appartiennent pas du tout au caractere annoncé : mais lorsqu’on aura l’art de faire naître toutes les scenes, tous les incidents, toutes les situations du caractere promis par le titre, qu’on ne craigne point de trop compliquer une action ; ce seroit craindre de mettre trop de beautés dans un ouvrage.