L’enfant perdit sa mère de bonne heure, en 1633 ; il n’avait que dix ans ; quelques endroits de son théâtre, où la franchise toute nue de l’expression et la liberté très crue de la plaisanterie blessent encore les oreilles délicates, trahissent peut-être ce défaut d’éducation maternelle. […] Lorsque l’on considère qu’à dix-huit ans Madeleine — qui faisait probablement partie de la troupe du Marais — avait économisé cinq ou six milles livres ; qu’elle était fille d’une mère qui n’avait pas mis ou ne devait pas mettre au monde moins d’une douzaine d’enfants, et d’un pauvre huissier à la table de marbre, on est assez renseigné sur les origines de son pécule, et sur le sort de sa vertu ! […] Son père, bien loin de contrecarrer sa vocation, lui fait une avance d’hoirie de 630 livres ; et Marie Hervé, mère des Béjart, cautionne le bail du jeu de paume dit des métayers, où la troupe de l’Illustre Théâtre va dresser la scène de ses premières représentations. […] On se révolte, et l’on a raison, à la seule pensée que Molière ait épousé une Armande qui risquait d’être sa propre fille ; mais, hélas, quand il n’aurait épousé que la fille de sa vieille maîtresse, en dépit de la mère, après neuf mois de résistance, et dotée des économies de Madeleine, dont il recueillit plus tard la succession tout entière, le malheureux grand homme en serait-il plus excusable ? […] Si donc il ne peut s’empêcher de recommencer, entre deux scènes de ménage ou entre deux hoquets, l’apologie de la nature ; s’il continue de bafouer tous ceux qui veulent entreprendre sur les droits de cette mère de toute santé, de toute sagesse, de toute vertu, combien ne fallait-il pas que cette philosophie lui tînt au cœur, et qu’il en fût sans doute plus profondément imbu qu’il ne le croyait lui-même !
le voici : L’hôtel de Rambouillet nous offre d’abord le spectacle d’une société qui, sous les auspices d’une femme jeune, belle, spirituelle, de naissance illustre, épouse et mère d’une vertu exemplaire, se distingue par la pureté, la décence, la délicatesse de ses mœurs, et se sépare de la cour et des gens du monde de la capitale, tous plus ou moins entraînés dans des habitudes de dissolution et effrontée.
Le premier qui, profitant des leçons de Molière quitta le romanesque et le bouffon pour une intrigue raisonnable et la conversation des honnêtes gens, fut le jeune Quinault, qui donna sa Mère coquette, en 1665, sous le titre des Amants brouillés. […] Il y a des détails agréables et ingénieux, et de bonnes plaisanteries : telle est celle d’un valet fripon à qui l’on donne un diamant pour déposer que le mari de la Mère coquette est mort aux Indes, quoiqu’il n’en soit rien. […] Les deux jeunes amants, Isabelle et Acante, sont un peu brouillés par de faux rapports de valets que la Mère coquette a gagnés. […] On sait que le repentir de Rodope, qui a méconnu sa mère un moment, a toujours fait verser des larmes : l’auteur a touché un des endroits du cœur humain les plus sensibles.