Le roi avait légitimé les enfants qu’il avait de madame de La Vallière ; madame Scarron était donc fondée à prévoir le même sort pour ceux de madame de Montespan ; et elle s’était mis dans l’esprit que les fils de Louis XIV, confiés à ses soins, ne devaient pas être les tourments de la France comme l’avaient été les bâtards de Henri IV, et qu’elle devait rendre ses élèves dignes de leur haute destinée, par leur moralité et leur esprit. […] Elle devait même monter plus haut que madame de Montausier ; mais c’est une singularité de sa fortune que la première circonstance par où elle fut signalée, fut l’acquisition de la terre de Maintenon qui appartenait à la maison d’Angennes, dont le marquis de Rambouillet était le chef ; et que, quand le roi donna à madame Scarron, comme on le verra en suivant l’ordre des faits, le titre et le nom de marquise de Maintenon, ce titre et ce nom étaient portés par un des fils d’Angennes ; de sorte qu’elle succéda à un domaine, à un titre, à un nom de l’hôtel Rambouillet, en même temps qu’à la réputation d’esprit et de mœurs, et à la considération de la duchesse de Montausier, dernier rejeton de cette maison.
Je crois que pour y réussir il suffit d’avoir ce qu’on appelle l’esprit de saillies & de bons mots ; mais c’est à mon sens une chose des plus hardies que d’imaginer, comme a fait Moliere, une comédie en trois actes de scenes détachées, telle que les Fâcheux. […] A la suite d’un de ces repas tumultueux où chaque convive se croit obligé de faire preuve d’esprit, où l’on pense comme Scarron que La digestion est meilleure Lorsqu’on dispute un bon quart-d’heure, j’ai entendu critiquer précisément ce que nous venons d’admirer : « Puisque Moliere, disoit-on, a fait rouler son action, son intrigue, son dénouement sur l’amour, il a tort de n’avoir pas filé dans chaque acte une ou deux scenes qui caractérisassent cette passion ». […] d’un esprit méchant n’est-ce pas un effet, Que feindre d’ignorer ce que vous m’avez fait ? […] Orphise toutefois, malgré son désaveu, Daigne accorder ce soir une grace à mon feu ; Et j’ai fait consentir l’esprit de cette belle A souffrir qu’en secret je la visse chez elle. […] Une petite bagatelle à scenes détachées peut échapper à un homme d’esprit, même à un homme de génie ; il la donne alors sans prétention ; c’est un enfant perdu qu’il livre au caprice du public : s’il fait plusieurs actes, l’ouvrage acquiert pour lors une certaine consistance qui le fait juger avec sévérité.
Admiration qui peut surprendre : sa philosophie n’est ni élevée, ni profonde, ni originale ; elle n’a apporté à l’humanité aucune vérité nouvelle, aucune de ces conceptions, de ces interprétations de la vie qui enrichissent l’esprit de l’homme et impriment à sa pensée, à sa conduite une direction non encore entrevue. […] Son influence est universelle et ses œuvres qui reflètent si fidèlement l’esprit de la France et de son temps, sont applaudies par les étrangers, par le public du xxe siècle, comme elles le furent par ses contemporains et par ses compatriotes. […] Si grand soit-il, Pascal ne représentera jamais la France entière, mais un clan, un parti religieux ou philosophique, car non seulement sa polémique est une polémique de coterie, mais sa pensée n’intéresse que cette aristocratie de l’esprit qui, au-dessus des contingences et des nécessités de la vie, peut s’élever jusqu’à la méditation constante des mystères éternels. […] Un Racine exprime cette délicatesse, cette recherche des nuances, de la finesse dans l’analyse des sentiments qui sont une des parures de notre esprit et un des charmes de nos salons. […] Un Voltaire traduit ce désir de justice et de tolérance, cette aversion des iniquités sociales et politiques, qui s’accompagnent d’assez de tact, de bonne humeur, de sens des réalités pour ne se point dénaturer en un esprit de révolte brutale et violente.