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86. (1772) De l’art de la comédie. Livre quatrième. Des imitateurs modernes (1re éd.) [graphies originales] « CHAPITRE V.*. Destouches imitateur, comparé à Moliere, Plaute, Regnard, Shakespeare, &c. » pp. 185-218

Lothaire, forcé par l’amitié de céder aux instances d’Anselme, s’y détermine dans l’espoir de le rendre plus heureux : il est très long-temps sans parler d’amour à Camille, & persuade à son ami qu’elle résiste aux attaques les plus vives. […] Timon est forcé de convenir que l’univers n’est pas sans vertu : il montre son trésor à Evandra, lui déclare qu’il veut sans cesse le tenir caché pour prévenir les maux dont on le feroit l’instrument.

87. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Forcer le roi Louis XIV (qui sera le sujet de madame de Maintenon) à dire son terrible : Je le veux ! […] Il n’est pas forcé de savoir par cœur L’Amour médecin ! Il n’est pas forcé de deviner ce qui appartient à la comédie et ce qui appartient au ballet. […] « Il fut forcé, dit Voltaire, d’exiler de Rome son propre frère, d’envoyer à Versailles son neveu, le cardinal Chighi, faire satisfaction à Sa Majesté, de casser la garde corse, qui avait tiré sur notre ambassadeur, et d’élever une pyramide qui contenait l’injure avec la réparation. » Voilà un poète anglais bien venu à faire dire à Louis XIV : On n’a jamais dit que Louis XIV n’eût pas abaissé son sceptre devant la crosse de l’Église. […] « Sincerum fuit sic eorum judicium, nihil ut possint nisi incorruptum audire et elegans : eorum Religioni cum serviret orator, nullum verbum insolens aut odiosum ponere solebat. » Ceci est un beau passage de Cicéron, et ce que dit l’orateur romain des orateurs athéniens, on le dira quelque jour des journalistes de Paris, lorsque les esprits seront accoutumés à ne rien souffrir que de pur, d’élégant et d’achevé ; lorsque cette intelligente nation aura forcé les écrivains, par son discernement même, à ne rien avancer, qui ne soit d’un sens exquis, et contenu dans les justes limites d’une langue obéissant aux lois les plus strictes de la grammaire, aux instincts les plus exigeants de l’esprit.

88. (1747) Notices des pièces de Molière (1666-1669) [Histoire du théâtre français, tome X] pp. -419

Les efforts qu’il fit pour achever son rôle augmentèrent son oppression, et l’on s’aperçut qu’en prononçant le mot juro, dans le divertissement du troisième acte, il lui prit une convulsion qu’il tâcha en vain de déguiser aux spectateurs par un ris forcé. […] Le Mariage forcé, comédie-ballet, en un acte, en prose, représentée au Louvre et sur le théâtre du Palais-Royal, avec quelques changements, 1664. […] On fut forcé de convenir qu’une prose élégante pouvait peindre vivement les actions des hommes dans la vie civile, et que la contrainte de la versification, qui ajoute quelquefois aux idées, par les tours heureux qu’elle donne occasion d’employer, pouvait quelquefois aussi faire perdre une partie de cette chaleur, et de cette vie, qui naît de la liberté du style ordinaire. […] Les plus mutins s’ameutèrent, et ils résolurent de forcer l’entrée ; ils furent en troupe à la comédie, ils attaquèrent brusquement les gens qui gardaient les portes ; le portier se défendit pendant quelque temps, mais enfin, étant obligé de céder au nombre, il leur jeta son épée, se persuadant qu’étant désarmé, ils ne le tueraient pas ; le pauvre homme se trompa : ces furieux, outrés de la résistance qu’il avait faite, le percèrent de cent coups d’épée, et chacun d’eux en entrant lui donnait le sien. […] On peut hardiment avancer que les discours de Cléante, dans lesquels la vertu vraie et éclairée est opposée à la dévotion imbécile d’Orgon, sont, à quelques expressions près, le plus fort et le plus élégant sermon que nous ayons en notre langue ; et c’est peut-être ce qui révolta davantage ceux qui parlaient moins bien dans la chaire que Molière au théâtre… Presque tous les caractères de cette pièce sont originaux ; il n’y en a aucun qui ne soit bon, et celui du Tartuffe est parfait : on admire la conduite de la pièce jusqu’au dénouement ; on sent combien il est forcé, et combien les louanges du roi, quoique mal amenées, étaient nécessaires pour soutenir Molière contre ses ennemis. » a.

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