Quant au ridicule, il n’est pas, il ne peut pas être, d’après ce que je viens de dire, produit par le contraste du caractère et de la situation, de la passion et de l’intérêt ; c’est un ridicule de mots, un ridicule exagéré et presque imaginaire, tel qu’il convient au genre de la farce proprement dite. […] L’association bizarre des deux termes qui servent à qualifier cette production, suffirait seule pour faire condamner le genre. […] Un genre si faux ne pouvait être ni de l’invention ni du goût de Molière ; mais peut-être n’eut-il pas la liberté du choix.
D’Ancourt, Regnard & plusieurs autres ont presque toutes leurs pieces dans ce genre. […] Quelques portraits de ce genre dans une piece qui ne fût pas un chef-d’œuvre comme l’Ecole des maris, suffiroient pour déterminer les Comédiens à ne plus la donner, & peu-à-peu elle tomberoit dans l’oubli. […] Loin de voir dans aucune des principes dangereux, nous trouverions dans deux ou trois des détails très moraux, & dans toutes les autres, un fonds de philosophie qui annonce le Précepteur du genre humain, & un Sage qui, non content de rendre les hommes meilleurs en épurant leurs ames, veut faire leur bonheur en combattant leurs chimeres, tâche de les rendre plus savants dans une infinité d’arts en dévoilant à leurs yeux l’ignorance & le mauvais goût, & finit enfin par les rendre plus agréables dans la société, en combattant leurs travers & leurs ridicules. […] Je sais, pour toute ma science, Du faux avec le vrai faire la différence ; Et, comme je ne vois nul genre de héros Qui soit plus à priser que les parfaits dévots, Aucune chose au monde & plus noble & plus belle Que la sainte ferveur d’un véritable zele ; Aussi ne vois-je rien qui soit plus odieux Que le dehors plâtré d’un zele spécieux, Que ces francs charlatans, que ces dévots de place, De qui la sacrilege & trompeuse grimace Abuse impunément & se joue à son gré De ce qu’ont les mortels de plus saint & sacré.
Les anathèmes et les menaces sont les conventions du genre, tout comme les larmes et les prières. […] Aussi toutes les comédies de ce genre sont-elles fort courtes ; elles dépassent rarement la durée d’un acte. […] Amphitryon n’en est pas moins une pièce unique en son genre, et que Molière seul pouvait écrire. […] C’est là un genre de mérite auquel nous, sommes devenus très sensibles. […] Les mots de ce genre abondent dans le rôle.