Le tître de la piéce, le caractére du premier personnage, la nature de l’intrigue, & le genre de comique qui y régne, semblent annoncer qu’elle est moins faite pour amuser des gens délicats, que pour faire rire la multitude ; cependant on ne peut s’empêcher d’y découvrir en même tems un but très-moral ; c’est de faire sentir combien il est dangereux de juger avec trop de précipitation, sur tout dans les circonstances où la passion peut grossir ou diminuer les objets. […] Le Roi défendit 31 dès lors cette comédie pour le public, jusqu’à ce qu’elle fût achevée & examinée par des gens capables d’en faire un juste discernement, & ajoûta,32 qu’il ne trouvoit rien à dire à cette comédie. […] Moliere ne fut pas seulement en butte aux Tartuffes, il avoit encore pour ennemis beaucoup d’Orgons, gens simples & faciles à séduire ; les vrays dévots étoient même alarmés, quoique l’ouvrage ne fût guéres connu33 ni des uns ni des autres. […] Il n’a pas même crû avilir son talent, en se prêtant au peu de délicatesse de la multitude, dans ces piéces, dont les caractéres chargés plaisent toujours au plus grand nombre, & où les gens de goût, sans en approuver le genre, remarquoient des traits que l’usage a consacrés, & a fait passer en proverbes. […] Il fut compris dans l’état des gens de lettres qui eurent part aux libéralités du Roi en 1663, par les soins de m.
Nous y voyons ensuite se contracter une triple alliance entre les gens de cour du plus d’esprit, les gens du monde choisis, et les hommes de lettres dont plusieurs sont encore aujourd’hui considérés dans la littérature ; alliance qui n’a fait que s’étendre et se resserre jusqu’au temps de la révolution.
Veux-tu deux de mes gens qui te bâtonneront ? […] Au travers de son masque, on voit à plein le traître ; Par-tout il est connu pour tout ce qu’il peut être ; Et ses roulements d’yeux, & son ton radouci, N’imposent qu’à des gens qui ne sont pas d’ici.