/ 177
86. (1824) Notice sur le Tartuffe pp. 91-146

Il peut paraître étonnant que Molière se soit décidé à la supprimer ; il n’a pu s’y résoudre que pour terminer son second acte d’une manière brillante ; peut-être s’était-il aperçu, à la première représentation, qu’après la scène délicieuse de la brouillerie et du raccommodement, celle qui la suivait avait paru un peu terne, et la crainte de finir froidement un acte qui complète l’exposition de la pièce, ou plutôt ce désir si naturel à un auteur de viser à l’effet, et de ne pas voir languir les applaudissements, l’ont sans doute décidé à ce retranchement. […] Vous vous êtes trompés, mes frères ; faites-moi le but de vos injures et de vos pierres, et tirez sur moi vos épées. » Cette conduite adroite de Montufar produit sur la multitude le même effet que la feinte humilité de Tartuffe sur Orgon ; l’engouement d’un peuple hébété redouble pour l’imposteur, et le trop véridique gentilhomme est obligé de se soustraire par la fuite à la vindicte publique. […] Sous le règne affreux de l’athéisme et de l’anarchie, au moment où les autels tombaient sous la hache des impies, et leurs ministres sous le fer des bourreaux, la peinture de l’hypocrisie religieuse était une cruauté froide et dérisoire : aussi la pièce était-elle moins jouée, et produisait-elle moins d’effet. […] Faites du personnage principal un Caton ou un Brutus de circonstance, introduisez-le chez quelque bourgeois honnête homme, atteint de la fièvre des doctrines anarchiques, qui ait une jeune femme à séduire et une fille riche à doter, et qui, malgré la ferveur de ses opinions, garde le secret d’un ami fugitif ; supposez qu’il se trouve dans cette maison un homme modéré qui blâme ces emportements et ces faux dehors d’un patriotisme affecté, qui distingue entre l’amour vrai et désintéressé du pays et l’intolérance brutale de l’esprit de persécution, vous retrouverez Tartuffe, Orgon, Elmire, Marianne et Cléante ; l’hypocrite démasqué dénoncera son bienfaiteur comme un mauvais citoyen ; vous aurez pour un autre temps et pour d’autres mœurs toute la fable de Molière, parce que les mêmes passions produisent les mêmes effets, parce que les Tartufes changent de manteaux et ne changent pas de vices.

87. (1881) La philosophie de Molière (Revue des deux mondes) pp. 323-362

En voulant faire face à la fois et aux libertins, dont Molière était le soi-disant interprète, et aux jansénistes, qui étaient placés à un point de vue tout opposé et qui étaient aussi ennemis de Molière que les jésuites eux-mêmes, Bourdaloue risquait d’affaiblir l’effet cherché. […] Ne serait-ce pas aussi l’impression de la vieille légende espagnole dont Molière n’a pas amorti l’effet en la traduisant sous la forme comique et en l’assaisonnant du sel gaulois ? Quelle que soit la cause de cette impression, toujours est-il que le Don Juan est animé d’un feu si rapide, d’une gaîté si audacieuse, d’une variété d’effets et de ton si peu ordinaire dans notre théâtre, d’une liberté de penser si singulière ; il nous présente un caractère si nouveau et si brillant, une insolence de vice si élégante et si fière, en un mot, une peinture d’une telle couleur et d’une telle chaleur, que, malgré les Sganarelle et les Pierrot, qui font repoussoir, l’œuvre dans son ensemble n’en est pas moins poétique, comme Don Quichotte, malgré Sancho Pança. […] Il est un peintre des mœurs partout où il surprend un effet plaisant, il le note au passage et nous le présente sur la scène sans rien blâmer, sans rien approuver.

88. (1686) MDXX. M. de Molière (Jugements des savants) « M. DXX. M. DE MOLIÈRE » pp. 110-125

Mais il faut laisser encore une fois à ceux que Dieu à choisis pour combattre la comédie et les comédiens le soin d’en faire voir les dangers et les funestes effets, et renvoyer ceux qui voudront s’en instruire plus à fond aux traités qu’en ont écrit, je ne dis pas seulement M. le Prince de Conti, M. de Voysin, M. 

/ 177